À Avignon (mais pas sur le pont), les religieuses ont dansé avec les gilets jaunes !
Sur les réseaux sociaux, la vidéo est devenue rapidement virale. La scène se passe à un barrage près d’Avignon. La manifestation les ayant forcées à s’arrêter, deux religieuses - deux dominicaines du Saint-Esprit - sont sorties de leur voiture et, se joignant aux gilets jaunes, ont dansé avec eux, telle Thérèse d’Avila jouant des castagnettes avec ses novices. Dans leur long habit blanc, leur grand rosaire de bois virevoltant à la ceinture, à peine gênées par leur grand voile noir sur la guimpe, elle esquissent en chaussettes dans leurs sandales les pas d’un Madison oublié, comme jadis, en escarpins, les jeunes filles gaies qu’elles étaient… qui ignoraient encore - ou ne le disaient pas - qu’elles allaient offrir leur vie.
Et les gilets jaunes ébahis rient et applaudissent en rythme, finissent pas faire un cercle autour d’elles. L’un d’eux, qui est peut-être DJ dans son village pour le bal du 14 Juillet, fait l’animation, enflant sa voix avec son accent du Sud, pour soulever une ovation enthousiaste : "Alleeeeez ! elleeeeees sont lààààààà, les sœurs, ou elleeeees sont pas lààààà ?" Oui, elles sont là, mais elles s’en vont déjà. Soyons sérieux, il faut qu’elles repartent. Puis, d’ailleurs, ce n’est pas elles qu’il faut applaudir, mais Lui : l’une d’elle brandit le crucifix qui pend au bout de son rosaire. Elle parle ensuite avec une manifestante, le son est trop mauvais pour qu’on distingue les paroles, mais son doigt est levé : vers le ciel. Avant de s’engouffrer dans leur voiture et redémarrer, sous les vivats de l’assistance. Il n’y a pas d’heure ni de lieu pour évangéliser. Et celui-ci, somme toute, n’est pas plus mal choisi qu’un autre. Il est peut-être même plutôt bien trouvé. Leur ange gardien, facétieux et qui avait sans doute des fourmis dans les pieds, les a bien inspirées.
Le temps était gris et pluvieux - eh oui, même à Avignon c’est possible - et l’humeur au diapason : c’est poussés par la détresse, la colère et la peur du lendemain qu’ils sont venus manifester. Et voilà que la petite vertu espérance, comme disait Charles Péguy, incarnée par deux joyeuses "bonnes sœurs", est venu les dérider.
Beaucoup - la plupart ? - ne croient ni à Dieu ni à diable et seraient bien en peine de dire par quel bout se prennent les boules en buis qui pendent à leur taille. Peu importe.
Ces religieuses, aussi furtives et déterminées dans leur façon de danser que dans leur manière de s’en aller - trois petits tours et puis s’en vont -, semblent sorties d’un film de Louis de Funès, d’une douce France dont ils sont nostalgiques et que l’on n’appelait pas encore, alors, la France périphérique. Une France fantasmée, parfois - certaines grand-mères vous diraient que, dans les pensions, les religieuses n’étaient pas toutes aussi rigolotes que celles-là -, mais dont ils veulent confusément retrouver le terreau pour la réinventer. Non, cette France n’est pas à bout de souffle, triste et décatie. Non, il n’est pas de seule religion vivante dans ce pays que celle, en pleine expansion, dont on croise les fondamentalistes sombres et menaçants.
Comme dit Karl Lagerfeld dans la publicité, le gilet jaune peut vous sauver. Même de la morosité.
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