À entendre Darmanin, finalement, le gouvernement a reculé pour mieux avancer
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Si Gérald Darmanin était un animal, il pourrait être un chat : il retombe toujours sur ses pattes. Interviewé, jeudi, sur franceinfo, le ministre de l’Action et des Comptes publics a expliqué que "ce ne sont pas les violences qui ont fait reculer le gouvernement" mais "évidemment l’opinion publique". C’est sûr : au paroxysme de la crise, 75 % des Français soutinrent le mouvement des gilets jaunes. De quoi faire réfléchir les plus psychorigides, droits dans leurs bottines.
Il n’empêche, si l’on en croit la journaliste à L’Opinion Irène Inchauspé, au lendemain du « samedi terrible », Roux de Bézieux, le patron des patrons, téléphonait à Emmanuel Macron pour lui demander de tout lâcher, tant était grande la peur chez certains grands patrons de retrouver leur tête au bout d’une pique. La peur, bonne conseillère ? On dit même qu’elle donne des ailes… Bref, on ne va pas disserter éternellement sur le sujet. Il n’empêche que le gouvernement a "reculé", dixit Darmanin. Question : est-ce qu’on peut reculer sans changer de cap ? Car, jusqu’à récemment, rappelons qu’il n’était pas question de changer de cap, on nous l’avait bien dit jusqu’à ce qu’Édouard Philippe soit gentiment convié à manger son chapeau. Reculer sans changer de cap : c’est ce qui doit s'appeler marcher à reculons.
Mais là où Gérald Darmanin est drôlement balaise, c’est lorsqu’il explique que le mouvement des gilets jaunes serait une sorte de soutien à l’action du gouvernement. Si, si. Il ne le dit pas comme ça, évidemment, mais c’est tout comme. Selon lui, le peuple français "a dit à son gouvernement : “vous devez aller plus vite dans la baisse des impôts et dans le soutien au pouvoir d’achat”." Trop fort ! En clair, les Français nous ont dit d'aller plus vite dans la politique que nous menons. Les Français plus macronistes que le roi ou plus royalistes que Macron, si vous voulez.
Mais repassons le film depuis le début, histoire de bien comprendre. Le gouvernement décide d’augmenter les taxes sur les produits pétroliers, rapport à la planète qu’il faut sauver, on vous l’a déjà dit et répété. D’où - logique - le pouvoir d’achat des Français qui allait baisser en 2019. D’où protestation, manifestations et toutes sortes d’autres choses en jaune. D’où recul : moratoire puis suppression de l’augmentation des taxes sur les produits pétroliers. Ce qui revient, au final, en quelque sorte, à bien y réfléchir et en faisant preuve de pédagogie pour ces grands enfants que sont les Français, à augmenter le pouvoir d’achat par rapport à ce qu’il aurait été si l’augmentation des taxes avait été appliquée. Vous suivez, j’espère ?
Dernière pirouette-cacahuète de notre félidé ministre, histoire de faire croire que le gouvernement maîtrise encore quelque chose : "Je crois que le gouvernement aurait fait des avancées sociales importantes" si le mouvement des gilets jaunes s’était limité à des actions pacifiques. C’est ce qui s’appelle refaire le match. "Ah, si nous autres, les sudistes, on avait été plus nombreux, vous autres, les nordistes, vous auriez bel et bien pris la pâtée", racontaient, dans un sketch, Roger Pierre et Jean-Marc Thibault…
Reconnaissons, cependant, une certaine sagesse à Gérald Darmanin : "Pourquoi le gouvernement a écouté et a finalement changé une partie de sa politique ? Un gouvernement qui n’écouterait pas l’opinion publique de manière aussi continue serait voué à l’échec. Pourquoi le gouvernement a écouté et a finalement changé une partie de sa politique ? Parce qu'il y avait un mouvement d'opinion publique, très important, incontestable." Écouter l’opinion publique, c’est peut-être bien. Écouter le peuple, c’est encore mieux, nous semble-t-il. C’est ce que fit le général de Gaulle, en 1968. Mais la peur est bonne conseillère, disions-nous...
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