Affaire Ferrand : s’enrichir sans risques

La finance traite de couple (rendement/risque). Elle signifie, en cela, que si l’investisseur s’expose à une probabilité d’échec, de perte élevée, il s’attend à une rémunération supérieure. Celui qui risque son argent dans une start-up veut un retour sur investissement bien supérieur à celui d’un billet du trésor d’un État très solvable.

Lorsque l’investisseur ne dispose pas intégralement du financement nécessaire à son investissement, il peut solliciter des associés ou des prêteurs. Les associés partagent ensemble le couple (rendement/risque) mais les prêteurs exigent des quasi-certitudes de remboursement : la priorité est de rémunérer et rembourser la dette. Le capital ne passe qu’après, et seulement si c’est possible. Mais si le profit est au rendez-vous, l’investisseur peut gagner beaucoup plus d’argent : la rentabilité de son investissement (le profit qu’il en retire divisé par le financement qu’il y a investi) explose d’autant plus qu’il est endetté. C’est l’effet de levier.

La valeur d’un investissement immobilier locatif peut être divisée en deux composantes : la valeur des murs lorsqu’ils ne sont pas loués, et l’incrément de valeur qui résulte des flux financiers futurs que sont les loyers nets qui seront encaissés lorsque le bien est loué, modulo des ajustements de marchés périodiques. Fin de l’épisode didactique.

L’affaire Richard Ferrand agite notre Landernau politique. D’un point de vue patrimonial, c’est un coup de maître. La compagne du nouveau ministre soumet, via une SCI, à la mutuelle où celui-ci exerce un mandat de direction générale une offre de location pour un bien immobilier qu’elle ne détient pas encore. Le conseil d’administration choisit de louer ce bien qui ne lui appartient pas encore et s’engage à financer des travaux de rénovation dont le bailleur restera propriétaire. Forte de l’incrément de valeur lié à ce bail et à ces travaux, elle parvient à convaincre une banque de lui prêter la totalité du prix d’acquisition du bien à louer. La prise de risque est donc minimale, l’effet de levier maximal et la rentabilité stratosphérique. Chapeau l’artiste : satisfaire un besoin de l’entreprise qu’il dirige en rémunérant grassement la quasi-absence de prise de risque de sa compagne, c’est très fort.

Peut-être que cette solution familiale était aussi, et sur des critères objectifs, la meilleure décision à prendre pour cette mutuelle.

Du point de vue de la gouvernance, un esprit tatillon pourrait se poser deux questions. En premier lieu, lorsqu’un conflit d’intérêts se présente, la solution la meilleure est de le faire savoir haut et fort et de ne pas participer à la discussion, et surtout de tout documenter : les gens sont si soupçonneux. Pourquoi n’est-ce pas le cas ici ? La seconde renvoie au b.a.-ba de la finance : jamais, jamais, jamais on ne finance un investisseur ou son projet s’il ne prend pas lui-même de risques financiers suffisants, avec son argent propre. Comment est-il possible, ici, qu’une banque se soit contentée de ces fonds propres « de papier » pour octroyer un tel financement ?

Si j’étais l’un des adhérents de la Mutuelle de Bretagne, je ne manquerais pas de réclamer la démission de tout le conseil d’administration pour une aussi piètre gouvernance. Et si j’étais en charge de l’inspection générale de la banque qui a octroyé ce prêt, les membres du comité de crédit impliqués devraient en rendre des comptes.

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