Blaise Matuidi s’est signé, Caroline Fourest n’a pas aimé. Moi, si !

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Il ne suffit pas d’être issu de la diversité pour plaire à la gauche. Il faut encore rester dans les clous fixés par sa doxa.

Dans un tweet lapidaire, Caroline Fourest a exprimé, au cours du match de la victoire, son mécontentement de voir le joueur Blaise Matuidi se signer sur le terrain : "Signe de croix de Matuidi vraiment pas nécessaire… c’est quand même mieux de pouvoir communier tous ensemble sans afficher ses croyances. Allez les bleus. Vive la République, vive la France. »

Deux heures plus tard, ce tweet disparaissait. Peut-être le « bad buzz » avait-il fait comprendre à son auteur que plus que le geste de Matuidi, c’était en réalité sa remarque qui n’était pas vraiment nécessaire, et même parfaitement malvenue.

Dévote - pour ne pas dire bigote - laïque, Caroline Fourest, qui s'élève de temps à autre avec un certain courage contre la montée de l’islamisme, pense qu’il faut renvoyer dos à dos toute foi, comme si le danger résidait dans LA religion, comme si, pour pouvoir demander à l’islam de la mettre en veilleuse, il fallait d’abord intimer l’ordre au christianisme de montrer l’exemple en se terrant.

Un raisonnement spécieux et surtout dangereux, car pour rester dans le registre sportif, on ne joue pas sur un terrain de tennis avec un club de golf, et c’est bien sur le terrain spirituel, laissé en friche par le reflux du christianisme en France, que progresse l’islam dans sa forme la plus radicale. Ce n’est donc pas en le désertant un peu plus qu’on gagnera.

Le geste de Matuidi est, au contraire, un signal sympathique, qui vient s’ajouter à quelques autres bonnes nouvelles de cette Coupe du monde, différente à bien des égards de celle de 98.

Il y a cet entraîneur, humble et rugueux, dont le patronyme bucolique fleure bon la France périphérique et dont le sourire, sur une denture qui n’a visiblement jamais croisé la route d’un orthodentiste, réchauffe les cœurs.

Il y a ce drapeau bleu blanc rouge brandi aux quatre coins de la France, pour une cause dérisoire peut-être, mais que l’on réapprend à aimer.

Il y a le mot France, qui n’a jamais été autant prononcé, et dont Griezmann, avant la finale, a exhorté les jeunes à être fier.

Il y a donc, enfin, ce geste de Matuidi, qui s’inscrit dans une longue tradition chrétienne sportive et même guerrière - depuis Constantin, "par ce signe tu vaincras" - dont les grincheux pourront dire qu’il n’est que superstition, ou théologie de la rétribution, mais qui devant des millions de jeunes téléspectateurs, notamment des banlieues, dont Matuidi est le héros, a renvoyé le foot dans ses buts et remis l’église au centre du village : au-dessus du joueur, il y a un Dieu, qui le dépasse et dans les mains duquel il se remet. Et ce Dieu-là n’est pas celui des salafistes.

C’est tout aussi tranquillement qu’Olivier Giroud a expliqué, sur TF1, qu’il ne se raserait pas les cheveux tout de suite après la victoire, comme il en avait fait le pari, mais après… le baptême de son fils, le 22 juillet.

Alors, évidemment, il y a les insupportables exactions de la nuit. Mais sont-elles imputables à la Coupe du monde ou à l’impéritie du gouvernement ? N’assiste-t-on pas au même triste spectacle le soir du réveillon ?

Alors, bien sûr, il y a les tentatives de récupération : "L’Afrique aussi championne du monde de foot", titre le site de Paris Match. N’est-ce pas, au contraire, une cinglante défaite de tout un continent ? Celui-ci ne possède-t-il pas les mêmes richesses humaines sur son sol ? Ne sont-ce pas plutôt à ses gouvernants corrompus, incapables de développer ces talents, de se poser les bonnes questions ?

Alors, naturellement, il y a les saillies de la LICRA (antenne parisienne) opposant une équipe française black-blanc-beur à une équipe croate par trop uniforme. La couleur de peau serait donc l’essence de chaque homme ? Son origine, une marque indélébile ? Et si le chrétien Matuidi se sentait plus proche d’un Croate que d’un Benzema ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 22/07/2018 à 0:20.
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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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