[EDITO] Le jet Bardella va-t-il passer le mur des boomers ?

© X @J_Bardella
© X @J_Bardella

Mur de l’Atlantique, mur de Chine, mur de Berlin… il en va de ces murs comme de tous les autres : l’hubris de ceux qui les construisent est à la (dé)mesure de leur œuvre. Ils les croient imprenables et éternels. Ainsi Emmanuel Macron pensait solide comme l’airain ce que La Tribune Dimanche appelle « Le mur des boomers ». D’autres le croyaient avec lui. « Le problème du RN, c’est le vote des boomers », affirmait Jérôme Fourquet, en octobre 2023. De même, feu Patrick Buisson, dans l’un de ses derniers entretiens, estimait qu’« il y [avait] désormais plus étanche pour faire barrage [au RN] que le front républicain : le front des retraités » (Le Point). Il y voyait l’une des raisons de l’impossibilité pour le FN d’arriver au pouvoir.

De fait - quel paradoxe ! -, le candidat le plus jeune, qui promettait le « nouveau monde », a été porté à la magistrature suprême… par les Français les plus âgés. Emmanuel Macron leur plaisait : de la prestance, un costume bien taillé, un discours européiste - l’Europe de la paix est un rêve de boomer né sur les décombres de deux guerres fratricides - et son verbe, sa hauteur de technocrate étaient gages, pour eux, de sérieux, de compétence et de modernité.

Biberonnés au libéralisme dans une Europe fondée sur le commerce (la Communauté européenne du charbon et de l'acier) et, dès l'origine, convertie au capitalisme anglo-saxon, ils ne voyaient pas, pour beaucoup, en quoi le mondialisme pouvait être un problème. Anciens combattants de Mai 68 - leur seule guerre -, ils étaient nombreux, dans cette tranche d’âge, à trouver mille vertus à la société libertaire qui les avait affranchis d’une éducation jugée trop stricte. Cette génération a été longtemps l’acmé du ruban de Möbius libéral-libertaire théorisé par Michéa dans Le Complexe d'Orphée (Climats).

Quant à l’immigration, beaucoup, qui fréquentaient encore les églises, en avaient gardé une jolie vision irénique de curé progressiste illustrée par ces ribambelles de bonshommes en papier multicolore que celui-ci faisait découper aux enfants du caté : si tous les gars du monde voulaient se donner la main…

La réalité s'est invitée !

Mais la réalité s’est invitée et le charme s’est dissipé. La presse ne bruisse que de cela : « RN : la grande bascule des retraité » (l’Opinion), « La bataille du vote des seniors » (La Tribune), « Élections européennes : les seniors davantage séduits par le Rassemblement national, un tournant historique » (Radio France).

Car les sondages le montrent : le RN est désormais, sur la tranche d’âge des plus de 65 ans, presque au coude à coude avec Renaissance dans les intentions de vote. Or, les plus de 65 ans sont ceux qui se rendent aux urnes. Jérôme Fourquet (toujours lui) compare volontiers l’exercice du suffrage électoral à la pratique religieuse : on va voter parce que c’est obligatoire et parce que c’est sacré. Or, c’est la seule génération qui va encore (un peu) à la messe… Elle est la pierre d’angle de l’élection. Une pierre d’angle qui bascule du côté du juvénile Bardella, comme elle avait soutenu, il y a quelques années, le fringant Emmanuel Macron. On trouve toujours plus neuf que soi.

Il faut dire qu’ils ont déchanté. « C'est moi ou le chaos », disait peu ou prou, dans l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron. Ce fut lui et le chaos. Quant au Mozart de la finance, il s’est mué en « tocard » de la dette, selon le bon mot de Nicolas Dupont-Aignan. Les retraités craignent déclassement et insécurité pour leur descendance. Les nouveaux accents gaulliens du RN les rassurent et, pour certains, ses renoncements sociétaux aussi.

Un membre du gouvernement confie au journaliste de La Tribune : « Les retraités nous boudent ou nous quittent. Ils sont devant les chaînes info toute la journée et celles-ci leur renvoient les images d’un pays qu’ils ne reconnaissent plus. Il faut les rassurer toute de suite et leur expliquer que la France n’a pas tant changé que ça. » On les voit venir. Ça va être (encore) la faute de CNews. Comme si les retraités n’avaient pas simplement des yeux pour voir.

Pourtant, le gouvernement se donne du mal, pour endiguer l’hémorragie. Les accents martiaux d’Emmanuel Macron à l’endroit de Poutine ont un goût de madeleine de Proust aromatisée à la guerre froide. On parle du retour de l’uniforme, des écoliers qui se lèvent quand le maître rentre, du service militaire… et pourquoi pas, tant qu’on y est, du certificat d’études et des topinambours à la cantine ? La martingale couleur sépia est grossière. Pas sûr qu’elle suffise.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

84 commentaires

  1. Là, tout est dit ! Extrait : « Un membre du gouvernement confie au journaliste de La Tribune : « Les retraités nous boudent ou nous quittent. Ils sont devant les chaînes info toute la journée et celles-ci leur renvoient les images d’un pays qu’ils ne reconnaissent plus. Il faut les rassurer tout de suite et leur expliquer que la France n’a pas tant changé que ça. » On les voit venir. Ça va être (encore) la faute de CNews. Comme si les retraités n’avaient pas simplement des yeux pour voir.

  2. Sans compter les grosses ficelles utilisées par le pâle toqué élyséen au cours des deux campagnes présidentielles : visites dans des lieux de mémoire à Oradour-sur-Glane, au Musée de la Shoah…
    Et il remet le couvert pour les Européennes en commençant le 80ème anniversaire du Débarquement de Normandie par une visite à Vassieux-en-Vercors (le rapport avec le D-Day ne me semble pas direct), en prononçant un discours avec son talent théâtral bien connu, évoquant les Miliciens de Joseph Darnan, ces traîtres engagés contre les Résistants et partis combattre sur le Front russe…
    Les sous-entendus étaient, comme d’habitude, très lourds à l’encontre du RN largement en tête des sondages pour le 9 juin.
    Il faut récupérer les boomers, quoi qu’il en coûte et quels que soient les révisions historiques.

  3. Pour ceux qui souffrent d »insomnies, les discours de Macron sont désormais en vente dans les pharmacies.
    Ne pas dépasser la dose prescrite, sous peine d’empoisonnement. Attention aux effets secondaires tels que de violentes éruptions de boutons.

    • Surtout pas ! Ventes interdites depuis en pharmacie car estimés plus nocifs que la belladone…En vente peut-être au marché noir…

  4. « l’Europe de la paix est un rêve de boomer né sur les décombres de deux guerres fratricides » et ce rêve a débouché sur la dure réalité : l’Allemagne, doublement vaincue, dirige maintenant d’une main de fer cette Europe de la paix qui ne parle que de guerre (c’est normal, les tribus germaniques et les Chevaliers Teutoniques étant une lourde hérédité de guerriers).

  5. Si les retraités sont vraiment devant la télé H24 et là, manu leur fait diffuser des infos de stress…éh bien qu’il ne s’étonne pas qu’ils n’en veulent plus, sans compter que beaucoup de leurs amis ont été tués par le rivotril et le vaxx covid… On ne récolte que ce qu’on sème… Le grand réveil arrive enfin après plus de 43 ans de destruction débile.

  6. Tous les boomers n’ont pas voté Macron qui n’avait de toute façon pas besoin de leur vote puisque les élections étaient truquées.
    Ils voteront encore moins pour lui puisqu’il veut s’attaquer à leurs retraites pour essuyer toutes ses incompétences et compromissions.
    Mais chacun sait que ça ne changera rien au résultat.

    • Je confirme. Le résultat des prochaines est déjà mis en forme à Houston (Texas) par Mac Kinsey.

  7. C’est vrai ça, après les  » boomers », on devrait aussi remettre au goût du jour leur fameux  » flowers power », ce serait quand même bien mieux que développer l’industrie de l’armement!
    Il y avait quand même de l’idée chez les pacifistes des années 70, non?

  8. Stop !! Tous les retraités ( j’en fait partie) ne votent pour Macron et ses affidés ! J’ai beaucoup d’amis et de membres de ma famille , qui ont passé les 60 ans et malgré ça ils ne votent pas  » Macron » , bien au contraire , nous sommes nombreux à voterà droite des LR à Reconquête en passant pas le RN. Maintenant que Bardella fasse attention de ne pas avoir la « grosse tête « , les sondages favorables peuvent s’inverser très vite.

  9. Pour qui voter afin de sortir de cette UE qui nous conduit tout droit à l’abattoir avec l’aide de Ursula, de sa « copine » et tous les autres?…Attention, nous n’avons plus droit à l’erreur.

  10. Ce qui n’était alors que sentiment devient réalité pour beaucoup. Il est temps que l’électeur réalise qu’il a été dupé, mais attendons le 10 juin avant de crier victoire.

  11.  » ils sont devant la télé toute la journée  » ! Qui donc ? Les QI inférieurs à 45, les hospitalisés bloqués dans un lit, ou les Alzheimer en EPAHD ?

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois