Emmanuel Macron ne veut pas honorer les maréchaux de la Grande Guerre
Maréchal de France ! Un titre qui claque comme un drapeau dans le vent de la mitraille. Le Président, lui, est président de la République française, pas de la France. Le maréchal est de France. Nuance. Une dignité héritée de la monarchie : le premier maréchal de France, Albéric Clément, mourut à Saint-Jean-d’Acre en 1191, lors de la troisième croisade.
Sous Henri III, les maréchaux de France faisaient partie des grands officiers de la Couronne avec, entre autres, le connétable, le chancelier, le grand écuyer, le grand voyer, etc... À l’origine, ces fonctions avaient une dimension domestique : le maréchal avait la charge des écuries du roi, le chancelier celle de la garde du sceau, le voyer des routes. Et puis, la monarchie se développa, comme le domaine royal. Bref, l’Histoire de France ! Et les maréchaux de France accompagnèrent cette lente et patiente construction de notre pays. La Convention abolit le maréchalat en 1793 mais Napoléon le rétablit et créa vingt-six maréchaux au cours de son règne. Tous les régimes qui suivirent perpétuèrent la tradition en maintenant la dignité de maréchal de France. Jusqu’à nos jours, puisque la loi du 24 mars 2005, portant statut général des militaires, en son article 19, précise bien que la hiérarchie militaire est ainsi constituée : militaires du rang, sous-officiers, officiers, maréchaux et amiraux de France. Et le dernier maréchal de France fut créé à titre posthume par décret du président de la République, alors François Mitterrand, du 6 juin 1984. Il s’agissait du général d’armée Pierre Kœnig (1898-1970), héros de Bir Hakeim.
Tous les maréchaux de France ne furent sans doute pas des aigles et l’on peut noter une certaine inflation dans les dernières années de l’Ancien Régime : Louis XV en créa quarante-huit, Louis XVI vingt et un. On se souvient vaguement des noms des maréchaux de Saxe et de Richelieu mais, il faut bien avouer, les autres ne nous disent pas grand-chose. Ceux de l’Empire nous parlent un peu plus : Murat, le beau-frère couvert de diamants, chargeant plus qu’à son tour à la tête de la cavalerie. Ney, prince de la Moskowa, fusillé au petit matin. Grouchy, qui se fit attendre à Waterloo…
Paradoxalement, cette dignité, héritage de l’ancienne monarchie, retrouva tout son lustre sous l’Empire et sous la République. Notamment avec les huit maréchaux de la Grande Guerre qu’Emmanuel Macron, aujourd’hui, nous dit-on, ne veut pas honorer. Parce que, parmi ces huit généraux, se trouve Philippe Pétain. Nous y voilà. Les choses ne sont pas dites comme cela, mais on a bien compris la manœuvre de contournement qui ressemble plus à un repli. En juillet dernier, Jean-Dominique Merchet, toujours très bien informé, titrait sur son blog Secret Défense : "Macron veut rendre hommage aux maréchaux de 14-18." Il expliquait qu’"il s’agissait d’un souhait de la haute hiérarchie militaire actuelle qui entendait qu’au travers de ces figures, les officiers de carrière ne soient pas oubliés dans une commémoration qui fait la part belle aux Poilus, c’est-à-dire à des civils mobilisés". L’idée d’une cérémonie particulière pour rendre hommage aux maréchaux Gallieni, Joffre, Foch, Pétain, Lyautey, Fayolle, Franchet d’Espèrey et Maunoury était lancée. Idée, apparemment saugrenue, écartée par l'Élysée qui, nous dit Médiapart, n’aurait pas compris "comment cette cérémonie s’est retrouvée dans le dossier de presse officiel, sans avoir été arbitrée en plus haut lieu". Il est vrai qu’on s’y connaît, en cafouillage, en plus haut lieu depuis l’affaire Benalla !
Ne pas célébrer la victoire pour ne pas froisser l’Allemagne. Ne pas honorer les généraux qui eurent la lourde responsabilité de commander en chef nos armées durant la Grande Guerre, parce que Pétain. Sous Hollande, on piétinait les tombes des Poilus. Sous Macron, on piétine la mémoire.
Pour le cinquantenaire de l'armistice, le général de Gaulle fit déposer une gerbe sur la tombe du maréchal Pétain. Valéry Giscard d’Estaing en fit de même pour le soixantième anniversaire. François Mitterrand, le 11 novembre 1992, fit fleurir les tombes des huit maréchaux de la Grande Guerre. Face aux critiques, Jack Lang déclara alors : "Fleurir la tombe du maréchal Pétain est une tradition inaugurée par le général de Gaulle et que François Mitterrand perpétue… C’est la mémoire de celui qui a été l’un des grands chefs de guerre de la Première Guerre…"
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