En espérant que le ministre de la Santé ne prêche pas dans le désert médical
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On constate que, souvent, ceux qui décident ne savent pas, et ceux qui savent ne décident pas. Alors, serait-il plus pertinent de confier le ministère des Armées à un général ou celui de la Santé à un médecin ? Pour ce dernier poste, en tout cas, Macron a choisi : Agnès Buzyn est un vrai médecin (quoique strictement issue de la fonction publique, il ne faut quand même pas trop rêver…).
Et à en juger par ses propositions pour pallier les désormais célèbres déserts médicaux, elle semble tourner radicalement le dos aux positions idéologiques d'une Marisol Touraine ou d'un Montebourg. Lequel préconisait d'obliger les internes à exercer six mois dans une maison de santé salariée une fois diplômés ! Le genre de mesure qui aurait vidé les amphithéâtres plus rapidement qu'une alerte à la bombe… Sa tâche sera difficile parce que, depuis une trentaine d'années, ses prédécesseurs ont été naïvement persuadés par leurs services que moins de médecins, ce serait automatiquement moins de déficit pour la Sécu. Alors, ils ont serré le robinet du numerus au maximum et proposé, longtemps, des retraites quasi dorées à 56 ans. Résultat : en 2025, il y aura 25 % de généralistes en moins. Or, faire sortir le dentifrice du tube, c'est facile ; l'y refaire entrer aujourd'hui, c'est autre chose !
Madame Buzyn part d'un constat souvent ignoré : il n'y a pas trop peu de médecins en France, et ils ne sont pas si mal répartis qu'on le claironne. "99,9 % des Français sont à moins de vingt minutes d'un généraliste. Le problème, c'est que celui-ci n'est pas toujours en capacité de les recevoir parce qu'il est surchargé. Il faut donc […] réfléchir en temps médical. Est-il préférable d'avoir un cardiologue dans son village qui n'a pas de place avant trois mois ou un cardiologue qui vient de l'hôpital régional une fois par semaine et propose un rendez-vous sous quinze jours ?" Précisons, quand même, que si le médecin est "surchargé", c'est parce qu'il est obligé de passer le quart de son temps à des tâches administratives ou comptables qu'une secrétaire ferait aussi bien que lui, mais qu'il n'a plus les moyens de s'offrir. "Aujourd'hui, un jeune médecin qui veut par exemple travailler deux jours à l'hôpital et trois jours dans une maison de santé se heurte à de telles lourdeurs administratives qu'il renonce. Nous allons lever ces freins et favoriser le mode d'activité mixte privé-public." Acceptons-en l'augure, mais rappelons au ministre qu'aujourd'hui, un médecin salarié qui voudrait effectuer (après autorisation de l'hôpital, bien sûr) ne fût-ce qu'une demi-journée d'exercice libéral verrait s'abattre sur lui les obligations de l'URSSAF, du RSI, de la caisse de retraite, de la contribution foncière des entreprises, de l'adhésion à une AGA, et des liens de tout médecin conventionné avec la Sécurité sociale. De beaux dimanches paperassiers en perspective !
Il serait fastidieux de lister le catalogue des modifications techniques, changements de réglementations et mesures paramétriques proposées aujourd'hui par madame Buzyn, parce qu'ils ne peuvent s'inscrire qu'à l'intérieur du péché originel qu'ils tentent vainement de corriger : notre système de protection sociale, avec son assureur monopolistique, ses cinquante ans de conventions médicales qui furent autant de pistolets sur la tempe, ses tarifs imposés qui ôtent au prix son rôle d'informateur sur les besoins des consommateurs.
Alors, comme tout système socialiste, celui-ci est contraint de singer le marché pour corriger ses échecs, mécanisme sans fin dont les effets ne sont jamais durables.
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