François Ruffin à égalité avec Marine Le Pen en 2027 : le crépuscule de Mélenchon

Au sein de La France insoumise, François Ruffin, député de la Somme et président de Picardie debout, le seul courant résistant encore à l’emprise de Jean-Luc Mélenchon, fait figure d’exception en ne cédant pas à la nouvelle politique wokiste de ses instances dirigeantes. C'est ce qui pourrait lui permettre de devenir l’ultime espoir de la gauche ; tel que peut le laisser penser le sondage de Cluster17, relayé par Libération de ce 21 avril.

Résumons. Si, en 2027, François Ruffin était le candidat d’une gauche unie, à l’exception du NPA, il pourrait totaliser 29 % des voix au premier tour, juste derrière Marine Le Pen (30 %) et Édouard Philippe (25 %). Et dans l’hypothèse du second, ce serait du 50/50, face à l’ancienne présidente du Rassemblement national. Jean-Luc Mélenchon, lui, n'obtiendrait que 18 % des voix au premier tour, contre 32 % pour Marine Le Pen.

Un scénario qui fait évidemment le bonheur de ce mélenchoniste contrarié, à la fois dauphin potentiel et meilleur ennemi du Líder Mínimo de LFI. Notons que les méthodes de l’institut Cluster17, créé en 2021, ne sont pas tout à fait celles de ses concurrents en matière sondagière. Elles laissent parfois nos confrères sceptiques, même si Le Point les a adoptées. Ce dont convient Libération : malgré « cette méthode alternative, critiquée à ses débuts par la Commission des sondages, ses estimations, lors de la dernière élection présidentielle, ne se sont cependant pas révélées aberrantes ». Ce qui n’est pas fondamentalement faux, loin s’en faut.

Une union de la gauche hypothétique

En revanche, un sondage effectué à trois ans de l’échéance future demeure tout relatif, sachant qu’il peut s’en passer, des choses, en trente-six mois ! Édouard Philippe sera-t-il candidat ? Marine Le Pen sera-t-elle autorisée à l’être, le procès des attachés parlementaires du RN démarre en septembre prochain. Lui vaudra-t-il une peine d’inéligibilité ? Jean-Luc Mélenchon tolérera-t-il la montée en puissance de François Ruffin ? Et, surtout, aura-t-il encore les moyens de la contrarier ?

Plus sérieusement, ce que ne nous dit pas ce sondage – d’ailleurs, ce n’est d’ailleurs nullement sa vocation –, c’est que le chemin, a priori semé de violettes, promis à François Ruffin pourrait tôt faire figure de chemin de croix. En effet, l'hypothèse Ruffin repose sur celle d’une « gauche unie », mantra qui n’est pas sans en rappeler celui du camp opposé, « l’union des droites », mais qui jamais ne s’est faite : Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chirac en 1981, Édouard Balladur contre Jacques Chirac en 1995, Nicolas Sarkozy discrètement contre François Fillon en 2017. En 2002, le bilan n’est pas plus fameux avec la « gauche plurielle », rassemblée autour de Lionel Jospin. Résultat ? Ce dernier a échoué au second tour, supplanté par un certain Jean-Marie Le Pen, exploit dont on fête aujourd’hui - ou pas, c’est selon - le vingtième anniversaire.

En 2024 et à l’horizon 2027, la possibilité de cette « gauche unie » paraît plus hypothétique encore. Si François Ruffin demeure à juste titre l’un des Insoumis les plus fréquentables (même Marine Le Pen admet en privé qu’il est d’un commerce agréable), il se trouve en effet bien seul en son propre parti, Jean-Luc Mélenchon ayant exclu ou découragé d’authentiques populistes de gauche, tels Georges Kuzmanovic, parti fonder le groupuscule République souveraine, et Andréa Kotarac, qui poussé sa logique jusqu’à rejoindre le Rassemblement national.

François Ruffin isolé en son propre parti ?

Bref, changement de stratégie oblige, LFI est désormais devenu le pré carré de l’intersectionnalité des luttes, entre revendications islamistes, homosexuelles, « sans-papiéristes », lesbiennes, véganistes et autres adventistes du septième jour. Autant dire que dans la perspective d’un éventuel second tour à la prochaine élection présidentielle, François Ruffin aura du mal à « dédiaboliser » un mouvement propre à faire peur à l’électeur modéré, surtout depuis sa gestion, aussi tonitruante qu’erratique, du conflit israélo-palestinien.

Ce travail de « normalisation », Marine Le Pen l’a déjà lancé il y a près de quinze ans. En admettant que le prochain espoir de la gauche s’attelle à ce vaste chantier, il lui faudra jouer contre la montre. Surtout lorsqu’il se trouvera opposé à l’écrasante majorité de son propre mouvement, qui aura tôt fait de le traiter de « social-traitre », insulte traditionnelle de la mouvance trotskiste. C’est le paradoxe Ruffin, consistant avant tout à plus séduire le camp d’en face plutôt que de faire le plein dans le sien. Un peu comme Simone Veil en son temps ou Fabien Roussel de manière plus contemporaine.

Ce sondage nous en dit beaucoup sur l’état d’esprit de nos compatriotes de gauche, manifestement las d’être incarnés par une bande de députés hirsutes, se comportant tels des gosses de riches dont on voit bien qu’ils ont été nourris par des parents ayant, au passage, oublié de les élever.

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