Le sommet 2018 de la Francophonie se tiendra, les 11 et 12 octobre, à Erevan, en Arménie. Le Rwanda, pays qui a adhéré au Commonwealth en 2009, pourrait en tenir les rênes.

Le Rwanda à la tête de la Francophonie ? Cela paraît surréaliste, compte tenu du fait que ce pays a choisi de ne plus faire du français sa langue officielle. L’hostilité affichée de Kigali à l’égard de Paris, à qui il accorde un rôle majeur dans le génocide de 1994, n’a pas fléchi.

La France sacrifie-t-elle ses sacro-saints principes sur l’autel d’une réconciliation avec l’homme fort de Kigali ? Dans cette contribution, nous avancerons deux hypothèses pour tenter de justifier le soutien de Paris à Kigali.

Première hypothèse : le soutien français est sincère et bien réfléchi. Dans un tel cas, les arguments possibles pourraient être de plusieurs ordres :

La France voudrait endiguer le sabordage d’image que lui fait subir le Rwanda, un petit pays africain qui a, désormais, pris en charge sa destinée hors de toute tutelle françafricaine et qui donne, aujourd’hui, l’exemple d’un pays autonome, bien géré et conduisant une politique monétaire souveraine. Paris, qui craint sans doute que cet exemple ne fasse tache d’huile, pourrait tenter de ramener le Rwanda dans la zone franc.

La France voudrait promouvoir une normalisation des relations avec le Rwanda afin de dessiner un axe Kigali-Luanda au service de l’influence française dans la région.
Le Président Macron voudrait traduire dans les faits sa conviction en de nouveaux leaderships africains. Il faut, ainsi, rappeler son premier discours sur l’Afrique prononcé non à Dakar mais à Ouagadougou.

Par ce soutien, la France court le risque certain de laisser les destinées de la Francophonie dans les mains d’un pays peu accommodant diplomatiquement et dont l’idée de revanche par rapport à son rôle supposé dans le génocide semble toujours présente à son programme.

Deuxième hypothèse : le soutien français relève plus d’un calcul qui consisterait à soutenir ouvertement, mais sans grande conviction, la candidature du Rwanda tout en sachant que les réserves exprimées par l’opinion publique française et les appréhensions de nombreux pays de la Francophonie rendraient la tâche difficile. Paris, dans un tel cas de figure, pourrait utiliser son influence diplomatique pour convaincre ses partenaires de voter non pas pour la candidate sortante, dont elle considère les résultats peu suffisants, mais envisager une troisième solution consensuelle.

Côté rwandais, je me demande toujours ce que ce pays cité en modèle et qui fascine de nombreux observateurs de la scène internationale, vient chercher dans une organisation considérée par de nombreux Africains comme un outil de promotion des intérêts français. Symboliquement, cette candidature est une faute politique dans un contexte de réflexion approfondie sur des thématiques comme l’abandon du franc CFA et l’affirmation du leadership de l’Afrique dans le monde.

Outre les risques liés au ternissement symbolique de son action au service du développement économique de l’Afrique et de l’image positive qu’il projette dans le monde, il arrime le Rwanda à une organisation pratiquement sans avenir.

Sur les vingt pays les plus riches du monde, seuls deux sont francophones. La France, principal bailleur de la Francophonie, fait face au vieillissement de sa population et à un déficit budgétaire colossal couplé à un endettement public hors de proportion (2.218,4 milliards d’euro, soit 98,5 % du PIB en 2017) qui hypothèque ses générations futures.

Le désintérêt croissant des étudiants francophones du monde entier par rapport au système éducatif de la France constitue des indices probants qui montrent clairement que la principale locomotive de la Francophonie est grippée.

Quant aux pays d’Afrique francophone, il est à noter que sur les vingt pays les plus pauvres du monde, quatorze sont francophones.

La Francophonie gagnerait aussi à promouvoir une ou deux langues africaines dans le système éducatif des pays du nord.

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10 octobre 2018 à 16:10

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