Général Soubelet : « Les gendarmes et les policiers ont besoin de faire leur métier sereinement en sachant qu’ils ne seront pas “lâchés” en cas de coup dur »
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Général, vous avez été, dès 2013, le lanceur d’alerte qui a mis en lumière les graves difficultés rencontrées par les forces de l’ordre et les dysfonctionnements de la Justice, avec les conséquences que l’on sait sur votre carrière. Le livre que vous avez publié sur le sujet a été vendu à 120.000 exemplaires, preuve que vos mises en garde ont rencontré un très vif écho chez les Français...
On assiste, depuis quelques semaines, à une vague de suicides sans précédent dans la police. Une jeune femme - Maggy Biskupski -, représentante des Policiers en colère, vient elle aussi de mettre fin à ses jours... Les faits semblent donc vous donner tragiquement raison ?
Malheureusement, le constat de 2018 est identique à celui de 2013.
Depuis, nous avons connu les attentats et il faut reconnaître qu’il y a eu quelques efforts en termes de moyens pour la Justice et la lutte contre le terrorisme.
Mais le cœur du problème réside dans la capacité de la société à répondre efficacement à la délinquance. La violence s’accentue et la réponse, lorsqu’il y en a une, est inadaptée au contexte sociétal.
Les forces de sécurité sont en première ligne et toujours confrontées à une réalité de plus en plus difficile. La situation des gendarmes et des policiers qui sont chargés de la sécurité publique au quotidien ressemble à celle du tonneau des Danaïdes.
Malgré l’énergie qu’ils déploient, ils sont atteints par le découragement.
Au-delà des moyens nécessaires pour améliorer les conditions de travail, ils doivent surtout bénéficier du soutien et de la considération de leurs chefs hiérarchiques et politiques.
La considération ne se résume pas à une déclaration médiatique. C’est un soutien lorsque les choses se passent mal, une prise en compte et un accompagnement individuels et pas une suspicion systématique, comme c’est le cas actuellement. En réalité, les forces de l’ordre ne bénéficient jamais de la présomption d’innocence car les médias et les censeurs, qui ne connaissent pas l’angoisse de prendre une décision en quelques secondes pour éviter le pire, exercent une pression considérable.
Les gendarmes et les policiers ont besoin de faire leur métier sereinement en sachant qu’ils ne seront pas « lâchés » en cas de coup dur. Ils ont besoin d’avoir confiance, et ça n’est plus le cas.
Or, une société qui ne protège pas ceux qui sont chargés de la défendre est une société en perdition.
Le général Pierre de Villiers qui, dans d’autres circonstances et à une autre place que la vôtre, a été comme vous « lanceur d’alerte sanctionné », évoquait dans un entretien récent une « crise de l’autorité ». C’est un avis que vous partagez ?
Oui, je partage cet avis que j’ai longuement développé dans mon deuxième ouvrage Sans autorité, quelle liberté ?
En France, nous avons une difficulté avec certaines notions. L’autorité en est une. L’usage de ce terme déclenche trop souvent des réactions négatives car il est associé à l’idée de contrainte, d’arbitraire, voire de brutalité. Cela n’a pas de sens. Dans une société, il est capital de poser les règles et de les faire respecter. L’autorité sert à cela.
Nous devons ce malentendu à des intellectuels déconnectés de la réalité qui ont entretenu ce mode de pensée et à des responsables politiques de tous bords qui, depuis cinquante ans, n’ont jamais été fermes lorsque c’était nécessaire. L’autorité est absolument capitale dans une société. Elle ne doit jamais être dénuée d’humanité et peut parfaitement être bienveillante et, si besoin, ferme et tranchante pourvu qu’elle soit toujours juste et sans excès. Elle est fondamentalement protectrice de la liberté.
Il est urgent que la France retrouve le chemin de l’ordre et de l’autorité.
Alors que l’on vient de commémorer l’attentat du Bataclan et que le terrorisme semble être toujours une menace bien présente sur notre territoire, que vous a inspiré, il y a quelques mois, l’héroïsme du colonel Beltrame, gendarme comme vous ?
Le comportement héroïque du colonel Beltrame a permis de remettre en lumière la place et le rôle des représentants de la force publique. Il m’a beaucoup marqué car nous nous connaissions.
Cet officier expérimenté et pétri des valeurs qui animent ceux qui ont choisi ce métier a montré que l’engagement au service de la France peut conduire au sacrifice. C’est pour tous les Français l’exemple de l’abnégation qui est aux antipodes de l’égoïsme et de l’individualisme qui sont la marque d’une société qui ne promeut que la consommation et le profit.
Il a illustré que certaines circonstances, et particulièrement la lutte contre le terrorisme, exigent de dépasser des considérations individuelles et personnelles.
C’est en cela qu’il doit rester présent dans nos mémoires et servir de point de repère à ceux qui se posent des questions sur le chemin à suivre : celui du bien commun et du souci de la vie des autres.
Les militaires - ou, tout du moins, les anciens militaires - ont sans doute des choses à dire dans le débat public. Les Français connaissent le nom des hauts - actuels et anciens - chefs militaires, ce qui n’était pas arrivé depuis des décennies. Le pouvoir va chercher dans la "société civile" des personnes - comme le nouveau secrétaire d'État à l'Intérieur - pour leurs compétences, leur expérience. Pourquoi pas, aujourd'hui, des militaires ? Et vous, personnellement, pensez-vous encore à un engagement en politique ?
Les militaires ont parfaitement leur place dans le débat public. Comme tous les fonctionnaires, ils doivent prendre des précautions pour ne pas interférer avec les options prises par le gouvernement. Mais dans leurs responsabilités, ils ont le devoir de livrer leur analyse à ceux qui conduisent les affaires publiques. C’est, du reste, ce que Pierre de Villiers et moi avons fait, chacun dans nos domaines respectifs, avec le résultat qu’on connaît. Mais ces péripéties ont conduit, d’une part, les Français à porter un autre regard sur les hauts responsables militaires et, d’autre part, les hommes politiques accordent désormais une attention différente à la parole des chefs expérimentés en matière de sécurité et de défense.
Oui, les militaires peuvent jouer un rôle dans la vie publique comme tous les fonctionnaires.
J’ai fait ce choix pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, pour les législatives de 2017, il m’a semblé que mon expérience et mes compétences auraient été utiles à l’Assemblée nationale pour participer à l’élaboration de textes législatifs adaptés aux besoins de la sécurité des Français.
Je l’ai fait « hors partis » car, dans mes responsabilités d’officier de gendarmerie, j’ai eu le loisir d’observer le décalage entre les paroles et les actes des hommes issus des partis politiques traditionnels. Il n’est plus possible de conduire les affaires publiques de la France avec un tel état d’esprit et avec une duplicité permanente.
Mon engagement politique a pris la forme de la vice-présidence du mouvement Objectif France présidé par Rafik Smati, un entrepreneur du numérique. Nous sommes déjà 35.000. Notre projet repose avant tout sur la volonté farouche de redonner une véritable envie de France à tous ceux qui, à juste titre, expriment un dégoût de la pratique de la politique dans notre pays. Cette vision de la grandeur de la France repose sur un programme économique libéral soclé sur un retour à l’ordre et à l’autorité, avec un regard résolument tourné vers l’avenir.
La souveraineté budgétaire en stoppant les dérives de la dette, des dépenses de l’État et des impôts des Français, la souveraineté numérique avec la toute-puissance des GAFA et les questions énergétiques sont au cœur de nos préoccupations.
Mon engagement n’est pas un engagement politique à proprement parler. C’est une manière de continuer à servir la France et les Français. Je le fais sans arrière-pensée car j’estime que j’ai déjà eu la chance d’assumer de hautes responsabilités.
Aujourd’hui, mes ambitions sont pour la France.
Si vous étiez consulté par l’Élysée, quelles seraient les premières mesures d’urgence que vous préconiseriez ?
Il s’agit de protéger les Français en tous domaines, sur le plan social, de la santé et de la sécurité.
Mais, avant tout, je suggérerais une mesure technique : la suppression de la pratique de la mise en réserve et des gels de crédits pour les ministères de la Justice, de l’Intérieur et des Armées.
Ensuite, la sécurité est un préalable à toute action de gouvernement. Il faut donc adresser des messages forts et lisibles :
- Permettre à tous les quartiers dans lesquels les lois de la République ne s’appliquent plus de retrouver une vie normale. Des millions de Français y vivent dans la peur et sous une contrainte quotidienne. C’est une urgence pour eux mais également pour combattre l’économie souterraine.
- Lancer un plan national de lutte contre la fraude sous toutes ses formes pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires.
L’autre priorité est la lutte contre l’islam radical, celui qui considère que ses préceptes sont supérieurs aux lois de la République. Il n’y a pas de place, en France, pour cet islam.
Il est urgent de fixer et d’appliquer une stratégie pour les radicaux, de la judiciarisation à l’expulsion. Avec ceux qui cherchent à détruire la France, nous devons être impitoyables.
Cette situation dégradée est due à l’impéritie des gouvernements successifs qui n’ont jamais maîtrisé les flux migratoires et ont toléré la communautarisation.
Mais il s’agit là, plus qu’une priorité, de tout un programme dont la mise en œuvre nécessitera du courage.
Propos recueillis par Gabrielle Cluzel
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