Henri Temple : « La nation et sa grande puissance ont beaucoup d’ennemis… »

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Face au désastre du mondialisme, l'idée du cadre national revient en force dans les esprits, en Europe mais aussi, plus largement, dans tout l'Occident. Mais au-delà de l'attachement naturel à sa patrie et sa nation, il faut tenter de percevoir les contours théoriques de ce qu'elle recouvre. « Rousseau, la Déclaration de 1789, Renan, ont tenté d'expliquer l'idée de nation, mais on avait fini par renoncer à en élaborer la théorie », écrit Henri Temple, au dos de son ouvrage. C'est à ce défi, à cette tâche indispensable et passionnante, que s'est livré Henri Temple, essayiste, ex-professeur de droit économique et expert international. Après sa Théorie générale de la nation, il échafaude dans son dernier ouvrage ce qu'il appelle « le nationisme ». « Une voie opposée au mondialisme, au nationalisme, à l'impérialisme, à la mystique de l'État », dit-il. Nous l'avons interrogé pour BV.

 

Marc Baudriller. La vague patriote au Parlement européen et les sondages favorables au RN pour les élections législatives montrent-ils l'attachement du peuple français à son identité, à sa nation ? Quelle est la nature de cet attachement ?

Henri Temple. Sans contestation possible, le peuple de France, de plus en plus angoissé quant à sa survie en tant que nation cohérente, à sa sécurité physique, à son reste-à-vivre et à sa liberté démocratique, a redécouvert que seule sa nation peut lui apporter les réponses espérées. Et tout spécialement pour les plus fragiles. C'est ce qu'a exprimé, si soudainement, le vote du 9 juin dernier, qui bouillonnait néanmoins depuis longtemps sous le « plafond de verre ».

Cet attachement traduit tant un affect profond qu'un consensus culturel, sociologique et politique essentiel. Cet affect - qu'on croyait à tort assoupi – s'est réveillé au moment, et en raison, de la perception soudaine d'un risque de disparition : c'est l’instinct de conservation, un ressort incoercible.

M. B. Cultures, langues, origines sont désormais éclatées en France… La nation est-elle morte ? Sinon, quelle est la place de la culture et de la religion dans la nation ?

H. T. La France s'est construite au fil des siècles, un peu à la façon d'un empire, souvent de force et dans la plus grande diversité d'Europe : quatre langues latines, deux germaniques, une celtique, une euskaride ; puis les parlers des îles ensoleillées du grand large français. Mais il existait initialement, en métropole, une continuité territoriale et historique, des valeurs communes et consensuelles, d'abord religieuses, puis philosophiques, sociales et politiques. Cet équilibre est vital et ce serait violer un droit collectif de l'Homme (les plus puissants) que d'empêcher la population de le maintenir.

Au cours de leur histoire, des nations sont mortes, mais pas la France. Pas encore. Notre peuple - et les autres peuples d'Europe - étaient jusqu'alors hypnotisés, anesthésiés ; mais le réveil est puissant et il ne fait que commencer.

On ressasse souvent que la religion chrétienne serait en voie de disparition. Sa forme traditionnelle, parfois surannée et étouffante, a vieilli. Beaucoup en ont oublié le sens profond, caché sous les symboles et les paraboles, les rituels. Mais depuis plus de 1.000 ans, cette religion a irrigué nos sociétés et les a améliorées, élevées, pacifiées, développées. Désormais, « César » (l'État) a repris sa liberté et sa neutralité, et cessé son intrusion. Et de leur côté, les églises en ont fait autant, mais elles nous ont aussi légué ces trésors conceptuels que sont la laïcité, la liberté de conscience, les droits de l'Homme, l'universalisme, l'amour. En filigrane, la spiritualité est toujours là, plus discrète, et peut être, parfois, plus forte, vécue autrement : pour les croyants et même pour les « athées dévots » !

M. B. Pourquoi une théorie du « nationisme », concept nouveau ? N’est-ce pas un attachement charnel qui nous lie à la France ? Pourquoi ne pas faire plutôt référence à la patrie, la terre des pères ?

H. T. Le nationisme se veut un dépassement du patriotisme. D'abord parce que l'amour légitime de sa patrie peut parfois déboucher sur la haine de la patrie de l'autre : le nationalisme, l'impérialisme. Ensuite parce que « l'attachement charnel » progresse au fil des générations ! Les pères de mes pères, en Rouergue, ont fait tous les combats pour défendre leur terre : on connaît les noms des généraux gaulois rutènes qui combattirent les colonisateurs et esclavagistes romains dès -121 av J.-C., puis en -51... Mais les fils de tirailleurs venus d'Afrique peuvent ressentir le même fusionnement, la même fierté, ceux du dévouement à une cause collective. Finkielkraut a dédié de belles lignes à cette émotion qui se révèle à lui, aussi soudaine qu'inattendue : l'amour de la France. Bloch et Weil l'avaient déjà profondément ressenti. Et il saisit peu à peu la plupart des immigrés récents. Malheureusement, beaucoup n'y parviennent pas : cet échec ou cette amertume ont été décrits par des sociologues et des écrivains, dont certains issus de l'immigration. Car changer d'âme n'est pas facile et un tel échec peut provoquer des troubles dissociatifs d'identité (TDI), voire des atteintes cérébrales. L'immigration de masse est la marque, pour ceux qui la facilitent, soit de l'ignorance crasse soit du cynisme irresponsable.

M. B. Qui veut la peau de la nation, et pourquoi ? Quelles sont les menaces qui pèsent sur elle ?

H. T. Le concept de nation et sa grande puissance ont beaucoup d’ennemis, car leurs plans néfastes et agressifs sont contrecarrés par la nation, et par l'État qui en est la représentation. Et parfois, ces ennemis forment entre eux des collusions surprenantes.

L'humanité a d'abord subi les impérialismes ou les nationalismes, qui dénient aux nations les plus faibles le droit d'exister. Parfois en les colonisant, écrasant, asservissant ou même en les génocidant. Ces horreurs furent courantes aux siècles passés, et paroxystiques au XXe siècle. L'islamisme, lui, relève, de par son histoire, de ce même projet : il n'est pas apaisé et sert encore de justifications à des entreprises de khalifats ou de terrorismes. Car l'islam peut se dire « nation d'Allah » et n'aurait donc d'autre légitimité que celle de son but de conquêtes et de soumissions. Plus récemment, le marxisme appliqué, sous couleur d'internationalisme, a étouffé des nations, parfois dans le sang, toujours dans la dictature. Enfin, ce n'est que depuis un demi-siècle, environ, qu'est apparu le nouvel ennemi des nations : l’extrémisme mondialiste ultra-capitaliste et financiariste qui a entrepris de démanteler les frontières (OMC, en complicité avec l'usine à gaz nocifs bruxellois). L'économie échappe alors aux peuples auxquels elle était destinée pour devenir, selon le mot du Nobel Stiglitz, le « triomphe de la cupidité ». Or, ce n'est pas le moindre des paradoxes que ces dérives que sont l’extrémisme capitaliste brutal, le boboïsme niais, le wokisme toxique et l'extrémisme gauchiste attaquent en collusion l'idée de nNation. L'Open Society Foundations du spéculateur financier et agitateur Soros et ses No Borders, Bilderberg, Davos, Golmann-Sachs, accords de Bâle, OMC, le village global, les délocalisations d'usines, de capitaux, de travailleurs... tout cela entend détruire les nations et, donc, de ce fait, l'Humanité humaine.

M. B. En quoi le nationisme s’applique-t-il aussi aux autres nations ?

H. T. Le nationisme a été construit comme une suite de causes en conséquences vertueuses… Sans omettre d'honorer les esquisses sur le sujet par les précurseurs (Taguieff et Todd) ou le beau travail de Pierre Manent, notre Essai sur le concept de nationisme est le premier et seul travail d'ensemble avec un tel angle de vue sur ce sujet. Depuis l'article 3 de la Déclaration de 1789 (« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ») et les quelques pages inspirées de Renan, ce sujet primordial avait été oublié en ses multiples dimensions. Trop évident ou trop complexe ?

Oui, non seulement le nationisme s'applique à toutes les nations et, de ce fait, il devrait encore aussi sous-tendre les relations internationales. Les relations « inter-nationales » seront préférables aux internationales. Longtemps, et encore aujourd'hui, le système « westphalien » est le seul que connaissent les diplomaties mécanistes. Certes, le respect des frontières fut, au XVIIe siècle des royaumes européens, un cadre (approximatif) de paix relative. Mais, parfois, pour pouvoir assurer la paix, l'idée de nation doit prévaloir sur celle de frontière. En Europe centrale, des pays accolés de force se sont individualisés pacifiquement à la fin du système communiste. En Ukraine, en Afrique, en Turquie et en Chine, notamment, les frontières emprisonnent et oppriment des nations en devenir ou bien, au contraire, des frontières contestées fournissent des prétextes à invasions.

Stuart Mill, parlant du « sentiment de nationalité », affirmait, génialement : «...le droit des êtres humains à s'associer en nations pour unir tous les membres de la nationalité sous le même gouvernement, car la question du gouvernement devrait être décidée par les gouvernés ». Et un tel droit est bien, désormais, consacré comme droits de l'Homme ; aussi bien le droit pour un individu d'avoir une nation, que, a fortiori, celui, pour une nation, de « décider librement de son développement social et culturel... » (article 1er du Pacte des Nations unies). Qui a oublié ce droit ? Qui le viole ?

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Trés bien de rappeler que l’islam est un projet politique de conquéte de l’Occident depuis le 7 em siècle , il a échoué militairement , maintenant il réussit avec l’immigration . L’islam est aussi une nation , un musulman est d’abord musulman avant d’être français , anglais …

  2. Et d’ailleurs je m’inscrit tout à fait dans ce cadre ! Et j’en fait partis ! Je suis d’ailleurs n’en déplaise à certains, toujours Gilet Jaune ! Parce que nous ne réclamons de subventions ! Mais nous voulons un autre cadre économique et Géopolitique, pour permettre à la France d’avoir une situation économique et financière prospère, pour nous permettre de vivre de notre travail, de faire vivre nos familles, de nous épanouir et de nous distraire ! Voila ! Nous voulons faire comme tous Pays et comme tout Peuple qui se respect ! Et rien de plus ! Amitiés à tous Hervé de Néoules !

  3. Alors que des millions de jeunes hommes ont donné leur vie pour la patrie, pour que la France reste la France, nos islamo gocho, qui n’ont rien fait, qui n’ont rien donné à la France, se permettent de traiter de fascistes ceux qui ont le courage de défendre la patrie. On les reconnaît facilement, ces traitres, pas de drapeaux français dans leurs manifestations mais beaucoup de drapeaux palestiniens, algériens, etc. Ce qui me paraît complètement incompréhensible et incohérent, c’est pourquoi ces gens là n’émigrent pas dans ces pays qu’ils vénèrent tant ?

    • Bien pensé et bien dit ! Pourtant c’était la gauche qui avait inventé (en 1789) l »idée de Nation, puis en 1910 la partie encore patriotique la gauche (Jaurès) qui proclamait que  »la Nation est le seul bien des pauvres… »

  4. Un propos lâche et prétentieux. Lâche parce tenu par un homme qui se croit obligé de remplacer le terme nationalisme par néologisme nationisme, pour se dérober à l’imbécile critique gauchiste qui fait du nationalisme une cause de guerre. Le nationalisme est l’amour d’un peuple et d’un pays, pas la haine des autres. Et prétentieux parce que celui qui parle recouvre de mots pompeux des vérités éternelles mille fois écrites par d’autres. On peut oublier M. Temple, il parle pour ne rien dire, c’est plus sûr que de se dresser face à l’adversité et de dire NON!

    • «  » se dérober à l’imbécile critique gauchiste  » ? Ou y mettre un terme ? Dire NON est la grande découverte des enfants de 3 ans, et pourrait bien ne pas suffire pour faire taire le discours gauchiste.

  5. relisez Philippe Devilliers, j’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu ,et vous comprendrez pourquoi les allemands et les belges achètent leurs avions aux américains.
    pourquoi scholz à peur des souverainistes Français et du RN, etc , etc….

  6.  » « décider librement de son développement social et culturel… » oui le peuple doit décider librement et ne pas accepter que les élus accueillent des populations qui lui sont néfastes . » Qui le viole  » : nos élus ici et au sein de l’UE . Rétablir les frontières , choisir qui peut vivre ici , relocaliser pour reprendre son indépendance dans tout les domaines etc….

    • Un élu devrait répondre de son programme au moins 2 fois au cours de son mandat, cela éviterait les dérives que nous connaissons….
      Un élu devrait également avoir une profession, cela lui éviterait de vendre son âme et la France pour conserver son mandat.

      • Et je pense que les élus devraient avoir exercé leur profession pendant un certain temps avant que d’être élu.
        Qui plus est, ils ne devraient pas avoir de salaire d’élu mais simplement un remboursement de leurs frais de mandature sur présentation de factures.
        Leurs emplois seraient réservés et l’entreprise dédommagée des absences pour travail parlementaire.

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