Honneur aux cyclistes oubliés de la Grande Guerre

Octave_Lapize_recordman_des_100_kilomètres_derrière_tandem_le_25_avril_1909_au_GP_de_Buffalo,_en_2h_6min_38.2sec

Alors que s’achève la 105e édition du Tour de France, évoquons brièvement le sort des cyclistes, pistards ou routiers, connus ou anonymes morts pour la France pendant la Grande Guerre. La liste est malheureusement longue de ceux qui ont versé l’impôt du sang.

Les unités cyclistes existent depuis quelques années, tant en France qu’à l’étranger. L’Autriche, la Russie, l’Allemagne, l’Angleterre, les États-Unis, la Belgique… sont dotés d’unités cyclistes qui font office d’estafettes, d’agents de liaison. Depuis le 1er août 1899, en France, la compagnie cycliste du 6e corps est constituée à Saint-Mihiel (Meuse), sous le commandement du capitaine Renerchon, et dépend, pour l’administration, du 25e bataillon de chasseurs à pied (BCP). Elle compte, un capitaine, trois lieutenants, un sous-lieutenant et cent vingt sous-officiers, caporaux, mécaniciens, clairons et soldats[ref]www.centcols.org/[/ref]. Certaines bicyclettes peuvent être pliables et les soldats passent leur brevet militaire de vélocipédiste, notamment, après une épreuve de soixante km à effectuer en moins de cinq heures et "un tir au fusil Lebel à 200 mètres à genoux au stand de Maisons-Laffitte"[ref]Ibid.[/ref]. À l’entrée en guerre, différentes unités sont dotées de groupes de chasseurs cyclistes : les 2e et 19e BCP ainsi que les 44e, 54e, 63e, 66e, 89e, 99e, 106e et 131e régiments d’infanterie. Leurs missions sont nombreuses. Il s’agit, en particulier, de suppléer à l’infériorité numérique en cavalerie, de soutenir l’artillerie, d’empêcher la cavalerie ennemie de percer, d’occuper un point d’appui important pendant une offensive, etc. Et, bien entendu, de porter des plis urgents entre les unités, sous la mitraille, quel que soit le climat.

Mais tous les anciens coureurs cyclistes, parmi lesquels de vrais champions, ne rejoignent pas pour autant ces unités.

Ainsi, tout le monde a oublié le champion olympique 1896 à Athènes, puis champion du monde de vitesse amateur (1901), le Français Léon Flameng, sergent pilote au 2e groupe d’aviation, mort le 2 janvier 1917 d’une chute d’avion à Eve (Oise) à l’âge de 40 ans. De même a été effacé des mémoires et des tablettes un autre aviateur, le caporal pilote Émile Quaissard. Coureur professionnel de 1910 à 1914, vainqueur de nombreuses épreuves (notamment de Vel' d’Hiv') et obtenant souvent des places d’honneur, il est porté disparu le 15 avril 1917.

Parmi les grands coureurs, il faut citer Octave Lapize, vainqueur du Tour 1910, trois fois champion de France, médaille de bronze aux Jeux olympiques de Londres en 1908, triple vainqueur consécutif de Paris-Roubaix. Pourtant réformé pour surdité, il s’engage en 1914 et devient aviateur. Le sergent Lapize meurt dans un combat aérien le 14 juillet 1917 à l’âge de 30 ans. Il précède Lucien Mazan dit Petit-Breton, double vainqueur du Tour de France (1907, 1908), vainqueur de Milan-San Remo (1907), soldat au 20e escadron du train, mort au front, le 20 décembre 1917, des suites d’un "accident en service commandé" à l’âge de 32 ans. Tous deux suivent François Faber, né en France en 1887 d’un père luxembourgeois et d’une mère française et qui opte, en 1909, pour la nationalité paternelle. Vainqueur de 19 étapes dans le Tour, et vainqueur du Tour en 1909, il s’engage à la Légion étrangère en août 1914, au 1er régiment étranger.

« La France a fait ma fortune. Il est normal que je la défende »,

aurait-il dit. Le caporal Faber disparaît le 9 mai 1915 au cours de la bataille d’Artois, quatre jours après la naissance de sa fille. Son corps n’a jamais été retrouvé.

D’autres coureurs cyclistes mériteraient d’être cités : Albert Tournié, Émile Friol, double champion du monde[ref]http://lepetitbraquet.fr/chron58_ceux-qui-ne-revienrent-pas-2.html[/ref], Léon Comès, Léon Hourlier, Anselme Mazan, frère de Lucien Petit-Breton, mais aussi les Allemands George Grosskopf, Arno Brunner, Hermann Kripp ou encore le Belge Marcel Kerff (6e du Tour de France 1903), mort le 7 août 1914, et l’Italien Carlo Oriani, vainqueur du Giro 1913[ref]http://www.memoire-du-cyclisme.eu/dossiers/dos_guerre1914.php[/ref]. En cette année du centenaire marquant la fin de cette terrible guerre, les coureurs de ce 105e Tour seraient avisés et inspirés d’avoir une pensée pour leurs ancêtres combattants.

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