Jack Lang le dandy, habillé gratis par des maisons de haute couture

À bientôt 80 ans, Jack Lang passe son temps à gérer – dispendieusement, dit-on – l'Institut du monde arabe où l'a nommé François Hollande, et à donner son avis sur tout et sur rien dès qu'il en a l'occasion. Il voudrait paraître toujours aussi jeune, bien que les artifices auxquels il recourt accusent parfois son âge. Il faut lui reconnaître son appétence pour la mode. Voyez comme il est toujours bien habillé, élégant, voire coquet ! Et pour cause : selon le magazine L'Obs, il aurait reçu en cadeau du couturier italien Smalto, entre 2013 et 2018, pour près de 195.600 euros de costumes et pantalons.

Son avocat ne dément pas les faits. Bien au contraire ! Non que faute avouée soit à moitié pardonnée, mais pourquoi s'offusquer ? Il n'y a pas faute : ces cadeaux ne sont que la rançon de la notoriété. Il assure qu'il n'y a jamais eu de "contrepartie" et que "ce n'est pas la première fois que des couturiers proposent à Jack Lang de l'habiller". Et de citer Thierry Mugler, le créateur de la célèbre veste à col Mao, dans les années 80, Yves Saint Laurent, Issey Miyake ou encore Yohji Yamamoto. Rien de plus naturel : "Depuis 40 ans, il a reçu ainsi des cadeaux compte tenu de sa notoriété. Cela s'inscrit dans une sorte de tradition d'ambassadeur de la marque."

C'est donc une tradition que les personnalités politiques se transforment en hommes-sandwiches des maisons de haute couture. Jack Lang n'est pas le premier ni le dernier à bénéficier de ce privilège (seul François Hollande semble s'en être abstenu : ses costumes fripés et mal taillés en témoignent). L'on sait que les tenues portées par la première dame, lors des dîners officiels ou déplacements à l'étranger, sont souvent des prêts de grands couturiers, mais elle privilégie les créateurs de son pays et rend généralement les robes et tailleurs quelques jours après l'événement.

On apprend, ainsi, que Jack Lang a profité des largesses de son ami et homme d’affaires Alain Duménil, propriétaire de Smalto, qui agissait par "pure amitié" et "sans aucun retour". C'est admirable d'avoir des relations si désintéressées ! Que l'homme d'affaires en question ne soit apparemment pas un saint homme – il a été condamné, à plusieurs reprises, dans le passé, notamment pour complicité de banqueroute et pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique – ne semble pas avoir gêné notre ancien ministre.

Ne tombons pas dans la démagogie de généraliser ce genre de pratiques, mais convenez que ces révélations tombent mal, à un moment où les « élites » sont de plus en plus contestées. Sans compter que, même en matière de costumes, il semble y avoir deux poids et deux mesures. Rappelez-vous la campagne présidentielle, où la candidature de François Fillon, déjà engluée dans le « Penelopegate », fut définitivement torpillée par une histoire de costumes, apparemment préméditée.

Nous n'aurons pas la cruauté de remonter plus en arrière dans la longue carrière de Jack Lang, ni de lui demander s'il signerait encore, comme en 1977, une pétition en faveur de trois hommes, depuis trois ans en détention préventive, comparaissant pour « attentats à la pudeur sans violence sur mineurs de moins de 15 ans ». Cette pétition affirmait qu'il n'y avait pas "crime" et que "trois ans pour des baisers et des caresses, ça suffit". Mais il n'était pas, à l'époque, le seul à soutenir cette position : c'était également une tradition, dans certains milieux de gauche...

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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