Jean-Pierre Maugendre : « Les auteurs présents à la fête du livre de Renaissance catholique ont pour dénominateur commun le refus de l’utopie »
4 minutes de lecture
Le 9 décembre prochain se tiendra, à Villepreux, la grande vente de livres de Renaissance catholique. C’est certainement une des plus grandes séances de dédicace de la région parisienne… Il y a donc encore des Français qui lisent sur de vrais livres en papier ?
Effectivement ! Cela pour la raison bien simple qu’il existe encore des Français qui ont le goût, ou éprouvent la nécessité, de la réflexion, de l’apprentissage et de l’enracinement. Or, la lecture d’un livre reste l’outil privilégié de l’étude. Le livre est fidèle, il demeure. On peut le relire, l’annoter : "Celui qui lit sans crayon à la main dort" (Voltaire). On le lit à son rythme, prenant le temps de l’assimiler, voire de le méditer. On peut se déplacer avec et le prêter. L’ordinateur n’est pas conçu pour de longues heures de face-à-face. Or, ce face-à-face est nécessaire pour se pénétrer d’une pensée, acquérir un niveau de connaissances qui ne soit pas uniquement un vernis superficiel pour dîners mondains et effets de manche en clôture de banquets républicains.
"Enseigner à lire, telle serait la seule et véritable fin d’un enseignement bien entendu ; que le lecteur sache lire et tout est sauvé !" écrivait, il y a déjà un siècle, Charles Péguy. C’est dire que le mal dont nous souffrons n’est pas si moderne que cela. Notons, enfin - car c’est bien le fond, non exprimé, de votre question -, que la lecture est surtout supérieure à l’audiovisuel en ce que ce dernier exerce une fascination plus qu’il ne forme l’esprit à réfléchir. L’image, et en particulier l’image animée, fascine pour des raisons physiologiques parfaitement connues des médecins.
Mais cette journée n’est pas seulement une « vaste librairie », il y aura aussi des conférences. Quel thème et quels orateurs avez-vous choisis cette année ?
La loi du genre est que nous donnons la parole à des auteurs qui ont publié des livres récemment et dont nous pensons que la présence et l’intervention sont à même de susciter l’intérêt du public. Ainsi, nous accueillerons cette année Éric Zemmour pour son ouvrage Destin français. Quand l’Histoire se venge, François-Xavier Bellamy à l’occasion de sa réflexion philosophique sur Demeure, pour échapper à l’ère du mouvement perpétuel, et enfin Philippe de Villiers, auteur déjà célèbre du Mystère Clovis. Nous sommes, là, sur des ouvrages de fond qui manifestent de manière très concrète la résistance à la pensée unique qui enfle chaque jour et est en train d’inverser les rapports de force en France dans le domaine intellectuel. L’immense atout dont nous disposons est que nous ne sommes pas des idéologues, nous défendons la réalité des faits et, un jour ou l’autre, plus ou moins humide, la vérité finit toujours par sortir du puits. En septembre 2017, le quotidien Le Monde avait organisé, avec Régis Debray et Edgar Morin, un colloque intitulé : "Politique : la fin des utopies ?" Même s’il s’agissait d’une question, le simple fait qu’elle ait été posée manifestait que les utopies constructivistes popularisées par Thomas More (L’Utopie) ou Campanella (La Cité du soleil), réactualisées par les activistes de Mai 68 et les idéologues de tous poils, ne sont plus à l’ordre du jour. Il me semble que le dénominateur commun de la centaine d’auteurs qui nous feront l’amitié et l’honneur d’être présents à Villepreux, le 9 décembre prochain, c’est ce refus de l’utopie. Il existe une réalité, une vérité en philosophie, en politique, en histoire – je pense à l’excellent livre de Jean Sévillia : Les Vérités cachées de la guerre d’Algérie - en sociologie, dans le domaine religieux, etc., dont la manifestation et la mise en œuvre sont la condition de l’harmonie de la vie en société. Le centième anniversaire de la naissance d’Alexandre Soljenitsyne ravive opportunément, en cette période, l’importance de cette recherche et de ce service de la vérité dans la vie sociale.
Ce foisonnement disparate favorise les contacts, non seulement entre lecteurs mais aussi entre auteurs - célèbres ou moins connus - dont le point commun est une pensée plutôt dissidente mais qui, habituellement, s’ignorent… Cette impossible union, que l’on attend comme Godot en politique, vous la mettez en œuvre, l’espace d’un jour, en littérature ?
Il est un fait que notre fête du livre est l’occasion, unique pour certains, de rencontrer des personnes qu’ils connaissent de nom, qu’éventuellement ils apprécient, mais qu’ils n’ont pas l’occasion de rencontrer dans leurs cercles habituels. Nous ne sommes la succursale d’aucun parti politique ni la sacristie d’aucune chapelle. Dans l’amitié française et l’espérance chrétienne, tous les auteurs et participants qui le souhaitent et se reconnaissent dans la tradition religieuse, intellectuelle et politique de notre pays sont les bienvenus. Il est certain qu’au fil du temps, en raison justement de cette indépendance, qui est un affranchissement vis-à-vis des structures mais en aucun cas un syncrétisme religieux ou un relativisme politique et sociétal, de nombreuses personnes, aux opinions et choix parfois différents, ont pris plaisir à se retrouver ou à faire connaissance à cette occasion. La variété des communautés religieuses représentées est le signe le plus éclatant, et manifeste, de cet état de fait. Rajoutons, enfin, que la qualité esthétique et patrimoniale du lieu qui nous reçoit facilite ces rencontres et cette communion au service du vrai, du beau et du bien.
Propos recueillis par Gabrielle Cluzel
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :