La France : le pays où l’on coupe la tête des maréchaux

monument 3 maréchaux

Cette semaine, Christophe Castaner n’hésitait pas à comparer les gilets jaunes aux talibans après l'incendie d’un monument sur un rond-point de Châtellerault, cette « main jaune » qui faisait pourtant la fierté de tout l’Occident. Prenant la parole dans l’Hémicycle, le ministre de l’Intérieur en était presque émouvant s’il n’avait pas été ridicule.

Mais dans la nuit de jeudi à vendredi, c’est à un autre monument qu’on s’en est pris, en France : celui dit « des trois maréchaux », à Saint-Gaudens, petite ville de 11.000 habitants du Comminges, située au pied des Pyrénées, département de Haute-Garonne. Ces trois maréchaux ? Joffre (1852-1931), Foch (1851-1929) et Gallieni (1849-1916), trois des huit maréchaux de la Grande Guerre. Depuis 1951, ils étaient réunis sur un même monument car tous trois avaient des racines pyrénéennes. Leurs statues ont donc été décapitées dans la nuit de jeudi à vendredi. Vingt-quatre heures après la découverte de cet acte de vandalisme, et sauf erreur de notre part, le ministre de toutes les polices n’a pas réagi : son dernier tweet date de vendredi soir et concerne la lutte contre l’homophobie. Mais bon, on ne peut pas être partout et on ne va pas faire de procès d’intention, ou de non-intention, à ce ministre qui a de quoi, ces derniers temps, ne plus savoir où donner de la tête.

Qui a commis cet acte de vandalisme ? Nul ne le sait, pour l’instant. La Dépêche qui relate les faits ne mentionne aucun graffiti qui le signerait. Dans notre beau pays, on parle souvent de la « bête immonde » qui bougerait encore et nous menacerait, histoire de jouer à se faire peur, mais il semblerait que la bêtise du monde soit bien plus coriace. Après tout, c’est quand même en France, pays donneur de leçons au monde entier, que l’on gratta les blasons, arracha les croix, décapita ou martela les statues de saints, profana les tombeaux au nom de grands principes. Alors, on imagine ce que l’on peut faire au nom de la bêtise. La preuve, malheureusement, par l’Arc de Triomphe, le 1er décembre dernier.

Alors, évidemment, ce monument que le brave Président Vincent Auriol était venu inaugurer en 1951, en prononçant un discours ornementé de son accent du Lauragais, aussi en Haute-Garonne, n’était peut-être pas aussi magnifique que la « main jaune » de Châtellerault. C’est chacun son goût, comme on dit. Celui de Saint-Gaudens est dans le style de l’époque et, en 2016, il avait retrouvé une nouvelle jeunesse après avoir été restauré. Un monument, cependant, qui est bien "dans l’histoire collective de ce territoire", pour reprendre les mots mêmes du ministre de l’Intérieur à propos de la sculpture de la « main jaune ».

Un monument qui avait été édifié à l’initiative des maires de l’époque de Saint-Gaudens et de la commune voisine de Valentine, Armand de Bertrand Pibrac et Maurice Alcan. Un comité du centenaire de Foch avait alors été créé et il est intéressant de parcourir la liste de ses membres, car cela nous en dit long sur la France de l’époque, la France d’après-guerre. Ainsi, on y trouvait, outre des membres des familles des maréchaux, dont les maréchales Foch et Joffre, encore vivantes, les généraux Juin, de Lattre, le cardinal Saliège, archevêque de Toulouse, le maire socialiste de Toulouse, Raymond Badiou, le président socialiste du conseil général de Haute-Garonne, Eugène Montel. Mais aussi le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Georges Lecomte, dreyfusard et maréchaliste (comme quoi les choses n’étaient pas si simples). Sans oublier le général Maxime Weygand...

Mais tout ça, c’est du passé, ça n’intéresse plus les jeunes, comme on dit. L’itinérance mémorielle est derrière nous et nous sommes passés à autre chose.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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