La lucidité de Benjamin Griveaux
Être d’accord avec Benjamin Griveaux, ça peut arriver. Il s’épanchait, le 8 février dernier, auprès de Libération à propos de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, confiant ne pas vouloir revivre ce que fut 2013, mais prophétisant pour son propre malheur que l’"on n'y coupera[it] pas". Assez respectueux des faits (pour une fois), il constate que la consultation du CESE bricolée en décembre dernier a vu pointer en tête des revendications l’abrogation de la loi Taubira. Et de dénoncer la Manif pour tous qui, pourtant, n’a fait que publier un tweet de défiance envers le CESE le 17 décembre sans inviter ses militants à se mobiliser. Ils n’ont pas eu besoin d’être envoyés en mission, ils ont trouvé seuls le chemin numérique de cette consultation.
Oui, le pays est divisé, et ceux qui se sont levés en 2013 sont et restent déterminés et hostiles aux dérives anthropologiques d’un « camp du progrès » qui serait investi de la mission (faut-il oser dire sacrée ?) de guider la nation « dans le sens de l’Histoire ». Oui, ils ne sont pas dupes, ce progrès tant vanté n’est qu’une plus grande soumission de l’homme au marché. Oui, la PMA sans père révolte ces citoyens en ce qu’elle prive l’enfant de père, délibérément et avec la complicité criminelle du législateur, instrumentalise en outre la médecine et conduit inexorablement à la marchandisation des gamètes et à la fin de l’indisponibilité du corps humain. Oui, ils redescendront dans la rue si c’est nécessaire. Oui, la participation à ces éventuelles manifestations futures pourrait être massive, comme elle le fut en 2013. Peut-être même plus, encore : il s’agit de fabriquer des orphelins. Ils l’ont dit, ils ne lâcheront rien.
Bien sûr, une exacte prophétie du porte-parole charrie inévitablement avec elle son lot d’anathèmes, de procès d’intention et de "fake news". Quand Benjamin Griveaux tente d’exonérer la PMA sans père de tout eugénisme, il ment. Nous savons tous, déjà, que les CECOS
(centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains) fonctionnent, aujourd’hui, en usant d’un « eugénisme light », et il suffit de surfer sur le site Internet de Cryos (banque de sperme danoise) pour constater, à chaque page, l’eugénisme indissociable de toute démarche de PMA avec don de gamète. L’intrusion du marché dans cette procréation en laboratoire ne fera que renforcer cette tendance.
Alors, bravo Monsieur Griveaux pour cette lucidité. Au bien commun, vous pouvez préférer les intérêts de ceux pour qui la PMA est un marché juteux. Inscrivez à l’ordre du jour du Conseil des ministres un projet de loi de pseudo-bioéthique où figureraient la PMA sans père, la PMA post-mortem, l’autoconservation des ovocytes et autres transgressions majeures et je ne doute pas que, dans la semaine, la préfecture de police de Paris sera saisie d’une demande de manifestation de très grande ampleur par la Manif pour tous. Au vu de l’incapacité de votre gouvernement à sortir de la crise des gilets jaunes, de l’affaiblissement actuel du Président suite à l’affaire Benalla, du grand débat qui risque de faire pschitt et de la déculottée annoncée aux élections européennes, je pense que ce serait un pas de géant vers encore plus de fractures irréductibles dans un pays qui est déjà assez divisé. Bref, sauf à être politiquement suicidaire, c’est inopportun.
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