Et si l’affaire Ramadan était une chance pour les musulmans ?
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Tariq Ramadan demeurera pour le moment en prison. L’enquête suit son cours, avec son lot d’incertitudes. Sur le site oumma.com, les internautes s’interrogent. La tonalité générale des commentaires serait plutôt à l’indignation. « Deux poids deux mesures. » « C’est parce qu’il est musulman que la justice s’acharne. » L’éternel « complot » mondial contre l’islam n’est pas loin. Tout cela est, finalement, assez logique. Aucune communauté n’aime voir l’une de ses têtes de gondole aux prises avec la Justice. « Ça ne peut être totalement vrai. » « Il y a forcément un truc, une anguille sous roche. » Une « autre » explication.
Un sentiment que vient renforcer la place de l’islam dans l’immédiate actualité - terrorisme oblige. Comme le notait très finement le psychanalyste Fethi Benslama dans un entretien accordé aux Inrockuptibles : "L’islamisme est un fondamentalisme comme on en trouve dans toutes les religions, sauf que celui-ci a été armé dans le jeu géopolitique entre grandes puissances et puissances régionales." D’où de simples faits divers – la mise en examen de Tariq Ramadan – qui prennent aussitôt d’invraisemblables proportions.
Lesquelles révèlent, néanmoins, un état de fait préexistant chez nos compatriotes musulmans issus de l’immigration ; soit ce double complexe où se mêlent sentiments d’infériorité et de supériorité. Le premier tient à un trouble identitaire manifeste, dû à l’oubli de la culture d’origine et au peu de maîtrise de la culture d’accueil, auquel viennent s’ajouter des réussites sociales en demi-teintes et une assimilation qui n’est pas véritablement un modèle de succès. Le second doit à l’état actuel de notre société : individualisme, hédonisme, matérialisme et perte de toute forme de repères moraux. Spectacle dont ils ne veulent pas être – ils en sont, de toute manière, souvent exclus –, spectacle qu’ils méprisent et dont les acteurs, à juste titre, ne peuvent être tenus que pour « inférieurs ». D’où la naissance du concept de "surmusulman", théorisé par la même Fethi Benslama :
"L’islamisme a voulu rendre les musulmans capables de résister par tous les moyens religieux à l’occidentalisation du monde musulman. Il a installé dans leurs esprits l’idée de la défection, de la trahison, de l’humiliation et de la culpabilité, et en réaction a prêché la nécessité d’expier, de retrouver la pureté et la piété des ancêtres (le salafisme). Il appelle le musulman à devenir toujours plus musulman qu’il n’est, à en faire la démonstration sur son corps, dans ses manières, par son discours, à travers son mode de vie. C’est l’intensification du fétichisme religieux qui peut être impressionnant, mais aussi ridicule."
Mais, quoiqu’il s’en défende, le "surmusulman" épouse aussi tous les travers de son époque, la rhétorique victimaire en premier, la paranoïa alimentée par les réseaux sociaux en sus. Si Tariq Ramadan a les problèmes qu’on sait, ce n’est pas parce qu’il est suspecté de viol, à tort ou à raison, mais tout simplement parce qu’il « est » musulman.
Ce faisant, le "surmusulman" s’adonne au même prêt-à-penser reproché à d’autres communautés - juive au premier chef, l’antisémitisme des Français issus de l’immigration n’étant pas que vue de l’esprit. Esprit à courte vue, nonobstant, qui empêche d’expliquer que dans un « monde tenu par les Juifs », un Harvey Weinstein, Juif hollywoodien des plus emblématiques, puisse être traité pire qu’un Tariq Ramadan.
Et Fethi Benslama de remarquer : "Les musulmans dont le fondement éthique de leur religion est l’humilité doivent lutter contre le surmusulman, non par l’humilité de l’humilié qui se venge, mais par l’humilité de l’humble, sans ressentiment."
En d’autres termes, les musulmans sont aussi des êtres humains comme les autres, avec leurs forces et leurs faiblesses. Nombre d’entre eux le savent et ne le disent pas assez fort. Une minorité l’ignore, mais le fait savoir avec beaucoup de bruit.
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