L’illisible stratégie américaine en Syrie
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L’État islamique (ou Daech) est militairement vaincu. Après avoir conquis et administré, par la terreur, de vastes territoires à cheval sur l’Irak et la Syrie, l’ancien califat ne défend plus que deux kilomètres carrés de territoire à Baghouz, près d’Hajin, au sud-est de la Syrie.
La chute de ce dernier réduit est imminente… depuis plusieurs mois. La bataille d’Hajin a en effet commencé en septembre.
Après six mois d’une laborieuse progression, les fantassins kurdes des FDS, appuyés par l’armada aérienne de la coalition, piétinent toujours devant les derniers irréductibles du califat. Certes, de nombreux civils sont toujours sur place ; des prisonniers également. Et, selon une tactique éprouvée après des années de guerre, les djihadistes ont creusé un vaste réseau de tunnels, ce qui compliquera les ultimes combats.
Mais tout de même ! Les avions américains, selon leur habitude, ont déversé des milliers de bombes sur ce tout petit territoire dont il ne reste pas un bâtiment debout. Les combattants de Daech n’ont plus un véhicule leur permettant de lancer des opérations-suicides ou de contre-attaquer. La dernière tentative, faite à bord de pick-up, a été totalement annihilée par l’artillerie française, disposée à quelques kilomètres de là.
Alors, que se passe-t-il ? Tout simplement ce que le colonel Legrier a expliqué dans l’article qui lui a valu tant de reproches de la part du ministre Florence Parly. Les bombes ne suffisent pas ; elles sont même contre-productives en exaspérant la population civile, première victime de ces frappes massives. Quant aux fantassins kurdes, leur professionnalisme n’est guère démontré (ils se sont débandés à chaque offensive de Daech) et leur combativité est en chute libre. Pourquoi mourir au profit d’un allié et protecteur qui annonce qu’il va bientôt vous abandonner ?
Cette piteuse fin de campagne montre toutes les limites de la stratégie américaine. Pour reconquérir Raqqa et Mossoul, le Pentagone a choisi de les détruire, tuant des milliers de civils. Que n’aurait-on entendu si les Russes avaient procédé ainsi à Alep ou dans la Ghouta ! Au cours des reconquêtes syriennes appuyées par l’aviation russe, seuls les immeubles abritant des combattants étaient visés.
Alors, bien sûr, ce petit réduit va finir par tomber. Mais quelle victoire politique pour Daech ! Une poignée d’hommes mettant en échec l’armada de la coalition pendant des mois, voilà qui ne peut qu’alimenter l’aura de l’État islamique.
Plus personne ne comprend la stratégie de l’Amérique, si elle existe d’ailleurs : après avoir longtemps soutenu en sous-main des rebelles prétendument modérés, elle les a finalement abandonnés ; puis elle a envoyé 2.000 hommes et des moyens aériens considérables pour appuyer les Kurdes contre Daech : elle annonce, finalement, qu’elle s’en va, avant la fin de la bataille. Et dans le même temps, elle annonce qu’elle restera en Irak pour surveiller l’Iran, ce qui a naturellement soulevé un tollé à Bagdad.
Tout cela révèle une confusion sidérante mais aussi de profonds désaccords entre les différents centres de pouvoir américains.
Le bilan américain au Proche-Orient est décidément accablant.
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