L’ONU demande à la France de rembourser sa « dette coloniale » à Haïti… Et puis quoi, encore ?

Toussaint Louverture

La France doit payer. C’est, du moins, ce qu’aimeraient la vingtaine d’organisations non gouvernementales qui étaient réunies, jeudi 18 avril. Rassemblées à Genève pour le Forum permanent des Nations unies pour les personnes d’ascendance africaine (PFPAD), elles réclament ni plus ni moins que le paiement d’une prétendue « dette coloniale » de la France envers Haïti. Créance que ces associations chiffrent à hauteur de 100 milliards d’euros. Un avis qu’est loin de trouver absurde Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. À l’occasion de la clôture de cette troisième session du PFPAD, dont il n’est pas un membre permanent, l’Autrichien a appuyé les demandes de réparations : « En matière de réparations, nous devons enfin entrer dans une nouvelle ère, clame-t-il. Les gouvernements doivent faire preuve d’un véritable leadership en s’engageant sincèrement à passer rapidement de la parole aux actes afin de réparer les torts du passé. »

D'où sort cette dette coloniale ?

Il n’est pas nécessaire de remonter au traité de Ryswick de 1697 (qui cède à la France la partie occidentale de l’île d’Hispaniola : l’actuelle Haïti) pour comprendre ce qui se joue, aujourd’hui. Ayant acquis son indépendance après une lutte sans relâche en 1804, un accord avec la puissance coloniale française avait été conclu. L’indépendance en échange de l’or. C’est, aujourd’hui, ce que dénonce le Forum des Nations unies pour les personnes d’ascendance africaine. Jugeant cette « dette » (basée sur le coût économique de l’indépendance, l’île étant l’une des plus riches du continent à cette époque) injuste, les membres du Forum estiment que celle-ci a entraîné un retard dans le développement du pays.

Mais à force de taper sur la France, on oublie la moitié de l’histoire. Face à l’importante indemnisation exigée par le royaume de Charles X (150 millions de francs-or), le gouvernement d’Haïti demande une réévaluation, qui est acceptée par le roi des Français Louis-Philippe Ier (passant à 90 millions de francs-or, soit environ 525 millions d’euros). Mal gérée et subissant une politique de dépenses publiques coûteuses (comme des infrastructures militaires ou le Palais de Sans Souci), l’économie de l’île est faible. Le 17 décembre 1914, le géant américain saisit l’occasion de piller les réserves d’or de l’île. 500.000 dollars de l’époque (soit 112 millions de dollars actuels) sont volés. De 1915 à 1934, le territoire haïtien est occupé par l’Oncle Sam. Quelle dette coloniale, pour les États-Unis ? Silence radio, du côté du PFPAD.

Haïti principale responsable de son malheur ?

Payer une quelconque « dette coloniale » à Haïti résoudrait-il les malheurs de cet État ? La réponse est certainement négative. Instable politiquement – depuis les fondations mêmes du pays –, Haïti est victime de la corruption de ses élites. Si, demain, les 100 milliards d’euros demandés à la France étaient versés, il n’est pas certain que le citoyen haïtien en voie la couleur. En 2010, après le terrible tremblement de terre (qui fit près de 280.000 morts et autant de blessés), un important élan de solidarité internationale avait été mis en place.

Mais patatras ! En 2019, ce qui était évident fut mis en lumière. Le président haïtien de l’époque, Jovenel Moïse, est accusé d’être au cœur d’un « stratagème de détournement de fonds » par la Cour supérieure des comptes du pays. En effet, le chef de l’État détournait l’aide du Venezuela pour la réfection des routes de l’île en passant par sa propre entreprise de bâtiment. Coincée entre incompétence des ONG et corruption de ses élites, le drame d’Haïti ne semble pas uniquement le fruit d’une indépendance couteuse. Maintenant, la repentance coloniale, ça suffit (cf. Daniel Lefeuvre).

Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

59 commentaires

  1. J’ ignore les conséquences réelles de’ une sortie de l’ ONU mais je pense que si elles sont modérées il faut le faire. Les nations de gens bien construits ne devraient plus y siéger. On ne doit pas parler avec n’importe qui.

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