Marcel Campion mérite la roue !

Marcel Campion

Et encore une polémique sur fond d’ordre moral. Une de plus. Ce n’est pas que les rosières du genre puissent devenir lassantes à la longue, mais un peu. Dernière victime à être traînée au pilori du néo-cléricalisme ambiant : Marcel Campion, donné pour « roi des forains », même s’il préfère se définir comme « pupille de la nation ».

Sa faute, sa très grande faute ? Ces propos, tenus en janvier dernier lors d'une réunion plus ou moins publique, à propos d’un arbre de Noël installé place Vendôme et comparé à un « plug anal » : "Vous savez, le truc qu’ils se mettent dans le fion, pour les pervers. À Noël, c’est bien pour les enfants… À la mairie de Paris, ils appellent ça de la qualité."

Puis, à propos des édiles en questions, il évoque la figure de Bruno Julliard, ancien bras droit d’Anne Hidalgo qui, justement, vient de quitter le navire en perdition : "Lui, c’est le plus beau. C’est lui qui commande toute la ville. Il arrive de l’UNEF [syndicat étudiant, autrefois pouponnière du Parti socialiste, NDLR]. Comme il était un peu de la jaquette, il a rencontré Delanoë, ils ont fait leur folie ensemble et paf, il est premier adjoint. Et avec Anne Hidalgo, il est super, parce qu’en même temps, il lui a amené tous les homos de la Terre. C’est-à-dire que toute la ville, maintenant, est gouvernée par des homos."

On dira que la situation parisienne est, ici, probablement un peu résumée à la diable, mais Marcel Campion n’est pas connu pour sa propension aux circonvolutions et aux demi-mesures. Bref, c’est son genre.

Et les propos de Campion sont exhumés aujourd'hui, neuf mois après. Alors, réseaux sociaux obligent, c’est la curée. Pour Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, ces "propos ignobles" sont "à vomir". Il est vrai qu’il se verrait bien succéder à Anne Hidalgo. Laquelle, tout en condamnant ces "propos inadmissibles", ajoute que "l’homophobie n’aura jamais sa place à Paris". La prime du lyrisme revient, évidemment, au principal intéressé, Bruno Julliard : "L’homophobie doit être combattue sans relâche, parce qu’elle opprime, stigmatise et tue chaque jour." Bruno Julliard, ou le Vercors vu des coulisses de l’Alcazar. Marcel Campion, dont la mère fut fauchée par un obus allemand et le père prisonnier en Allemagne, appréciera la saillie à sa juste valeur.

Toujours dans cette réunion publique, le malheureux avait pourtant précisé sa "pensée" : "D’habitude, je dis les “pédés”. Mais on m’a dit, hier, qu’il fallait plus que je dise ça. Donc, je dis plus les “pédés”, je dis les “homos”. J’ai rien contre eux, sauf qu’ils sont un peu pervers." Et, aujourd'hui, de se justifier, encore et encore, assurant que ledit Julliard serait pervers en ses affaires et non dans ses mœurs. Dont acte, et pourquoi pas. Ce fait divers médiatique nous dit au moins une chose : de nos jours, on a vite fait bien fait de juger. Voir, d'ailleurs, le procès instruit de guingois par les brigades de la vertu contre le pape François en évoquant la « psychiatrie » à propos des homosexuels.

Plus sérieusement, ce fait divers médiatique nous dit au moins ceci.

Premièrement, la moindre polémique finit, désormais, devant les tribunaux. Comme s’il n’était pas possible de débattre sans en appeler aux juges, tels les cafteurs de jadis qui, à la moindre embrouille, s’en allaient chialer chez le surgé.

Deuxièmement, l’art de cette même polémique consistait, naguère, à opposer des arguments. On pouvait les tenir pour justes ou pas, pertinents ou idiots. Aujourd’hui, un argument, quel qu’il soit, est jugé à cette autre aune consistant à savoir s’il choque ou non. La prime n’est donc plus au raisonné mais au ressenti ; un peu comme le froid du même nom. Dans l’affaire qui occupe les médias, l’histoire ne consiste donc pas à savoir si Bruno Julliard a fait carrière en s’appuyant sur les réseaux homosexuels d’un Bertrand Delanoë – tel un Jean Tiberi sur ses connections corses ou un Jacques Chirac sur leurs homologues corréziens – mais juste de savoir s’il est choquant de juste poser la question et si cette question est, en soi, choquante.

Si tel semble être le cas, au moins aux yeux des médias, voilà signifié que toute forme de débat se trouve dorénavant interdite. Au nom d’une sensibilité, subjective par essence, permettant de juger non point ce qui est dit mais la manière dont cela peut se trouver perçu, c’est ainsi qu’on enterre à la fois pensée et bon sens, justice et politique. Ça fait tout de même beaucoup à la fois.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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