Max Gallo : une grande voix de notre mémoire s’en est allée
Gallo. Un nom si français, si gaulois, en dépit des ascendances piémontaises du meilleur historien-conteur de France, après le regretté Alain Decaux (sans oublier Marcel Jullian ou André Castelot) qu’il est désormais parti rejoindre dans les profondeurs mystérieuses de l’éternité. Cet autodidacte, titulaire d’un CAP de mécanicien-ajusteur qui finira par décrocher l’agrégation d’histoire et obtenir, ensuite, son doctorat aura eu une vie des plus remplies, des ors de la République (il sera furtif secrétaire d’État sous la mitterrandie, de 1983 à 1984) à la coupole de l’Académie française (où il sera élu en 2007 au fauteuil de Jean-François Revel) après avoir passé dix ans comme député au Parlement européen (de 1984 à 1994), de son adhésion au Parti socialiste à la présidence du Mouvement des citoyens cofondé en 1994 avec son ami Jean-Pierre Chevènement.
Mais surtout, à l’instar du général de Gaulle pour lequel il ne cachait pas son admiration (comme à l’endroit de Bonaparte), Max Gallo entretenait en lui comme dans ses livres la flamme d’une certaine idée de la France. Certes, il ne fut pas cet historien rigoureux, soucieux du plus obscur détail et obsédé d’interminables notes de bas de page. En cela, il aurait fait rougir de colère tout mandarin que notre sorbonnarde et vaniteuse université recèle inépuisablement en son sein. En revanche, nulle erreur historique, mais histoire librement narrée, au contraire d’un Alexandre Dumas tout aussi prolixe mais violant l’Histoire – toujours, heureusement, pour le plus grand plaisir du lecteur – en toute liberté.
Gallo, c’est ensuite un style. Sobre, enlevé, alerte, vif. C’est également un genre qu’un éditeur bien inspiré baptisa, un jour, le "Gallo-roman". Ses suites romanesques, telles que Les Chrétiens, La Croix de l’Occident ou Les Romains, emportent le lecteur à bride abattue, loin vers les sommets d’une histoire que le mercantilisme consumériste a tôt fait de faire oublier à ses contemporains. Ce biographe de De Gaulle et de Napoléon était foncièrement habité par ses personnages illustres (et parfois anonymes), s’incarnant dans leurs vies reconstituées, s’appropriant leur existence tout en leur prêtant les traits intimes de sa propre vie.
De mesquins esprits l’ont soupçonné d’avoir recouru à des nègres. Accusation de vile police par une République des Lettres ne lui pardonnant pas son tropisme patriotique, sinon nationaliste, beau terme que la pensée unique s’échine, depuis un demi-siècle, à réduire ad hitlerum ou à rabattre ad lepenum. Il faut, d’urgence, relire son Fier d’être français, diatribe laudative, ardente déclaration d’amour à son pays, la France. Fustigeant "les élites […] devenues les pédagogues du renoncement national", il estimait, à bon droit, que "le remède aux maux de la nation, c’est l’amour de la nation, c’est la fierté rendue au mot France".
L’on n’oubliera pas de mentionner sa propre vision de l’Histoire de France, consignée dans un bel écrin joliment intitulé L’Âme de la France qui est, incontestablement, à ce républicain de gauche ce que L’Histoire de France fut, en son temps, au royaliste Jacques Bainville, académicien comme lui. Ni sectaire, ni xénophobe, Gallo reconnaissait que les malheurs de la France résidaient, bien souvent, dans sa propension fâcheuse à se tourner vers le "parti de l’étranger" : "Telle est la France : quand elle n’est pas unie, elle s’entre-dévore, elle en appelle à l’étranger." Hier aux huguenots hollandais ou aux catholiques espagnols, aujourd’hui aux européo-mondialistes de Berlin et Bruxelles. Sic transit gloria Franciae…
Assurément, avec la mort de Max Gallo, c’est une grande voix de notre mémoire nationale qui s’en est allée. Nous avons les idoles (de préférence "panthéonisables") conformes à nos médiocres temps. Lui aimait à citer Simone… Weil : "Il y a une certaine partie de l’âme, en chacun, et certaines manières de penser et d’agir circulant des uns aux autres qui ne peuvent exister que dans le milieu national et disparaissent quand le pays est détruit."
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