« Le “en même temps“ ne peut pas fonctionner face au défi de l’immigration »

On vous sent parfois comme indulgent à l’égard d’Emmanuel Macron…

Ce n’est pas le terme qui me semble approprié. Je ne suis pas de ceux qui pratiquent la politique du pire. Peut-être, aussi, que notre petite expérience du pouvoir à Béziers – la plus grande collectivité de France dirigée par une coalition qui porte nos couleurs – me conduit à davantage prendre en compte le poids du réel, des contraintes. Mais, surtout, je juge sur pièces. Et, pour l’instant, c’est plus encore pour ce qui n’est pas fait par Emmanuel Macron que je serai critique. En clair, si j’approuve sa politique, par exemple, dans le domaine de l’école, je ne peux que constater son silence sur tout ce qui touche à la crise d’identité que vit notre pays. Or, cette question est au cœur de l’immense malaise de ceux que je rencontre tous les jours. Un pays qui doute de lui-même aura le plus grand mal à se ressaisir, à mettre en œuvre les mesures qui s’imposent pourtant. Comment demander toujours plus d’efforts à ceux qui n’ont presque rien quand on continue à ouvrir nos frontières à ceux-là mêmes qui viennent les concurrencer sur le marché du travail ou leur imposer des modes de vie étrangers à tout ce qu’ils sont ?

Le ministre de l’Intérieur fait preuve, pourtant, d’un certain courage face aux associations pro-migrants…

Si vous me demandez de choisir entre Gérard Collomb et la CIMADE, je n’hésiterai pas, vous vous en doutez. Reste à savoir sur quoi débouchera, concrètement, le projet de loi sur l’immigration. Ce sera un vrai test pour le gouvernement de monsieur Macron. On rentre dans le dur. Aura-t-il le courage de faire les choix que – faut-il le rappeler – l’immense majorité des Français soutiennent : une baisse draconienne de l’immigration, la fin des avantages accordés aux clandestins en matière d’accession aux soins, l’accueil des véritables réfugiés politiques mais l’expulsion des déboutés du droit d’asile, etc. L’immigration régulière explose et a battu tous les records en 2017 : 262.000 migrants sont arrivés en France. Avec sa conséquence immédiate : 70 millions d’euros de plus votés au budget pour l’AME, l’aide médicale d’État. Le « en même temps » ne peut pas fonctionner face à ce qui est vécu comme une menace pour l’ADN de notre pays. On ne peut pas, éternellement, éluder la question de flux migratoires sans précédent. Qui plus est quand ces migrants sont porteurs d’une culture, d’un mode de vie si différents des nôtres et auxquels un grand nombre d’entre eux ne veulent pas renoncer, refusant du coup toute idée d’intégration et, encore moins, d’assimilation.

L’islam serait donc incompatible avec nos valeurs républicaines ?

Quand, sondage après sondage, il ressort que bon nombre de personnes issues de l’immigration – dont certaines appartiennent à la troisième, voire à la quatrième génération installée en France ! – déclarent donner la priorité aux enseignements de l’islam sur les valeurs de notre pays qui, sur le papier, est le leur, on est en droit de s’interroger. Il ne s’agit pas de montrer du doigt tous les musulmans mais de poser les questions qui fâchent. Comment en est-on arrivé là ? Suffit-il de mettre en cause l’école ? La pauvreté, le chômage qui frappent particulièrement cette population sont-ils les seules explications ? L’islam est-il une religion comme les autres ? Entretient-il le même rapport avec le pouvoir politique ? Ces quelques questions – et il y en a bien d’autres – suffisent à battre en brèche les poncifs qu’on nous sert à longueur de journée dans la plupart des médias ou des discours à l’Assemblée nationale.

Mais alors, comment s’y prendre ?

En adoptant cette méthode conservatrice que j’essaie de brosser au fil des semaines dans ces interviews. Partir de l’expérience vécue, faire preuve de bon sens, trier entre ce que nous voulons conserver et les changements nécessaires. La très grande majorité des musulmans de France sont français, et donc appelés à y rester. Il n’y aura pas de grands départs à destination de leurs pays d’origine. Il nous faut, en revanche, réduire à leur plus simple expression les regroupements familiaux qui ne font qu’accentuer le poids de cette immigration de peuplement. Ils sont souvent un moyen de faire venir les proches restés « au bled », comme ils le disent eux-mêmes.

Mais tout cela ne va pas changer la donne…

Stopper au maximum l’arrivée de nouveaux migrants, tout faire pour favoriser leur intégration, expulser tous ceux qui sont en situation irrégulière : vous avez un autre programme ? Je n’en ai pas d’autre. Ce qui ne veut pas dire qu’en attendant qu’un gouvernement prenne les mesures qui s’imposent, nous restions les bras croisés. Si nous voulons faire en sorte que de plus en plus de musulmans sortent des griffes des plus extrémistes d’entre eux, il nous faut encourager ceux qui choisissent le camp de la France. Je le constate tous les jours, dans les quartiers où se concentrent la majorité des populations d’origine immigrée : c’est malheureusement les plus radicaux qui font la loi, qui n’hésitent pas à menacer leurs coreligionnaires qui dialoguent avec des élus comme moi. Il nous faut être aux côtés de ces derniers. Dans ce domaine, il nous faut faire preuve de pragmatisme. Tout le reste n’est que rhétorique et fanfaronnades.

C’est cela, la « méthode conservatrice »…

Il s’agit de rappeler des principes – en l’occurrence, ceux listés précédemment -, proposer des réformes législatives et faire, d’ores et déjà, tout ce qui est possible sur le terrain. Ces trois volets à la fois, de façon concomitante. C’est ce que nous tentons de faire à Béziers. Quand nous menons une campagne pour expliquer que nous n’acceptons pas qu’on nous impose toujours plus de « réfugiés » sans même nous demander notre avis. Quand Emmanuelle Ménard, notre députée, demande au ministre de l’Éducation nationale d’en finir avec les ELCO, ces cours du soir donnés dans nos écoles qui sont consacrés aux langues des pays d’origine – arabe et turc, chez moi, à Béziers – alors que ces enfants maîtrisent souvent très mal le français ! Des cours qui, au départ, étaient réservés à des enfants devant retourner dans leur pays et qui accueillent, aujourd’hui, des élèves dont, le plus souvent, parents et grands-parents sont français et n’imaginent pas une seconde de quitter la France. Quand, enfin, au niveau communal, nous prenons à la fois des mesures pour limiter le communautarisme et pour aider ceux qui veulent s’intégrer.

Ce qui se traduit par…

À Béziers, deux des cinq mosquées ont accepté de signer la charte que je leur ai présentée. Elles s’engagent à ne diffuser aucun message islamiste, à n’accueillir aucun imam radical, à prêcher en français (ou assurer une traduction), etc. À ma connaissance, peu de maires, pour ne pas dire quasiment aucun, n’ont fait la même démarche. Quand nous prenons une délibération nous permettant de dire non à tel ou tel commerce dans le centre-ville – il s’agissait, notamment, de limiter le nombre de kebabs -, nous nous donnons les moyens de lutter contre le communautarisme. Mais comme il est hors de question de n’être que dans la répression, dans le négatif, nous avons décidé d’aider une école hors contrat, installée aux portes d’un des quartiers les plus « difficiles » pour y accueillir ces enfants – souvent, mais pas toujours, issus de ces familles – qui ne trouvent plus place dans le système scolaire traditionnel. On leur offre, là, un cadre fait d’écoute, d’adaptation à leur niveau, mais aussi d’efforts et de rigueur.

Un éloge du pragmatisme !

Exactement. Les conservateurs sont ceux qui allient rappel des principes et mise en œuvre des premières mesures allant dans leur sens. C’est pour cela que je suis offusqué de la décision prise pour Notre-Dame-des-Landes. On peut, bien sûr, s’interroger sur le choix du périmètre qui fut celui du référendum local. On peut avoir la fibre écologique et comprendre les réticences de certains. Reste que toutes les décisions de justice – 179, au total - allaient dans le même sens, que les personnes interrogées lors de la consultation de juin 2016 ont voté pour ce nouvel aéroport. On peut tourner et virer ; la vérité, c’est que, de la même manière qu’on abdique devant les plus extrémistes des musulmans dans les quartiers – à Béziers, le sous-préfet les reçoit lors de l’anniversaire de la proclamation de la République, le 4 septembre 1870 -, on a cédé devant quelques centaines d’ayatollahs verts d’une rare violence. Il est urgent de remettre la France sur ses pieds. Il est urgent de redonner le pouvoir aux populations locales et à leurs élus. C’est en cela que nous sommes, nous, les conservateurs, les vrais démocrates.

Robert Ménard
Robert Ménard
Maire de Béziers, ancien journaliste, fondateur de Reporters sans frontières et de Boulevard Voltaire

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