Pour faire oublier son échec prévisible aux européennes, Macron dégaine l’aide à mourir

©Shutterstock
©Shutterstock

À 45 jours des européennes, l’écart se creuse entre la liste du Rassemblement national (31,5 %) et celle de la majorité menée par Valérie Hayer (17 %). Cette défaite prévisible de la Macronie, le 9 juin, semble avoir été anticipée par le président de la République. Après la constitutionnalisation de l’IVG qui a occupé la scène médiatique et éclipsé, pendant un temps, les véritables sujets de préoccupation des Français, Emmanuel Macron prévoit à nouveau de tuer le débat politique avec l’examen, à l’Assemblée nationale, du projet de loi « fin de vie » qui doit débuter le 27 mai. Avant son examen en séance plénière, le texte préparé par le gouvernement est actuellement discuté en commission spéciale. Étude d’impact incomplète, calendrier contestable, mise à l’écart des soignants… Depuis son arrivée au Parlement, le projet de loi est déjà source de polémiques.

Absence des soignants

« On le fera. » Murmurée à l’oreille de Line Renaud, fervent défenseur de l’euthanasie, cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron est en passe de voir le jour. Déposé à l’Assemblée nationale le 10 avril dernier, le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades en fin de vie est aujourd’hui débattu en commission spéciale, en pleine semaine des vacances parlementaires. Mais que l’étude du texte intervienne durant la suspension des travaux n’est pas le seul motif d’agacement des élus des oppositions. Le débat sur le texte en séance plénière, qui sera organisé à quelques jours seulement du scrutin des européennes, fait lui aussi grincer des dents. Pour les oppositions, un tel calendrier devrait permettre à la majorité présidentielle de relancer sa campagne en perte de vitesse auprès du camp progressiste et, peut-être, de profiter des divisions au sein des Républicains et des socialistes à propos de la fin de vie.

À ce perfide calcul politicien de calendrier s’ajoute une méthode de travail discutable. Une grande partie des soignants, pourtant premiers concernés par ce texte, n’a pas été conviée aux discussions. Dans une lettre consultée par Le Figaro, infirmiers, oncologues, psychiatres et gériatres regrettent de ne pas avoir été conviés aux discussions préliminaires qui doivent permettre d’éclairer les débats parlementaires. « Les soignants que nous représentons seront les premiers concernés par le projet de loi et seront tenus de mettre en œuvre ses dispositions », écrivent treize sociétés soignantes aux élus. Et ils poursuivent : « C’est comme si nous étions simplement bons à pousser la seringue. Nous sommes extrêmement choqués de ne pas être entendus, alors que cette loi prévoit que […] les infirmiers puissent injecter un produit mortel dans l’intention de tuer ou d’"achever" un patient quand un suicide assisté ne se passerait pas comme prévu ».

Calculs financiers

Autres absents de ce projet de loi, les mots « euthanasie » et « suicide assisté », bien qu’au cœur de la volonté gouvernementale, ne sont jamais mentionnés. Le gouvernement préfère l'euphémisme et parle d’« aide à mourir ». Pourtant, dans le texte proposé aux députés, il est bel et bien question « d'autoriser et d’accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale [...] afin qu’elle se l’administre [soit le suicide assisté, NDLR] ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer [soit l’euthanasie, NDLR]. » « Nous allons parler de vie et de mort. J’invite donc chacun et chacune à mesurer le poids de chaque mot et chaque virgule », réagit le député Philippe Juvin (LR) en commission spéciale. « Madame le ministre, pourquoi vous ne nommez pas les mots "euthanasie" et "suicide assisté" ? Il faut nommer les choses. […] Ne pas oser utiliser les mots précis, c’est ne pas vouloir les assumer », poursuit le professeur de médecine.

Reste un angle mort, un sujet tabou que des parlementaires du groupe Les Républicains ont décidé de soulever. L’étude d’impact du texte ne contient ainsi « aucune mesure chiffrée », dénoncent-ils. Or, si l'aspect économique ne semble pas motiver le projet de loi qui se veut « éthique » et porté par un élan de « fraternité », selon les mots d'Emmanuel Macron, il n’en demeure pas moins essentiel. En juin 2023, déjà, les sénateurs s’en inquiétaient : « S'il est incontestable que les soins palliatifs et l'aide à mourir sont complémentaires du point de vue du patient et des soignants, […] tel n'est pas forcément le cas pour le gestionnaire qui, dans un monde de ressources rares, est bien naturellement guidé par la bonne gestion. » Avec l’adoption du projet de loi, se demandera-t-on ainsi si cette vie vaut le coup d’être maintenue ? Si la prise en charge d’un malade en soins palliatifs ou en soins intensifs n’est pas trop onéreuse pour la société ? D’autres pays, qui ont déjà légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, ont assumé de réaliser ce calcul financier choquant et ont pu ainsi comptabiliser les économies que l’euthanasie leur permettait de réaliser. « Avec l'aide active à mourir, la vie de l'individu pourra être soupesée économiquement parlant », craint ainsi Dominique Potier, député socialiste, auprès de Marianne.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

26 commentaires

  1. « Si la prise en charge d’un malade en soins palliatifs ou en soins intensifs n’est pas trop onéreuse pour la société ? » Pas trop onéreuse pour la Sécu, surtout, dont le déficit devient alarmant pour tous ceux qui l’ont créé.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois