Pourquoi les gilets jaunes n’aiment pas les médias
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Samedi 29 décembre : acte VII de la mobilisation des gilets jaunes. Moins d'acteurs, mais autant de détermination. À Paris, ils protestent contre le traitement médiatique des événements. Non pas que l'information soit systématiquement altérée, mais elle est subjective tout en prétendant être objective. Si, encore, tous les journalistes reconnaissaient qu'ils défendent leurs idées ! Après tout, ce sont des êtres humains, ils ont le droit d'avoir des préférences. Mais s'ils veulent devenir des modèles d'honnêteté intellectuelle, qu'ils commencent par douter de leur propre vérité.
Il arrive qu'on se demande s'ils ont obtenu leur diplôme dans une pochette-surprise. À moins que leur formation ne les exerce plus à répéter des lieux communs qu'à aiguiser leur curiosité. Combien de fois des Français, de toute condition, ont eu l'impression de subir, de la part des médias, un lavage de cerveau ! Bien sûr, on peut trouver, parmi les invités, quelque personnalité dissonante. Mais la ligne dominante reste celle de la pensée unique. On comprend, dans ces conditions, que beaucoup de gilets jaunes ne portent pas les médias dans leur cœur.
Ils ont donc fait la tournée des popotes de l'information : première étape devant BFM TV, qui se vante de son audience. Ce qui ne lui confère pas un brevet de qualité. Les gilets jaunes, la rédaction s'y est intéressée tant que ça faisait de l'audience. On conviait sur les plateaux des personnes peu éloquentes, qu'on pouvait toiser de sa condescendance. Ou d'autres qui, malgré leur gilet jaune, connaissaient comme un professionnel tous les trucs du parfait débatteur. Ça faisait le spectacle.
Seconde étape : France Télévisions. On a entendu dénoncer des « journalistes collabos », expression un peu déplacée avec ses connotations historiques – même si certains médias collaborent effectivement avec des puissances financières, politiques, ou les deux à la fois. On constate que des présentateurs manifestent outre mesure leur sympathie pour le pouvoir, avec l'air satisfait de l'esprit éclairé. Tout cela, les gilets jaunes, même s'ils n'ont pas fait de longues études, s'en rendent compte.
Après France Télévisions, un groupe voulut se diriger vers Radio France et Europe 1. On apprenait, aussi, que plusieurs voitures avaient été incendiées devant le siège du Parisien. Si le directeur des rédactions a expliqué qu'il "n'y avait pas de certitude sur l'origine [de l'incendie]", et qu'il ne fallait donc pas « tirer de conclusions hâtives », d'autres n'eurent pas les mêmes scrupules. Anne Hidalgo apporta illico « son soutien aux rédactions des journaux Le Parisien et Les Échos et aux riverains », qualifiant l'incendie d'"inadmissible". Richard Ferrand s'étouffa d'indignation : « S’attaquer à la presse procède de la haine des libertés. À quand des autodafés ? Condamnation totale de ces actes criminels. »
La palme pourrait être accordée à Cédric Villani, ce brillant mathématicien, qui devrait pratiquer davantage le doute méthodique. Il écrivit, comme un vulgaire propagandiste : "Le Parisien libéré, journal fondé par trois résistants, est victime ce soir d’un incendie après une journée émaillée de slogans “Journalistes collabos”. Soutien plein et entier à tous les membres de la rédaction en attendant les conclusions de l’enquête."
Si la majorité des Français ressentent cet écœurement devant une partie des médias (et beaucoup de politiciens), pourquoi les gilets jaunes devraient-ils s'abstenir de leur en vouloir ? Les journalistes pourraient pourtant se corriger, s'ils admettaient qu'ils ne détiennent pas à tous les coups la vérité. Il leur suffirait de prendre exemple sur ceux qui font modestement leur métier. Il en existe, mais n'en disons pas trop de bien : ils pourraient avoir des ennuis !
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Cédric Villani
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