Prélèvement à la source : vers un Tchernobyl administratif comme LOUVOIS ?

Tchernobyl

L’affaire du prélèvement à la source pourrait faire sourire si l’on n’avait pas en mémoire un gigantesque et récent cafouillage des services de l’État avec, au bout du compte, des administrés dans la panade et une absence totale de responsables à pendre haut et court. Gérald Darmanin, capable de dire une chose et son contraire – c’est, là, sa grande force -, balaie d’un revers de main les révélations faites par Le Parisien sur les milliers d’erreurs relevées lors des tests du futur dispositif : prélèvements multiples sur une même personne, confusion entre homonymes...

Du côté de l'administration, le directeur général des Finances publiques se veut rassurant : les doublons sont "epsilonesques", affirme-t-il. Le tout sera, le jour J, de ne pas faire partie des "epsilons". Ils risqueront de se retrouver face à la « faute à pas de chance » et pourront, alors, revêtir un treillis pour se lancer dans un parcours du combattant fiscal, en espérant qu’il ne les laissera pas au fond de la fosse antichar.

Justement, puisque nous parlons de parcours du combattant, évoquons celui des militaires qui éprouvèrent, durant près de sept ans, le fameux système LOUVOIS (Logiciel unique à vocation interarmées de la solde) chargé de les payer. L’usine à gaz a été inaugurée en 2011 en grande pompe, mais le projet initial remontait à 1996. Au final, une catastrophe technologique, un Tchernobyl administratif et financier pour l’État mais surtout pour les milliers d’« epsilons », ces petits êtres vivants, parfois dotés d’une famille, que l’on appelle des militaires. Trop-perçus et non-perçus firent les autos-tamponneuses durant des années, transformant des milliers de militaires de tous grades en nababs d’un jour ou en presque SDF pour plus longtemps. Consulter son compte en banque à la fin de chaque mois relevait, au mieux du tirage du loto, au pire de l'attente du verdict de son chirurgien. En prime, les emmerdements en chaîne avec les impôts, les banques, les mutuelles, le propriétaire à qui on ne peut plus payer le loyer, etc. On cite ce militaire qui eut la surprise, un jour, de percevoir 3 centimes d’euros pour toute solde.

Certes, en novembre 2017, le secrétariat général pour l’administration du ministère des Armées avançait que 97 % des soldes ne présentaient, désormais, plus d’anomalies. 3 % d’« epsilons », tout de même... Mais le dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire indiquait que 38 % des militaires ont connu des problèmes liés à LOUVOIS en 2016. En définitive, une armée d’« epsilons ». Au bout de ce fiasco, des dizaines de millions d’euros gaspillés, des milliers de militaires et de familles qui ont vu leur quotidien perturbé, pour ne pas dire plus et… aucune responsabilité individuelle identifiée. Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait dû renoncer à faire tomber des têtes, l’hydre, que l’on appelle "responsabilité collective" étant tellement monstrueuse.

Bon, et alors, quel rapport avec le prélèvement à la source ? Eh bien, le souci affiché, louable certes, de moderniser, réformer pour, au final, non seulement ne pas améliorer, mais souvent pourrir un peu plus la vie des administrés. Lorsque fut lancé LOUVOIS, ça partait d'un bon sentiment et comme à Arcole. Ça partait aussi du mauvais pied et ça se termina en Bérézina. Aujourd'hui, Gérald Darmanin, le petit Sarkozy des corons, trompette que "l’impôt à la source, c’est comme le téléphone portable : dans un an, on se demandera comment on faisait avant". Pour LOUVOIS, à l’époque du lancement, on disait un peu la même chose. Les plus anciens se souviennent très bien, un peu la larme à l'œil, comment, en effet, on faisait avant. Lorsque la solde tombait juste : au centime près.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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