La présidentielle vue de Suisse
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Les Suisses romands suivent avec passion la présidentielle française, parce qu’ils aiment la France mais aussi parce qu’il leur est ainsi donné de voir un spectacle qu’ils ne connaissent pas. Mais qu’en pensent-ils ?
Les Français installés en Suisse romande ont essentiellement voté pour François Fillon et pour Emmanuel Macron. Il s’agit, pour la plupart, de cadres supérieurs, ce qui vient confirmer le statut social de l’électorat LR ou En marche ! Au contraire, dans les régions proches de la Suisse où réside la main-d’œuvre frontalière employée en Suisse, c’est Marine Le Pen qui est passée en tête. Ces territoires prospères et sans chômage viennent donc contredire l’idée que seuls les défavorisés et les oubliés de la mondialisation choisissent le Front national. Pourquoi cette apparente contradiction, sinon en raison de la comparaison entre les systèmes suisse et français qui donne du crédit à des propositions qui restent très controversées en France.
Tout le monde le sait, la Suisse se situe au cœur géographique de l’Europe mais ne fait pas partie de l’Union européenne ni de la zone euro. Son économie fonctionne pourtant à merveille, ce qui donne indirectement raison au programme anti-européen du FN ou, du moins, l’éclaire d’un autre jour.
Contrairement à la France, la Suisse dispose également d’un système électoral à la proportionnelle, ce qui permet à toutes les tendances politiques d’être représentées au Parlement. Cela fonctionne bien, et le pays connaît un gouvernement de consensus, un peu ennuyeux soit, mais particulièrement stable et peu porté vers l’extrémisme.
Quoique faisant partie de la zone Schengen, la Suisse tente de contenir l’immigration en renforçant ses frontières et en accélérant les procédures d’accueil ou de rejet des requérants d’asile. Le résultat est loin d’être parfait mais reste plus efficace que celui de la France, dont le passé explique en partie cela.
Enfin - et c’est la grande originalité helvétique -, les citoyens ont le droit de référendum et d’initiative et votent donc régulièrement sur un grand nombre de sujets, ce qui ne conduit pas le pays au chaos ni au populisme. Voilà sans doute pourquoi les citoyens de l’Ain, du Jura ou du Doubs ont placé Marine Le Pen en tête du premier tour dimanche dernier, elle qui introduirait cet usage en France si elle était élue.
Certains observateurs suisses ont jugé que l’arrivée victorieuse en politique d’Emmanuel Macron était le signe d’un glissement de la politique française vers une conception helvétique de gouvernement de consensus. C’est, cependant, erroné car le système suisse connaît des partis forts et bien campés dans leurs convictions de droite ou de gauche, ce qui mène à des débats incessants et vigoureux. Comme ils sont obligés par le système en vigueur de collaborer, il en résulte une politique gouvernementale rognée de ses aspérités les plus saillantes et, donc, généralement bien acceptée. Au contraire, Emmanuel Macron incarne une vision assez opportuniste de la politique, dont la ligne programmatique mal affirmée semble à la fois de droite et de gauche, mais qui représente, à y bien regarder, un vrai concentré de social-démocratie classique.
C’est pourquoi les Suisses, qui sont très pragmatiques, attendent le futur Président au pied du mur, peu enclins à le juger sur son look de gendre parfait, sur sa prétention rassembleuse ou sur sa revendication de renouveau dans le paysage politique.
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