[RÉACTION] « Ce congé de naissance apparaît comme une mesure idéologique »

Aude Mirkovic

Le Président Macron s’est confié au magazine Elle au sujet du droit des femmes et des violences sexuelles. L’occasion, pour « l’homme du réarmement démographique », d’évoquer le futur nouveau congé de naissance, de dévoiler son plan contre l’infertilité et de réaffirmer son opposition à la GPA, avec une nouveauté, puisque Emmanuel Macron a insisté sur les devoirs des pères. BV a recueilli la réaction d’Aude Mirkovic, porte parole de l’association Juristes pour l’enfance.

Sabine de Villeroché. Estimez-vous que le nouveau « congé de naissance » (trois mois pour les pères, trois mois pour les mères à compter de la fin de l’année 2025) devrait inciter les Français à faire plus d’enfants ?

Aude Mirkovic. Ce qui va inciter les Français à faire plus d’enfants, c’est la confiance dans l’avenir, un avenir à offrir à ces enfants. Cela passe par un projet global de société, mais aussi un cadre familial qui donne confiance. Or, les lois, les unes après les autres, affaiblissent le cadre familial, le mariage et la filiation pour donner une place de plus en plus envahissante à la liberté individuelle, comme si le bonheur supposait de n’être lié à personne.

Renforcer la famille, la stabilité des liens familiaux, donner des moyens aux familles, par les allocations familiales par exemple et d’autres mesures, voilà qui, je pense, encouragerait les gens à avoir des enfants. En outre, il semble que ce congé entraîne la fin du congé parental : quel est le progrès pour l’enfant si, dès ses 6 mois, les parents sont privés de la possibilité d’être à la maison pour s’occuper de lui ?

Ce congé de naissance apparaît comme une mesure idéologique au service d’une égalité homme/femme complètement hors-sol, puisqu’elle ne tient pas compte de la différence et de la complémentarité des rôles dans la venue au monde d’un enfant. Il a l’air généreux pour l’enfant, 6 mois ! Mais si c’est pour tout couper à 6 mois, ce n’est pas un progrès, c’est une régression.

S. d. V. Dans le cadre du plan pour lutter contre l’infertilité, Emmanuel Macron envisage d’inciter les femmes à congeler leurs ovocytes et à « ouvrir aux centres privés l'autoconservation ovocytaire » pour réduire les délais d’attentes pour accéder aux PMA (entre 16 et 24 mois actuellement). Qu’en pensez-vous ?

A. M. Cette mesure ne tiendra pas ses promesses car elle relève encore de l’idéologie pure : il est irresponsable et mensonger d’engager vers une future PMA des personnes qui, a priori, pourraient procréer naturellement. Tout d’abord, la procréation technologique n’a rien d’anodin : d’un point de vue médical pour les femmes, ce recueil des ovocytes sans « nécessité » est irresponsable en raison des contraintes et des risques médicaux. Ensuite, la dissociation de la sexualité et de la procréation, qui est le principe de la PMA, fait de l’enfant « le produit de technologies scientifiques », comme l’a dit le Conseil d’État dans son rapport de 2018. Cela n’a rien d’anodin, car on passe de la procréation à la production de l’humain, sans compter que cette procréation technologique expose les enfants à des risques nombreux dont il n’est en rien tenu compte. En outre, on fait croire aux jeunes femmes qu’elles « assurent » un projet d’enfant alors que les chances d’avoir un enfant par PMA sont faibles et que reculer l’âge de la procréation est le plus mauvais conseil en la matière. Il vaudrait mieux informer les jeunes sur la baisse de la fécondité avec l’âge au lieu de les encourager à différer le temps pour eux d’avoir des enfants.

S. d. V. Etes-vous rassurée par les propos du Président réaffirmant son opposition à la légalisation de la GPA tout en recommandant le respect de l’accompagnement des parents d’enfants nés par GPA à l’étranger ?

A. M. Je voudrais déjà relever que ces enfants nés de GPA à l’étranger sont instrumentalisés et servent de prétexte, ce qui est le comble du cynisme. On prétend, par exemple, « régulariser » leur filiation, alors qu’en réalité, on régularise l’atteinte à leur filiation et on valide la filiation que les adultes ont convenue entre eux par contrat avec la mère porteuse. Protéger les enfants nés de GPA, tout le monde est pour, mais cela ne signifie pas ignorer la GPA qu’ils ont subie. C’est au contraire un déni de justice. Surtout, c’est parfaitement compatible avec le fait de lutter contre la GPA, pour faire en sorte que d’autres enfants ne subissent pas la même chose. Or, la France laisse les sociétés commerciales américaines, canadiennes, ukrainiennes démarcher le public français et organiser des salons de promotion de leur commerce, en toute impunité, alors qu’il s’agit d’un délit pénal, le délit d’entremise en vue de la GPA.

Alors, certes, réjouissons-nous de ce que le Président a redit son opposition de principe à la GPA car, selon ses propres mots, « elle n’est pas compatible avec la dignité des femmes, c’est une forme de marchandisation de leur corps ». Mais les mots ne suffisent pas. Le Comité d’éthique a appelé de ses vœux, en 2017, une initiative internationale dans laquelle la France pourrait jouer un rôle moteur. C’est ce que demande la Déclaration de Casablanca sur la GPA qui invite les États à s’engager dans une Convention internationale portant abolition universelle de la GPA. La France pourrait être leader en la matière : c’est cela que nous attendons du président de la République. Nous en sommes loin, mais à chacun de contribuer à promouvoir cette attente : l’abolition universelle de la GPA est non seulement nécessaire mais possible, et nous attendons de la France qu’elle s’engage dans ce but sur la scène internationale.

S. d. V. Comment réagissez-vous à ce souhait d’Emmanuel Macron d’ouvrir le débat sur « le rôle des pères » (trop absents, selon lui) et de leur imposer une sorte de devoir de visite, de suivi, d’éducation même après la séparation du couple ?

A. M. Il y a tant à dire. Je me contente d’une remarque : il est louable de chercher à compenser, pour les enfants, les dégâts des séparations parentales. Bien. Mais pourquoi ne pas œuvrer aussi pour prévenir et éviter, autant que faire se peut, ces séparations et promouvoir la famille durable, fondée sur l’engagement, en premier lieu dans le mariage, encouragé, valorisé, soutenu ? Il y aura toujours des séparations, mais elles pourraient être moins nombreuses et mieux accompagnées car, actuellement, les services sociaux, les juges aux affaires familiales et les services divers ne peuvent faire correctement leur travail, débordés qu’ils sont par l’ampleur du phénomène. Une seule mesure, fiscale par exemple, d’encouragement au mariage durable sera plus profitable aux enfants que toutes les mesures, forcément limitées, visant à gérer les séparations.

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Encore des idées qui visent à tout rendre plus ou moins artificiel. La dénatalité est aussi due au fait que les nouveaux nés arrivent de plus en plus tard dans la vie des familles. Il n’y a pas si longtemps, les femmes mettaient au monde leurs enfants avant l’âge de 30 ans, ce qui laissait espérer 2 ou 3 générations en un siècle. (C’est le cas de ma cousine qui a eu ses 3 enfants dans les années 50, et, aujourd’hui, à 91 ans, elle a le bonheur de connaître ses arrières petits enfants -16-). La congélation d’ovocytes ne peut s’envisager que dans des casd’infertilité, et il faudrait surtout faire comprendre aux jeunes femmes, et jeunes hommes que trop attendre pour avoir des enfants risque de se retourner contre vous-même, et que la congélation d’ovocytes a un coût, et ne garantit rien. Ce ne sera de toutes façons pas positif pour la démographie.
    Revenons aux comportements naturels. La société se deglingue avec des idées pareilles.

  2. « Or, les lois, les unes après les autres, affaiblissent le cadre familial, le mariage et la filiation pour donner une place de plus en plus envahissante à la liberté individuelle, comme si le bonheur supposait de n’être lié à personne. » C’est ce que prétendent les Francs-Maçons, dont vous avez parfaitement explicité l’idéologie de base.

  3. Avant tout ce blalbla qui déboule comme d’habitude sur les idéologies du moment : GPA, et motivation des pères, peut-être chercher sur le terrain les raisons de ne plus faire d’enfants.
    Il suffit de discuter avec des jeunes couples de son entourage : peur de l’avenir, de la guerre, du chômage dû à la désindustrialisation, peur de l’insécurité, de l’apocalypse climatique.
    Mais avant tout, ras le bol de payer à tous les niveaux quand on a des enfants : enseignement privé pour échapper à l’environnement scolaire du public, tranches fiscales qui financent ceux qu’on accueille sans condition, discrimination positive qui n’a de positif que le fait de culpabiliser les méchants blancs, etc

  4. Tout à fait d’accord sur l’analyse de notre président sans descendance . Le président n’a pas pris en compte les couples mono genre. Quand on analyse un problème systémique, il faut tenir compte du contexte surtout quand on en est un de ses promoteurs.

  5. Pas d’impôt pour les femmes, voire pour le couple qui accouchent, durant 5 ans. Cela devrait inciter davantage

  6. Tout à fait d’accord. Et la PMA sans père ? etc Bref, au regard des délinquants pour qui le père est absent, le Président fait des énoncés. Comme d’autres. Un propos dans Elle ( pour se rattraper aussi avec G. Depardieu etc ) a t-elle valeur de loi ?

    • Dans les banlieues, pour faire revenir le père, il suffit d’ouvrir une cagnotte. C’est comme cela que le père du « petit ange parti trop tôt » est revenu.

  7. C’est bien triste de voir Jupiter s’occuper de la parentalité, et tout particulièrement de la paternité, pour faire diversion et essayer de gagner 1/2 point aux Européennes. Au fait, où est donc le père dans les naissances, prises en charge par l’assurance maladie, pour les femmes seules ou les couples de même sexe ? Pour les couples polygames, un seul père pour plusieurs concubines, comme ce fut le cas récemment où un homme a exigé un congé paternité à 2 ou 3 mois d’intervalle ? Il y a aussi des enfants conçus en prison : permissions spéciales pour le père emprisonné puisqu’on est spécialiste des lois votés pour une poignée de citoyens ? Etc. Quant aux 3 mois de congé paternité pour le père, ne pourrait-on pas laisser aux couples le choix de choisir la durée du congé de naissance pour chacun des 2 parents ? Je connais des femmes qui ont été obligées, à contre coeur, d’interrompre l’allaitement car obligée de reprendre le boulot. Dans la fonction publique elles ont systématiquement droit à un mois de plus si elles allaittent ou prétendent allaiter. Alors, effaçons déjà ces injustices incohérentes. Je crois aussi que si l’on veut relancer la natalité, il faut arrêter de laisser détruire ainsi notre culture et de ne pas prendre les mesures pour endiguer la barbarisation de la France. Jupiter devrait-il peut-être prendre exemple sur Poutine : en Russie, on ne constate pas cette dénatalité : les familles russes sont apparemment mieux aidées que les familles françaises.

  8. À l’époque de Giscard, j’ai pu bénéficier d’un congé parental et si c’était à refaire, je le referais ! Mais depuis Hollande le ministère de la famille a disparu, on assiste bien à la déconstruction de la famille hélas

  9. Marié depuis un demi siècle, j’observe mes enfants, tous divorcés et pourtant on leur a enseigné le bon chemin.

    • Mariée depuis un demi-siècle aussi, j’observe mes enfants, non officiellement mariés, mais tous deux restés fidèles, solidaires et unis à leur conjoint,( il est vrai depuis un peu moins longtemps, solides études obligent : depuis 15 ans) : Peut-être que, selon les papas et mamans, un manque d’humilité, de questionnement, et de vrai dévouement n’est pas le bon chemin (Qui détient la Vérité, celui qui affirme, ou celui qui doute ? Celui qui paraît « mal dans sa peau » ou celui qui ne vise que les honneurs et les plaisirs, sous façade d’autre chose ?)

  10. Elle a raison : encore un hochet . Et pourquoi ne diffuse-t-on pas l’information subsidiaire selon laquelle le « vaccin » Covid entraine des troubles de stérilité (sur certaine population à peau blanche ; pas les autres) ? J’ai le cas dans mes amies d’ici : traitement pénible, long, répétitif, et sans succès ( pour un éventuel premier né – maman trentaine passée) depuis….Janvier 2021

  11. Stop Macron trop tard ces propos pour être crédible , ces mesonges ne prennent plus et d’ailleurs que connait il à la famille , la joie d’être père et les problèmes des jeunes . Pas de boulot , pas de logement , insécurité , retraite des femmes etc etc …..Juste avant les élections il a des idées lui qui a ruiné ce pays , qui détruit nos petits , qui a saboté l’école et tant d’autres choses . Le peuple n’a qu’une enviec’est de le voir disparaitre .

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