Réforme de la fiscalité des placements : haro sur les pauvres ?

La réforme de la fiscalité sera conforme aux annonces de M. Macron pendant sa campagne mais les classes défavorisées seront lourdement impactées tandis qu’a contrario, ceux qui ont les revenus les plus élevés vont bénéficier d’un allègement notable.

Le Livret A échappe (pour l’instant ?) au prélèvement forfaitaire de 30 % (en abrégé PFU), mais son taux va être bloqué à 0,75 %, et peut-être pour longtemps. Or, au vu de la reprise, les prix vont sans doute, dans quelques mois, augmenter sur un rythme de 2 % par an (au lieu de 0,7 % actuellement), spoliant d’autant les titulaires de livrets. Les sommes récoltées par ces derniers servent à financer la construction de logements sociaux, leur permettant de disposer de 250 milliards à seulement 0,75 %. Cette manne constituera un atout pour des organismes qui seront fragilisés par la baisse des loyers que M. Macron s’apprête à leur imposer. Les « pauvres » paieront-ils la note de cette diminution autoritaire ? Sans doute, à moins que le gouvernement ne change d’avis si les protestations se font trop fortes.

Les PEL (plan d'épargne logement), qui représentent aussi 250 milliards d’euros, seront également touchés. Tous les nouveaux et les anciens contrats de plus de douze ans (que détiennent beaucoup de personnes âgées) seront taxés, alors qu’ils échappaient jusqu’alors à l’impôt sur le revenu. Or, le plus souvent, ce sont les classes défavorisées qui ont recours à ce placement, non pour acheter des logements, mais parce que leur Livret A est plein et que le taux du PEL avoisine les 2 %. Si le contribuable peut intégrer les intérêts à ses revenus, il perdra au minimum 17,2 % de ses revenus (du fait de la CSG), mais si le PFU est obligatoire, la perte sera de 30 % : du vol pur et simple pour les personnes les plus démunies.

Les classes favorisées, elles, seront gagnantes. L’assurance-vie ne sera pratiquement pas touchée. Seule la fraction au-dessus de 150.000 € (300.000 pour un couple) subira le PFU, avec des abattements de 4.700 € (9.200 € pour un couple). Par contre, les contribuables atteignant la tranche de 30 % de l’IR (impôt sur le revenu) seront gagnants et les revenus de leurs placements seront souvent divisés par deux ! Pour ceux qui ont une culture économique suffisante pour ne pas tomber dans les pièges tendus par les banques, posséder des actions redeviendra attractif. Et je ne parle pas de l’ISF (impôt sur la fortune), aboli sauf pour l’immobilier.

Néanmoins, les propriétaires bailleurs verront leur fiscalité alourdie avec la CSG et ils pourront s'estimer heureux si le pouvoir ne décrète pas de baisser de 40 € par mois les loyers qu’ils touchent, comme il envisage de le faire pour les HLM.

Enfin, les catégories les plus pauvres prendront de plein fouet la fiscalité sur le diesel, s'ils en possèdent un. Ils dépenseront infiniment plus pour se déplacer, n’auront plus le droit d’entrer dans nombre de villes et leur véhicule ne vaudra plus rien. Ils ne pourront pas le revendre pour se constituer une base. Bien sûr, M. Macron a prévu une baisse des charges et de la taxe d’habitation, mais le compte y sera-t-il pour les plus pauvres ?

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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