[SÉRIE] Un nouveau Ripley, en cinquante nuances de gris

ripley série

Disponible sur Netflix et réalisée par Steven Zaillian, Ripley est une mini-série adaptée du célèbre roman de Patricia Highsmith (The Talented Mr. Ripley, 1955). Les débuts dans la vie de Thomas Ripley, un jeune homme qui se cherche. Envoyé par M. Greenleaf pour convaincre son fils Dickie de rentrer à New York, Tom Ripley rencontre ce jeune homme qui vit dans l’aisance et la beauté, aux côtés d’une jolie écrivain, dans un petit village italien de la côte napolitaine… Séduit par l’atmosphère, attiré par Dickie, envieux en diable, Tom Ripley passe insensiblement du rôle de pique-assiette à celui d’usurpateur. Et tant pis pour les gêneurs qui voudraient l’empêcher de vivre son rêve, évidemment plus agréable que sa vie antérieure de petit escroc new-yorkais.

Etait-ce un manque d’originalité d’adapter cette histoire alors qu’il en existe déjà deux versions au cinéma ? Il y eut Plein soleil, avec Delon dans le rôle de Ripley (1960), et Le talentueux Mr Ripley (1999). Cette nouvelle adaptation ressemblait surtout à une prise de risque, tant Le talentueux Mr Ripley s’est imposé comme un chef-d'œuvre, avec Matt Damon dans le rôle titre, aux côtés de Jude Law et Gwyneth Paltrow. Or, cette prise de risque s’avère réussie.

Sombre carte postale

D’abord par le choix du noir et blanc, hommage aux films noirs. Cela a dérouté certains spectateurs modernes qui y ont vu un archaïsme au lieu d’une décision esthétique. Filmer la côte napolitaine et se priver des effets faciles du ciel bleu, il fallait oser. Mais Zaillian refusait l’effet carte postale. « Je ne voulais pas de ciel bleu. Je voulais un ciel nuageux, de la pluie et des rues scintillantes. J'avais ce regard en tête depuis le début. » L’image est superbe, avec ce que les mots « noir et blanc » ne disent pas : une infinie palette de gris. Cinquante, voire cinq cents nuances de gris posées sur Atrani, Naples, Rome et Venise : quoi de plus enchanteur ? Et cela sur un rythme lent, sinon très lent. Oui, il fallait oser aller à rebours des goûts d’une époque pour le clinquant et le trépidant.

Son adaptation, ensuite. Si tout n’y est pas aussi fluide que dans le film (dommage dans le format d’une série - huit épisodes - qui permet d’amener les choses), Steven Zaillian redonne de l’épaisseur au personnage de Dickie (joué par Johnny Flynn). Loin d’être le viveur superficiel qu’il était dans le film de 1999, il a retrouvé son statut de peintre - bien que cela aurait pu être encore plus marqué (la question est importante chez Highsmith). Mais en ponctuant le récit de toiles de Caravage, le peintre assassin, Zaillian fait rentrer la peinture au cœur des scrupules et des alibis intérieurs de Ripley. De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts: ce sera toute son œuvre, à Ripley, que d’ajouter un chapitre au livre de Thomas de Quincey.

Insaisissable Tom

Le personnage de Tom Ripley - le plus complexe qui soit sorti du cerveau de Patricia Highsmith - est par nature insaisissable. Matt Damon avait le côté lisse qui seyait parfaitement à ce jeune escroc en quête d’identité et qui poussera l’art de l’usurpation dans ses plus criminelles voies ; qui tuait par dépit de devoir le faire - mais, bon, parfois, les circonstances… Andrew Scott a le visage plus marqué et des rictus que n’avait pas Matt Damon. Mais au bout du compte il campe un second Ripley auquel on croit.

Patricia Highsmith a écrit cinq romans dont Ripley est le héros. Outre Monsieur Ripley : Ripley et les ombres, Ripley s’amuse, Sur les pas de Ripley et Ripley entre deux eaux. En 2002 et 2005, Ripley’s Game et Ripley et les Ombres ont été adaptés au cinéma, mais sans convaincre. Il y a donc encore de la matière disponible, et de la bonne ! Steven Zaillian a d’ailleurs confessé que Ripley’s Game est son histoire préférée. De quoi lui inspirer une saison 2 ?

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Je l’ai regardé et ne vous déplaise, je n’ai pas aimé , mais alors pas du tout : le noir est blanc ne fait pas tout, surtout quand le ciel d’Italie est gris en permanence…Il faut dire que j’avais vu ( plusieurs fois) la version avec Matt Damon et Jude Law qui m’avait éblouie

  2. J’ai lu et vu plusieurs fois la série des Ripley. Fascinant.
    Si je n’ai pas aimé Plein soleil (je préfère Delon en grand voyou qu’en petite frappe), j’ai adoré la version avec Matt Damon. Ripley’s Game, avec le machiavélique John Malkovitch vaut la peine d’être vu, à mon avis.

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