[STRICTEMENT PERSONNEL] Le talon d’Achilli

Dominique Jamet

Jean-François Achilli est - était ? - depuis des années un journaliste politique connu et reconnu dans la sphère de l’audiovisuel français. Collaborateur de France Inter de 1998 à 2012, puis de France Info depuis 2013, il anime - il animait ? - sur cette dernière station une émission et une tribune quotidiennes, Les Informés.

Il est – il était ? – de tradition chez la plupart des critiques littéraires, dramatiques, cinématographiques de fréquenter le moins possible les écrivains, les metteurs en scène, les comédiens, les réalisateurs et les vedettes dont il leur revient d’analyser, de commenter, de juger les œuvres, les spectacles, les films et les performances. Cette distance garantirait leur indépendance et, en principe, leur impartialité.

À l’inverse, la tentation est presque inévitable, chez les journalistes spécialisés dans la politique comme chez les personnalités et dans les partis dont ils suivent l’activité, l’évolution et les résultats, de frayer les uns avec les autres. Les conséquences en sont positives pour l’information, moins heureuses pour la neutralité, au point que parfois on ne sait plus très bien si tel ou tel est le représentant d’un média auprès d’un mouvement politique ou le porte-parole de ce mouvement auprès de son public. Pour un Pierre Viansson-Ponté, un Jacques Julliard, voire un Alain Duhamel qui ont toujours veillé à ne pas se compromettre et moins encore à s’attarder dans les arrière-salles et trop près des fourneaux où mijote la tambouille politicienne, combien se sont léché ou mordu les doigts en raison d’une proximité trop grande et trop visible avec des officines et des cuisines plus ou moins douteuses.

Des soupçons récurrents

On allèguera, non sans raison, que pour informer, il faut d’abord s’informer et que le résultat compte plus que les conditions dans lesquelles il a été obtenu. La chose se soutient mais le risque existe. Déjà, en 2006, lorsque Jean-François Achilli, après avoir suivi la campagne de Nicolas Sarkozy, avait publié, avec succès, La Firme, puis, derechef en 2016, quand il avait cosigné en compagnie du sulfureux Charles Pasqua Le Serment de Bastia, il s’était exposé au soupçon de tropisme droitier, imputation lourde au sein de Radio France. Cette fois-là, il avait échappé à la vigilance de la patrouille qui veille sur la moralité de la maison ronde du quai Kennedy. Il n’en a pas été de même lorsque, à la mi-mars 2024, il a été accusé de récidive aggravée par des confrères qui voulaient bien sûr notre bien mais pas le sien et qui pensaient avoir trouvé, comme il y a trois mille ans chez le héros dont il porte à peu de chose près le patronyme, son point de vulnérabilité.

Thétis, demi-déesse de son état, avait cru conférer l’immortalité à l’enfant qu’elle avait eu avec Pélée, simple mortel, en plongeant le petit Achille dans les eaux du Styx. De fait, le futur héros était devenu aussi invulnérable qu’un char Leopard, à l’exception de son talon qui n’avait pas trempé dans le fleuve mystérieux. Et Pâris, qui le savait et aurait certainement brillé aux Jeux olympiques, tira la flèche fatale au très proche ami de Patrocle.

Mutatis mutandis, Achilli était guetté à la faute. Ariane Chemin, célèbre journaliste d’investigation, flanquée pour l’occasion du  moins illustre Clément Guillou, récemment engagé par Le Monde pour déceler et dénoncer toutes les turpitudes, boulettes et autres crimes contre l’humanité commis par le Rassemblement national, signait le 13 mars dernier un article à sensation d’où il résultait que Jean-François Achilli avait clandestinement rencontré, et à plusieurs reprises, un nommé Jordan Bardella, délinquant bien connu de ses lecteurs, sinon des autorités judiciaires, et qu’il avait été fortement question, lors des entrevues secrètes entre ces deux hommes, de la préparation et de la publication d’un livre, entre biographie et programme, consacré au sieur Bardella.

La flèche empoisonnée et tirée comme il se doit en toute confraternité atteignit effectivement et la cible et son but. Dès le 14 mars, Radio France « suspendait » la collaboration de Jean-François Achilli. Le 12 avril, celui-ci était convoqué pour un entretien préalable à on ne sait trop quoi, dans l’attente d’une décision définitive

Un confrère de droite n'est pas un confrère

Peu importait que l’affaire se dégonflât au fil des jours, qu’il apparût que ce projet de livre en commun avait été communément abandonné par ses deux supposés protagonistes et que les confraternelles accusations portées par Le Monde fussent périmées. Restait qu’un journaliste politique travaillant pour le service public s’était bel et bien entretenu à plusieurs reprises avec le dirigeant d’un parti légal, représenté à l’Assemblée nationale par 88 députés démocratiquement élus et crédit, le 9 juin prochain, d’environ un tiers des suffrages librement exprimés par nos concitoyens. Le scandale n’en était pas moins énorme et la meute habituelle, Mediapart, Télérama, Libération, aboyait aux chausses de Jean-François Achilli et réclamait à grands cris un châtiment exemplaire du présumé coupable dès lors que, titulaire de la carte professionnelle, tricolore et symbolique, de journaliste, celui-ci n’était plus digne de détenir la carte personnelle, immatérielle et indispensable, de journaliste de gauche sans laquelle il n’est pas concevable d’être employé par une radio publique, démocratique et pluraliste. Nous sommes en France, en 2024, dans un pays, dans un système où une journaliste politique, compagne d’une des têtes de liste de l’élection du 9 juin, pérore tous les matins sur France Inter et où d’autres journalistes, devenus délateurs, exigent l’éviction d’un confrère pour une faute qu’il n’a pas commise.

Victor Hugo qui, à l’occasion, ne manquait pas d’humour et de drôlerie, s’adressant un jour à d’autres professionnels de l’écriture, commença ainsi sa harangue : « Mes chers confrères – et dans confrères, il y a frères… »

Dominique Jamet
Dominique Jamet
Journaliste et écrivain Président de l'UNC (Union nationale Citoyenne)

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Tout cela devient caricatural dans ce petit monde journalistique qui s’auto promotionne et excommunie ‘un journaliste d’information du service public parce que celui ci aurait approché le candidat du RN représentant un courant majeur de la sphère politique française . Ces gens sont d’une prétention incroyable . Ils ne représentent rien sinon leur entre soi .

  2. Il me semblait bien que Robespierre s’était réincarné.
    Un nouveau procès criminel sans présomption d’innocence instauré par un gauchisme sans limite. Si on laisse faire, « Staline » va reprendre sa place. Vite le 09.06 !

  3. Le plus surprenant, c’est que cette émission « les informés » était très ancrée à gauche. Je n’y ai jamais entendu de journalistes issus de la droite ; toujours gauche ou centre Macron-compatible. Ce qui signifie que même dans le cœur de son activité, cet homme ne laissait pas transparaitre ses opinions, voire, respectait la ligne politique de son employeur.

  4. Mais quand l’Arcom se penchera t’elle, enfin, sur les dérives du service public aux mains des gôôôôchos grassement subventionnés par de l’argent public. En voilà un domaine où l’on pourrait faire des économies monstres, au service des Français et de la démocratie.

    • L’Arcom est également aux mains des gôôôôchos grassement subventionnés par de l’argent public. Il ne va quand même pas s’attaquer à ses frères!

  5. La mafia gauchiste de France Inter panique en constatant l’irrésistible ascension de la droite dite extrême, laquelle présente une argumentation autrement plus crédible que ses poncifs éculés. Restent les coups bas et les injures, ultime et habituel recours qui risque de l’éloigner encore plus d’une opinion publique qui semble enfin ouvrir les yeux!

  6. Bonjour Monsieur Jamet.
    Vous dénoncez une triste réalité de notre audio-visuel national. L’émission affaire sensible de Fabrice Drouelle du 18 avril dénonçant le grand remplacement comme un mythe en est un exemple ahurissant de mauvaise foi et de désinformation. En s’appuyant sur des statistiques bidons, il prétend démontrer que le grand remplacement qui est une réalité démographique évidente est une invention alors qu’elle crève les yeux de tous les Français. Qu’attend L’ARCOM pour interdire d’antenne Monsieur Droelle qui prétend faire de l’histoire? qui va oser saisir l’ARCOM? A lerte

    • Dites-donc m.jamet vous trouver qu’alain duhamel ne s’est jamais « compromis » ? Vous en avez d’autres de ce genre à nous sortir ?

  7. Les vilains populistes , l’extrême drouate , montent , montent , montent , partout en UE , et bien sur en France , les mêmes causes (immigration de masse , islam ), produisent les mêmes effets .
    la gôche bien pensante , formatée en son temps au techniques du stalinisme , panique , et tire a vue , la chasse aux sorcières est ouverte .

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