[USA] Le Congrès débloque 61 milliards de dollars pour l’Ukraine

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Après plusieurs mois de blocage, la Chambre des représentants du Congrès a finalement approuvé, samedi dernier, un programme d’aide étrangère contenant un volet spécifique pour l’Ukraine d’un montant de 61 milliards de dollars. La manœuvre, qui a consisté à découpler l’aide à Israël, à Taïwan et à Kiev, puis à faire voter pour chacune d’elle en s’appuyant sur des bases bipartites distinctes, a bien fonctionné.

Le revirement du président de la Chambre

Un succès pour la Maison-Blanche, qui n’aurait pu être obtenu sans un revirement du président républicain de la Chambre, Mike Johnson. Ce dernier, avec l’appui des démocrates et d’une partie de sa base, a eu raison des représentants républicains toujours réticents à l’idée de ne pas prioriser des enjeux nationaux et à accorder un nouveau « chèque en blanc » à Joe Biden sans perspective de sortie de crise en Ukraine. Une majorité de républicains (112 contre 101) a, en effet, voté contre une nouvelle aide à Kiev, signe d’une forte fracture au sein du parti.

En décembre dernier, Mike Johnson avait tenu tête à l’administration Biden en soulignant le problème fondamental de toute nouvelle aide : quel est le plan ? « L’administration Biden n’a pas réussi à répondre de manière substantielle à nos préoccupations légitimes concernant l’absence d’une stratégie claire en Ukraine, d’une voie pour résoudre le conflit ou d’un plan pour garantir le bon usage de l’aide fournie par les contribuables américains », avait déclaré, sur X, le président de la Chambre.

Cette fois-ci, Johnson a cédé. Que s’est-il passé, entre-temps ? À en croire la presse mainstream, qui hier encore voyait en lui un chrétien ultra-conservateur à la botte de Donald Trump, le président de la Chambre aurait trouvé son « chemin de Damas » à la suite de nombreuses séances d’information avec des responsables des services de renseignement qui l’auraient éclairé sur l’ampleur des menaces pesant sur l’Ukraine et sur le monde.

« Je crois vraiment aux informations et aux briefings que nous avons reçus », a récemment déclaré le nouveau converti. « Je crois que [le président chinois] Xi [Jinping], Vladimir Poutine et l’Iran sont réellement un axe du mal. Je pense qu'ils sont en coordination », a-t-il ajouté. Après tout, pourquoi ne se serait-il pas laissé convaincre ? Son statut lui donne, en effet, accès à des informations inaccessibles au vulgum pecus.

Ce dont on ne peut douter, en revanche, ce sont des considérables pressions qui se sont exercées sur lui : « Un flot constant de dirigeants et de ministres européens ont frappé à la porte de Johnson, ces derniers mois, disant au membre du Congrès de Louisiane que sa place parmi les hommes d'État mondiaux serait assurée s'il y parvenait », écrit le Washington Post. La promesse de faire de lui un roi, pour peu qu’il consente à faire quelques concessions. Pauvre Johnson qui, avant de trouver le chemin de l’illumination, aura dû affronter l’épreuve de la tentation au désert !

Les ambiguïtés de Donald Trump

Des tentations, des exhortations, mais tout cela n’aurait sans doute pas suffi sans un autre événement majeur : l’absence de pression de Donald Trump dans le sens opposé. Ici encore, tout le monde s’interroge. Avant le vote, l’ancien président a accueilli Johnson à Mar-a-Lago, son club privé de Palm Beach, et l’a adoubé lors d’une conférence de presse en déclarant qu’il se tenait à ses côtés. Menacé d’éviction par l’aile trumpiste des républicains de la Chambre des représentants, qui goûte assez peu son revirement, le soutien du boss était le bienvenu mais... inattendu.

En février dernier, la presse mainstream se désolait de l’influence des positions « America First » de Trump sur les élus de la Chambre et du Sénat et voyait en l’ancien président le véritable responsable de l’inertie du Congrès. Cette fois-ci, Trump s’est mis en retrait et a adopté une position ambiguë sur la crise ukrainienne : reconnaissant (sans doute pour la première fois) que la survie de l'Ukraine était importante pour les États-Unis, tout en fustigeant des Européens accusés d’impéritie et d’obliger le contribuable américain à se substituer à eux.

« Pourquoi l’Europe ne peut-elle pas égaler l’argent investi par les États-Unis d’Amérique pour aider un pays qui en a désespérément besoin ? Tout le monde en convient, la survie et la force de l’Ukraine devraient être beaucoup plus importantes pour l’Europe que pour nous, mais elles sont également importantes pour nous ! Que l’Europe se bouge ! », écrivait-il, le 18 avril, sur son réseau social.

Là encore, que s’est-il passé ? Un autre « chemin de Damas » ? A moins qu’il ne s’agisse, plus simplement, de stratégie électorale. Laisser filer les dizaines de milliards de dollars, c’est se prémunir du risque d’avoir à endosser la responsabilité d’un possible effondrement ukrainien dans les prochains mois. Et si le chaos finit par se produire, c’est se présenter comme celui qui règlera le problème, après son élection, en mettant un terme au conflit. Manifestement, Emmanuel Macron n’est pas le seul, ces temps-ci, à recourir à l’« ambiguïté stratégique » !

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Zelensky compte sacrifier encore combien de ses compatriotes pour plaire aux USA? C’est vrai qu’il en tire des subsides conséquents lui et son entourage ; ou comme les américains qui bénéficient d’énormes avantages au dépend des européens.

  2. Pour se donner bonne conscience à la veille des élections Américaines l’administration Biden se désengage et les va en guerre européens sont devant le mur. dernière chance pour Zelensky ce conflit Fratricide trouvera son épilogue quand les Ukrainiens n’auront plus d’hommes pour faire fonctionner les armes . Ce faisant les milliards déversés par les américains auront un avantage pour donner la priorité à ceux ci pour la reconstruction du pays . Business oblige !!!

  3. Les USA n’envisagent pas les négociations et veulent poursuivre la guerre jusqu’au dernier ukrainien.
    L’argent va dans la poche des corrompus qui n’en ont rien à faire de l’avenir du pays, sans compter les inévitables rétro commissions.

  4. Fournir des armes à l’Ukraine, c’est l’aider à envoyer ses soldats au front pour s’y faire tuer en masse. Il est évident que cette guerre perdue est une boucherie pour les Ukrainiens, et il n’y a que nos « Généraux de plateaux de télé » pour raconter le contraire afin d’arrondir leur retraite.
    La seule façon d’aider l’Ukraine, c’est de l’épauler dans les négociations qu’il est TRES URGENT d »entreprendre.

  5.  » Pauvre Johnson qui, avant de trouver le chemin de l’illumination, aura dû affronter l’épreuve de la tentation au désert ! » Aura dû succomber à l’épreuve de la tentation au désert !

  6. De la folie pure laquelle si elle doit être payée le sera par les européens. Que veulent les politicards ? Faire semblant de gémir sur les ruines de Paris, Berlin, Bruxelles…?

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