Zemmour et Belattar : pavane pour une France défunte

Zemmour Belattar

Vendu à grand renfort d’affiches et de publicité, le débat entre Éric Zemmour et Yassine Belattar n’aura pas tenu ses promesses. Oh, bien sûr, chacun a endossé son costume : Zemmour (Berbère assimilé, juif, de droite, bourgeois, cultivé), celui d’épouvantail des banlieues ; Belattar (Berbère parvenu, musulman, macroniste, nouveau riche, outrancier et vulgaire), celui de repoussoir des beaux quartiers. Chacun a préparé ses punchlines à destination de son propre public : Zemmour sur l’Algérie qui "mangeait des nèfles" avant la colonisation et sur les "Français de branche", qui sont venus après les "Français de souche" ; Belattar sur le physique "arabe" de son contradicteur, sur les idées grand-remplacistes de l’extrême droite (et, partant, sur Zemmour inspirateur du massacre de Christchurch).

Comme deux catcheurs qui n’y croient plus, les stars de la télé ont mollement enchaîné leurs figures spectaculaires de prédilection (le "prénom bien de chez nous" pour Zemmour, la binationalité "afro-européenne" pour Belattar). Ambiance de fin de règne, clash poussif pour la galerie. Chacun est reparti dans sa loge avec le soutien de ses fans, sans que l’autre ait bougé d’un iota. Dialogue de sourds.

En réalité, le seul intérêt de ce débat est celui d’un constat : chacun des contradicteurs est le symbole d’une France qui ne veut plus de celle d’en face. Côté Zemmour, une frange identitaire de la population, menacée d’une extinction démographique rapide et qui ne voit pas pourquoi elle s’excuserait de vivre à sa manière dans son propre pays ; côté Belattar, la France des banlieues, pouvant être agressive, parfois haineuse des Blancs, souvent pleine de morgue et ayant la loi pour elle. Le débat de "L’Heure des pros" restera peut-être, dans les manuels d’Histoire à venir, comme un symbole de changement d’ère – ce que fut le débat Nixon-Kennedy pour la politique-spectacle, par exemple.

Si un débat télévisé de ce calibre vaut réflexion sur l’identité de notre peuple, il n’y a plus, alors, à l’évidence, d’identité française vivante : on est dans l’autopsie, dans l’exégèse – dans l’archéologie. Raidie par la mort, la République se donnait autrefois des reflets marmoréens. Les Champs qui brûlent et la sauvagerie des villes ne sont que les premiers signes de sa putréfaction. Symbolique et décevant, le débat Zemmour–Belattar était une pavane pour une France défunte. Mais j’espère avoir tort.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/03/2019 à 8:30.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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