12 avril 1975 : décès de Joséphine Baker, l’exemple d’une intégration réussie

Joséphine Baker, disparue en 1975, aura su servir la France avec passion, devenant ainsi un vrai modèle d’assimilation.
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Le 12 avril 1975, Joséphine Baker s’éteignait à Paris à l’âge de 68 ans, quelques jours après une ultime revue triomphale au théâtre Bobino. Cinquante ans plus tard, la France se souvient encore de cette artiste flamboyante, de cette combattante acharnée et de cette femme au destin hors du commun. Joséphine Baker n’a pas seulement conquis les scènes et les cœurs par son talent et par sa grâce : elle a aussi marqué l’Histoire par son patriotisme, son engagement dans la Résistance et son combat pour les droits civiques. La Vénus noire demeure également un grand modèle d’intégration. Née en Amérique, elle ne cessa jamais, après son arrivée en France et jusqu’à sa disparition, de clamer sa passion pour ce qui était devenu sa nation : « J’ai deux amours, disait-elle, mon pays et Paris ».

 

La France, ce pays d’adoption

Née en 1906 à Saint-Louis, dans le Missouri, Freda Josephine McDonald grandit dans une famille pauvre et une société américaine fortement marqué par la ségrégation raciale. Très jeune, pour gagner de quoi vivre, elle se découvre une passion pour la danse et le spectacle. En 1925, il y a tout juste un siècle, elle décide de quitter l’Amérique pour la France, où elle devient rapidement une icône incontournable des Années folles. Sa célèbre ceinture de bananes et ses danses sensuelles, présentées lors du spectacle La Revue nègre, fascinent alors le public parisien.

Cependant, derrière cette image exotique, Joséphine façonne peu à peu son indépendance artistique et financière, devenant l’une des premières femmes noires à accéder à une telle renommée internationale. Elle reconnaît elle-même que la France lui a accordé une chance que jamais l’Amérique ne lui aurait offerte : « Un jour, j'ai réalisé que j'habitais dans un pays où j'avais peur d'être noire, raconta-t-elle. C'était un pays réservé aux Blancs. Il n'y avait pas de place pour les Noirs. J'étouffais, aux États-Unis. Beaucoup d'entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris. » Elle ajoutera plus tard : « Ici, on me prend pour une personne et on ne me regarde pas comme une couleur. »

Résistante de l’ombre

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Joséphine Baker choisit sans hésiter de mettre sa notoriété au service de la France, son pays d’adoption. Pendant la drôle de guerre, elle offre ainsi sa voix de rossignol aux soldats français rassemblés près de la ligne Maginot, afin de leur remonter le moral. Lorsque les Allemands franchissent la frontière et que la France est vaincue, elle se retrouve interdite de scène en raison des lois raciales imposées par les nazis.

Loin de perdre espoir, Joséphine décide de rejoindre les services secrets de la France libre. Elle est alors intégrée au réseau de Jacques Abtey, chef du contre-espionnage militaire à Paris, à qui elle déclare : « C’est la France qui a fait ce que je suis, je suis prête, capitaine, à lui donner ma vie. Je lui garderai une reconnaissance éternelle. » Elle est alors envoyée en tournée en Afrique du Nord pour représenter la France Libre lors de maints concerts, mais aussi pour transmettre de nombreux documents et renseignements destinés aux Alliés, souvent dissimulés dans ses partitions à l’aide d’encre sympathique.

Le 23 mai 1944, Joséphine Baker est officiellement engagée comme sous-lieutenant dans les troupes féminines auxiliaires de l'armée de l'air française. Après la victoire, elle finit par être démobilisée le 8 septembre 1945 et reçoit, le 5 octobre 1946, la médaille de la Résistance française avec rosette. À cette occasion, le général de Gaulle lui adresse ces mots, le 14 octobre : « C’est en toute connaissance de cause et de tout cœur que je vous adresse mes sincères félicitations [..] J’ai vu et beaucoup apprécié les grands services que vous avez rendus dans les moments les plus difficiles. Je n’ai été, par la suite que plus touché de l’enthousiasme et de la générosité avec lesquels vous avez mis votre magnifique talent à la disposition de notre cause et de ceux qui la servaient. » Toutefois, il faudra attendre le 18 août 1961 pour qu’elle reçoive, enfin, la Légion d'honneur ainsi que la croix de guerre avec palme, remises par le général Valin.

Dernier spectacle

Après la guerre, Joséphine Baker reprend sa carrière, mais s’engage également dans la lutte contre le racisme. En 1963, elle accompagne Martin Luther King lors de la Marche sur Washington. Drapée de ses médailles militaires, elle proclame alors à tous son attachement indéfectible à la liberté et à l’égalité.

En 1975, Joséphine entame une tournée hommage à ses 50 ans de carrière. Le public est au rendez-vous, heureux de revoir cette icône, mais l’effort se révèle trop important pour la Vénus noire. Elle disparaît quelques jours après sa première représentation, le 12 avril 1975, des suites d’un accident vasculaire cérébral.

Le 30 novembre 2021, Joséphine Baker entre au Panthéon. Cet événement vient couronner son parcours exceptionnel, fait de courage, de talent et d’engagement, mais incarne aussi un véritable modèle d’intégration républicaine. Joséphine Baker, cette artiste devenue résistante, cette Américaine étrangère devenue Française, a su démontrer que ce ne sont ni les origines ni la couleur de peau qui définissent une destinée, mais bien les actes et les convictions. Par son parcours, elle sera ainsi devenue une héroïne, parmi tant d'autres, aux yeux de toute une nation. Et une réponse vivante au soi-disant racisme ontologique de la France d'avant.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

21 commentaires

  1. La France n’est pas un pays racistes, même si les médias font tout ce qui est en leur pouvoir pour que nous le devenions à force de wokisme indécent. C’est valable aussi pour les Anglais, avec ces soldats US en Angleterre pendant la guerre qui étaient étonnés par l’absence de racisme dans l’armée anglaise (forcément avec des soldats africains, indiens, arabes etc). Quant à la Belgique, quand on fait défiler les troupes africaines de la Force Publique à Bruxelles pour le défilé militaire, c’est tout dire.

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