« Quoi qu’on propose, les syndicats s’opposent »

Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, vient d'annoncer que 2.500 postes seront affectés au dédoublement des classes de CP dans les zones d'éducation les plus prioritaires.

Ce dispositif, s'il est correctement mis en œuvre, peut donner des résultats intéressants.

Pour Jean-Paul Mongin, délégué général de SOS Éducation, la grogne des syndicats enseignants témoigne surtout de leur opposition systématique à toute réforme.

Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a annoncé que 2.500 postes seraient affectés au dédoublement des classes de CP dans les quartiers les plus défavorisés. Que faut-il comprendre de cette réforme ?
Quel est son but, selon vous ? Est-ce que c'est une bonne chose ?

C'est une initiative qui a un historique. Luc Ferry en son temps, au début des années 2000, avait déjà essayé de mettre en place le dédoublement des classes de CP en se disant que c'était là finalement que tout se jouait. On sait qu'un élève qui n'a pas appris à lire dans le courant de son CP a 80 % de chance de se retrouver dans une situation de décrochage scolaire à un moment ou un autre de sa scolarité.
Il s'agit d'injecter des moyens très massifs. On parle d'un enseignant pour 12 élèves seulement dans les réseaux d'éducation prioritaires, les plus prioritaires, les fameuses REP +, afin de permettre aux élèves qui concentrent les difficultés culturelles et sociales de mieux apprendre à lire.

Est-ce que c'est quelque chose qui est faisable aujourd'hui dans l'état actuel de l'Éducation nationale ?

C'est faisable parce que cela concerne finalement un petit nombre d'écoles, et un petit nombre d'élèves.
Ensuite, toute la question va être de l'efficacité de ces mesures. Au niveau international, les pays avec le meilleur taux d'encadrement dans les plus petites classes sont plutôt plus performants sur l'apprentissage de la langue. Et l'actuel ministre Jean-Michel Blanquer est attaché à cette dimension. Mais est-ce que les enseignants que nous allons envoyer dans ces REP + en France vont être suffisamment bien formés ? Vont-ils bénéficier des bonnes méthodes ? Vont-ils ensuite être correctement évalués dans leur pratique pour que la mesure soit vraiment efficace ? C'est une question qui est très ouverte.
Dans l'expérimentation que j'évoquais tout à l'heure, celle de Luc Ferry au début des années 2000, on avait vu que dans certaines académies, je pense à Strasbourg notamment, la mesure donnait des résultats tout à fait indéniables alors qu'ailleurs,, finalement cela ne marchait pas et on consommait des moyens en pure perte.

Il y a plusieurs syndicats qui se sont élevés contre cette mesure et certains professeurs ont annoncé qu'ils allaient faire grève. Comment expliquer cette contestation au sein de l'Éducation nationale parmi les professeurs?

Cela illustre tristement toute l'impéritie de certains syndicats qui, quoi qu'on leur propose, ne trouvent qu'à s'opposer.
Les syndicats enseignants ne cessent de souligner les problématiques d'encadrement trop lourd dans les plus petites classes. Ils ne cessent de demander plus de moyens. Là, on décharge les enseignants au niveau de l'encadrement. On leur donne plus de moyens. On injecte ces moyens auprès des publics les plus défavorisés. Et ils trouvent encore à redire sur la méthodologie de la réforme. Ils se plaignent qu'elle ne soit pas suffisamment égalitaire parce qu'elle ne concerne pas d'autres classes, qu'elle va potentiellement rogner sur d'autres dispositifs comme le dispositif « plus de maîtres que de classes » en œuvre jusqu'à aujourd'hui.
Tout ceci est un petit peu consternant. Cela montre que, malheureusement, dans l'Éducation nationale, beaucoup d'organisations ne justifient la résistance que par une opposition systématique à toute réforme.
Cela est vrai quand bien même ce seraient des réformes qu'ils eussent eux-mêmes demandées quelques mois auparavant.

Jean-Paul Mongin
Jean-Paul Mongin
Délégué général de SOS Éducation

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