13 février 1820 : assassinat du duc de Berry, coup fatal porté aux Bourbons

duc de berry

Il y a 205 ans, le 13 février 1820, le duc de Berry, héritier présomptif du trône de France, était assassiné. Un attentat qui ébranla la toute jeune monarchie restaurée. Révélant les profondes fractures qui divisaient la société française, cet acte eut de nombreuses répercussions, à court et à long terme, sur le régime des Bourbons mais aussi sur le destin de la France.

Une Seconde Restauration à la succession fragile

Après l'abdication et l’exil définitifs de Napoléon, le 22 juin 1815, la monarchie des Bourbons est restaurée pour la seconde fois avec le retour définitif de Louis XVIII sur le trône après l’interlude des Cent-Jours. Toutefois, le pays reste profondément divisé politiquement, notamment en raison des querelles entre libéraux, partisans des idéaux révolutionnaires, bonapartistes et ultraroyalistes, qui souhaitent un retour total à l’Ancien Régime.

À cela s’ajoute également la fragilité de la dynastie des Bourbons, dont les héritiers au trône sont peu nombreux. En effet, Louis XVIII, malgré son mariage avec la princesse Marie-Joséphine de Savoie, n’a pas eu d'enfant. Son successeur se trouve être, alors, son dernier frère, Charles, mieux connu sous son titre de comte d’Artois. Ce dernier n’a alors que deux fils, le prince Louis-Antoine (1775-1844) et le duc de Berry, Charles-Ferdinand, né en 1778. Cependant, l’aîné, marié depuis 1799 avec la fille survivante de Louis XVI, Marie-Thérèse de France, n’a pas d'enfant. Ainsi, tous s’accordent à dire, que ce soient les partisans ou les ennemis de la monarchie, que le dernier espoir de la continuité dynastique des Bourbons repose alors sur la fécondité du mariage du duc de Berry. En effet, l’union de ce dernier avec la princesse Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, a déjà donné naissance à une première fille et tous espèrent que la venue d’un petit garçon puisse advenir.

L’assassinat du duc de Berry

Pour les adversaires des Bourbons, l’existence d’un nouvel héritier doit être évitée à tout prix si l’on veut faciliter le renversement du régime. En tout cas, c’est ce que pense un certain Louis-Pierre Louvel, un ouvrier, fidèle bonapartiste, qui espère encore dans le retour de l’Empereur ou de son héritier. Pour arriver à ses fins, il décide donc de préparer un attentat à l’encontre du duc de Berry. Ainsi, le soir du 13 février 1820, alors que le fils du futur Charles X sort de l’Opéra de la rue de Richelieu, à l'emplacement actuel du square Louvois, l’ouvrier bonapartiste se jette sur le prince avec son couteau aiguisé et le poignarde. Rapidement saisi, Louvel est arrêté. Cependant, tous les regards se portent sur le duc de Berry, qui ne succombe pas immédiatement à ses blessures pourtant mortelles. Durant toute la nuit, les médecins essaient de le sauver, mais en vain. Le mourant, conscient de sa situation, désire partir en homme honnête. Il confesse alors avoir eu deux filles d'une Anglaise, Amy Brown, rencontrée durant son exil en Grande-Bretagne. Il déclare, également, regretter d’avoir été assassiné par un autre Français, à qui il demande néanmoins la grâce. Désormais en ordre avec sa conscience, le duc de Berry finit par rendre son dernier soupir à l’aube du 14 février 1820.

Jugement …

Malgré la demande de clémence émise par la victime, le tribunal ne veut aucunement faire preuve de pitié envers Louis-Pierre Louvel, désigné comme l’auteur d’un « nouveau 21 janvier », selon les mots de l’historien François Furet. Témoin de cette affaire, Chateaubriand raconte, dans ses Mémoires d’outre-tombe : « Le meurtrier Louvel était un petit homme à figure sale et chafouine comme on en voit des milliers sur le pavé de Paris. Il tenait du roquet ; il avait l'air hargneux et solitaire. Il est probable que Louvel ne faisait partie d'aucune société ; il était d'une secte, non d'un complot, il appartenait à l'une de ces conjurations d'idées, dont les membres se peuvent quelquefois réunir, mais agissent le plus souvent un à un, d'après leur impulsion individuelle. Son cerveau nourrissait une seule pensée comme un cœur s'abreuve d'une seule passion. Son action était conséquente à ses principes : il avait voulu tuer la race entière d'un seul coup. Louvel a des admirateurs de même que Robespierre. »

L’assassin finit, ainsi, par être condamné à la guillotine, le 7 juin 1820, pour son crime de sang, dont les conséquences ne furent pas celles qu’il escomptait.

… et conséquences

En effet, malgré la mort du duc de Berry, la dynastie des Bourbons n’est, pour l'heure, pas éteinte. En effet, l'épouse du duc de Berry, la princesse Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, était enceinte. Elle donne naissance à un petit garçon, le 29 septembre 1820. Cet « enfant du miracle », prénommé Henri, titré duc de Bordeaux et comte de Chambord, devient alors le nouvel espoir de la continuité monarchique. Celui que son grand-père Charles X, à son abdication en 1830, désignera comme roi de France sous le nom d'Henri V, portera ce fardeau jusqu’en 1883, avec sa disparition sans postérité, qui lancera alors la querelle encore inachevée entre légitimistes, partisans des Bourbons d'Espagne, descendants directs de Louis XIV et orléanistes, descendants du frère cadet du Roi-Soleil .

D’un point de vue politique, l'acte de Louvel est loin de répondre à ses espoirs bonapartistes. L’assassinat du fils du futur Charles X renforça la position de ce dernier et celle de ses partisans ultraroyalistes, qui accusèrent le président du Conseil des ministres de Louis XVIII, le libéral Élie Decazes, d’être responsable de cette situation. Chateaubriand dira de lui que « les pieds lui ont glissé dans le sang ». Ces critiques feront tomber le gouvernement Decazes, un événement annonçant la fin de la politique libérale des Bourbons contre la montée des idées ultraroyalistes, qui finiront, en raison de leur autoritarisme, par provoquer la chute de Charles X, en 1830, avec la révolution de Juillet.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

9 commentaires

  1. Louvel a gagné, in fine. Car cet héritier nommé Dieudonné en raison du caractère quasi miraculeux de sa naissance, sera élevé dans des principes très rigides de revanche par sa tante d’Artois, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette. L’ancienne prisonnière du Temple ne pardonna jamais l’assassinat de ses parents et de son frère. Si bien qu’après la guerre de 1870 quand il fut question de rétablir la royauté le Comte de Chambotd se révéla un radical obtus qui voulait remplacer le drapeau tricolore par le drapeau blanc. Il fit ainsi capoter le rétablissement de la Royauté empêchant les héritiers du roi Louis-Philippe plus libéraux d’établir une Royauté Parlementaire du type de la Royauté britannique. Le Comte de Chambord n’avait pas d’enfants. Louvel a finalement obtenu ce qu’il voulait, il y a eu un retour des Bonaparte en 1848 et la Royauté s’est éteinte.

    • Si le comte de Chambord a refusé le trône ce n’est certes pas pour une histoire de drapeau, ceci n’était qu’un prétexte, il ne voulait pas être un roi d’opérette tel le roi d’Angleterre, un roi sans pouvoir à la merci d’une assemblée qui aurait tôt fait de redevenir républicaine et anticléricale. Peut-être savait-il aussi qu’il n’était pas légitime sur le trône et qu’un descendant direct de Louis XVI existait quelque part, cette possible existence subsiste toujours aujourd’hui. Donc si Dieu le veut…

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