14 Juillet : que fêtons-nous ?

Il semblerait que nous ne fêtions pas en réalité la prise de la Bastille
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Le 14 juillet est un jour de fête pour tout Français aimant son pays, mais savons-nous réellement ce que nous célébrons ? Institué en 1880, la Troisième République fit du 14 juillet un jour de fête nationale sans préciser quel fut l'événement commémoré : la prise de la Bastille en 1789 ou la Fête de la Fédération en 1790. La réponse à cette question demeure au sein des débats passionnés ayant eu lieu au sein du Sénat il y a plus d’un siècle.

Lorsque Benjamin Raspail déposa un texte de loi afin de faire du 14 juillet la fête nationale, il joua sur les doubles événements ayant eu lieu en 1789 et 1790. La prise de la Bastille fut sujet de division au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat, car considérée par de nombreux parlementaires comme une journée trop sanglante ou, au contraire, exemplaire pour les adeptes de la Révolution. Rappelons aussi que pour les Français de la fin du XIXe siècle, la République était symbole d’instabilité politique, avec l’éphémère Deuxième République, et de violence, avec la Terreur effectuée sous la Révolution française.

Ainsi, lors des débats au Sénat, la droite majoritairement monarchique s’opposa au choix du 14 juillet 1789. Leur porte-parole, M. Fresneau, justifia cette décision par la faute qui fut faite, ce jour-là, contre « l’État monarchique […] nos rois [qui ont tant] fait pour élever graduellement toutes les couches sociales ». « Si nous n’avions pas eu en France l’Église, qui prend le plus humble enfant du peuple, et en fait un prince […] si nous n’avions pas eu nos rois [nous ne siégerions] pas sans doute dans cette enceinte. » Rappelant les massacres ayant eu lieu lors de la prise de la Bastille et les échos possibles dans la société, il conclut ainsi : « Il est moralement impossible que vous mêliez violences et fêtes. Une fête nationale, c’est un appel à la justice et à la modération. »

Le rapporteur, M. Henri Martin, défendit néanmoins le symbole du 14 juillet 1789 : « Il y a eu du sang versé, quelques actes déplorables ; mais, hélas ! dans tous les grands événements de l’Histoire, les progrès ont été jusqu’ici achetés par bien des douleurs, par bien du sang. » Afin d'arriver à consensus entre les divers partis de gauche et de droite, il rappela à tous les événements de la Fête de la Fédération : « N’oubliez pas qu’après la journée du 14 juillet 1789, il y a eu la journée du 14 juillet 1790 […] Cette journée-là, vous ne lui reprocherez pas d’avoir versé une goutte de sang, d’avoir jeté la division à un degré quelconque dans le pays, Elle a été la consécration de l’unité de la France. Oui, elle a consacré ce que l’ancienne royauté avait préparé. L’ancienne royauté avait fait pour ainsi dire le corps de la France, et nous ne l’avons pas oublié ; la Révolution, ce jour-là, le 14 juillet 1790, a fait, je ne veux pas dire l’âme de la France – personne que Dieu n’a fait l’âme de la France –, mais la Révolution a donné à la France conscience d’elle-même ; elle a révélé à elle-même l’âme de la France. »

Le rapport du Sénat fit lui-même référence aussi à la Fête de la Fédération : « Rappelons que le 14 juillet 1789, ce 14 juillet qui vit prendre la Bastille, fut suivi d’un autre 14 juillet, celui de 1790, qui consacra le premier par l’adhésion de la France entière, d’après l’initiative de Bordeaux et de la Bretagne. Cette seconde journée du 14 juillet, qui n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme, cette journée de la Grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. Le 14 juillet 1790 est le plus beau jour de l’Histoire de France, et peut-être de toute l’Histoire. C’est en ce jour qu’a été enfin accomplie l’unité nationale, préparée par les efforts de tant de générations et de tant de grands hommes, auxquels la postérité garde un souvenir reconnaissant. Fédération, ce jour-là, a signifié unité volontaire. »

Ainsi, il semblerait que nous ne fêtions pas, en réalité, la prise de la Bastille, symbole important de la Révolution française, mais bien la Fête de la Fédération, ce moment d’unité entre l’ancien monde et le nouveau. Un événement qui fit consensus dans la classe politique de la fin du XIXe siècle et dont l’effacement progressif au profit de la journée révolutionnaire de 1789 peut poser question. On peut notamment interroger le choix du gouvernement de promouvoir beaucoup plus le jour de la prise de la Bastille sur son site Internet que la célébration patriotique ayant eu lieu un an après. En effet, la célébration de la journée du 14 juillet 1790 pourrait faire sens, au vu des troubles récents ayant frappé la France : le choix de l’unité et de la nation contre celui de la Révolution et du sang.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

28 commentaires

  1. C’est avant tout la fête de la concorde mais avec les derniers événements je vois un fracture profonde de notre pays tant des élites et des citoyens qui ont la haine de nos institutions c’est une minorité agissante et partisane dont l’autorité publique n’a pas compris la dangerosité

  2. Fêter le 14 juillet 1789 c’est rendre hommage aux ancêtres de Melenchon et de sa clique de dégénérés. Ils rêvent de refaire les mêmes massacres que les rouges de 1789….jamais de la vie. Je préférerais fêter Charles Martel à Poitiers

  3. Le principal est que les français fêtent l’unité du Pays, la France…
    Le problème est que actuellement nous vivons en Macronie, cette dictature qui a tout détruit

  4. Dans ces affaires de révolutions, le peuple, éternellement naïf, tient toujours le rôle du cocu final. C’est en son nom que des politiciens lancent le mouvement et, une fois lancé, le récupèrent pour s’en attribuer les bénéfices, quitte à se retourner contre lui et à l’écraser. Tous ceux qui n’ont à la bouche que le mot peuple et ses dérivés sont ceux dont il faut le plus se méfier car ce sont des arrivistes, et potentiellement des criminels. D’une certaine façon, c’est le fonds de commerce de la gauche, hein JLM et SR !

  5. Pour moi le 14 juillet ressemble à une fête qui « salue » des émeutes sanglantes un peu comme celles de juin 2023, qui ont fait monter nombre de petits nobles simplement propriétaires d’un petit château et de terres, patrons souvent aimés de leurs salariés, dont nombre d’ailleurs ont été tués parce qu’ils voulaient défendre leurs « patrons ».

    C’est en tous cas ce qui c’est passé au Château de Rambouillet, selon un guide qui nous avait donné l’histoire de ce château et dans tant d’autres domaines qui ont, ensuite, été « réquisitionnés » et souvent esquintés, d’ailleurs par ces charmants révolutionnaires!
    Cette fête me fait penser à mon arrière, arrière… arrière grand père, tué par ces charognards. (pas à à Rambouillet)

  6. Quand j’étais gosse, on nous parlait de la prise de la Bastille. Demain, avec les vents qui changent, nos gosses apprendront plutôt la brise de la pastille. Peut-être moins sanglant, mais tellement plus nauséabond !

  7. On peut s’interroger sur ce qui a véritablement fondé la révolution française. Est-ce le peuple qui s’est libéré du joug de la royauté laquelle avait constitué la France ou le peuple a t-il été instrumentalisé par une bourgeoisie éclairée qui
    rêvait de défaire la Monarchie et de prendre le pouvoir? Cette révolution n’aurait alors été qu’en trompe l’oeil, la bourgeoisie s’installant au pouvoir et verouillant l’émancipation du peuple. On mesure aujourd’hui que cette révolution nous a en fait donné l’illusion d’une liberté que nous n’avons pas encore su réaliser, l’accès du peuple au pouvoir étant verrouillé par une oligarchie.

    • Les historiens ne sont pas tous d’accord sur les bénéficiaires de 1789. Par contre, il est une vérité historique : les massacres de septembre 1792 sont uniquement le fait des sans culotte, soit les racailles parisiennes, qui ont poursuivi leurs horreurs par la Terreur. Et leurs descendants, mus par le même instinct de mort et de terrorisme, tentent de nos jours de retourner à cette période bénie (pour eux) par attentats et incendies. Ils ne sont pas encore revenus au même niveau d’abjection, mais attendez que sortent les machettes et les kalachnikovs…

  8. Si je comprend bien la fête nationale du 14 juillet est plus politique qu’une fête « dite nationale » .
    Aujourd’hui nous fêtons le 14 juillet 1789 pour des raisons politiques, mais qui à longueurs d’année serait plutôt 1790 !

  9. Fête ou pas on supprime les feux d’artifice pour ne pas stigmatiser, il faut appeler un chat un chat, la population hostile à la France, en majorité musulmane. Par contre fêter l’Aïd ne pose aucun problème. Merci à la lachété de nos politiques, Macron en tête .

    • Désolé mais les français l’ont cherché. Il n’y a pas que la lâcheté des politiques, celle de la majorité des français également.

  10. Par une circulaire aux maires du Doubs du 24 juin 1880 le préfet leur demandait de prévoir un budget pour financer les manifestations de la premiére célébration de la fête de la France et de la République. Dans cette circulaire point de prise de la Bastille ou autres raisons.

  11. PROCES VERBAL
    De la Fête patriotique célébrée à Nancray le 4 août 1791 par les Citoyens du Canton en mémoire de la liberté rendue à la terre le 4 août 1789.
    Aujourd’hui le 20 juillet 1790 les Maires, Officiers Municipaux et Notables de la commune de Nancray, assemblés en conseil général, le Procureur de la Commune a dit :

    Citoyens! un grand jour approche, c’est le 4. août. Ce jour , tous les droits féodaux ont été abolis , la liberté a été restituée à la terre.
    Le bruit de la reconnaissance se fait entendre de toute part ; le vœu est bien prononcé de solennisé ce jour, à jamais mémorable, et qui, par un heureux hasard, concourt avec la Fête du Patron des Cultivateurs, la St. Isidore.

  12. La journée du 14 juillet 1789 à Paris, fut une journée de pillages et de massacres …À Versailles, comme d’habitude on tergiverse. Le roi est parti tôt à la chasse et le Cabinet n’ose prendre de décisions comme envoyer la troupe pour tirer sur la populace pour la disperser. Depuis plusieurs mois, le prix de la farine a fortement augmenté à cause des intempéries qui détruisent les récoltes. l’idée de la menace d’une famine se répand. Les prises de conscience dans la paysannerie, la bourgeoisie concernant l’incapacité des ministres à maitriser la situation économique s’est considérablement développer dans tout le royaume : on cherche des coupables; la reine, « l’Autrichienne » devient la bête noire d’un régime à bout de souffle, une monarchie archaïque enfermée dans les dorures d’un palais où les intrigues vont bon train, les luttes d’influence, « les complots contre le Peuple » …Bref, la Révolution va emporter une des plus anciennes et prestigieuses monarchie que le monde ait connu .

  13. Le 14 JUILLET, est la date anniversaire du soulèvement du peuple Français en 1789 contre la tyrannie de la Monarchie absolue, Annuler cette FÊTE signifierait que ce piètre gouvernement capitule devant des fanatiques prêts à commettre le pire et s’ils ne rencontrent aucune résistance, ils vont nous remplacer. Ce grand jour serait l’occasion de permettre à nos Militaires d’intervenir si nécessaire et d’en épingler quelques uns juste pour qu’ils comprennent où se trouve le POUVOIR.

    • « Le 14 JUILLET, est la date anniversaire du soulèvement du peuple Français en 1789 contre la tyrannie de la Monarchie absolue, » Ca, c’est la version officielle, dispensée dans toutes les écoles depuis 1 siècle. Voici la version historique : Le matin, une bande d’insurgés sans meneur attaque les Invalides et s’empare de 32 000 fusils et de 27 canons. Mais la poudre et les balles avaient été mise en lieu sûr à la Bastille, réputée imprenable, et la bande décide de les récupérer.
      Ils ne pensent même pas aux détenus, quatre faussaires, deux fous à lier et un noble incestueux. Les défenseurs comprennent 82 vétérans et invalides, plus 32 gardes suisses récemment positionnés. Pacifique et conscient du rapport de forces, le gouverneur Launay abaisse le pont levis et remet les clés aux assaillants.
      En récompense, il comprendra trop tard que la bête n’a de goût que pour le sang. Les prisonniers seront certes libérés par raccroc, mais surtout le gouverneur et les défenseurs seront lynchés et massacrés par la foule en délire. Leurs têtes seront promenées dans les rues au bout d’une pique. Une centaine d’assaillants seront tués involontairement dans les bousculades de l’émeute.
      Voici l’acte de naissance de la République. De quoi vomir.

    • Enfin ! Une sacrée Vérité , une Vérité sacrée rappelée ici et qui en finit avec tout le narratif sanglant et secondaire de l’ épisode de la prise de la Bastille ( seul retenu dans les livres d’ Histoire comme le symbole d’ une Révolution anti monarchique ce qu’il n’ était pas du tout le cas .). Le peuple Français n’ avait aucune intention de s’ attaquer à son monarque Louis XVI . Et ce grand Roi avait tout pouvoir alors de mater les commandos malveillants , ces mercenaires proxys d’ une mission ( déjà !) sous faux drapeau .
      Quant à l ‘ audace d’ orner le drapeau européen des douze étoiles qui symbolisent le 15 Août , journée emblématique de La vraie Patronne de la France , c ‘ est à la fois flatteur et dégradant . Appropriation volontaire . Détournement du Sacré : non recevable !

  14. Oui pour les Français aimant la France mais malheureusement ceux qui n’aiment pas la France vont devenir majoritaire puisque nos gouvernants laissent rentrer ces indésirables .

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