16 octobre 1793, exécution de Marie-Antoinette : le féminicide de la Révolution

Anonyme, photographe, CC0, via Wikimedia Commons
Anonyme, photographe, CC0, via Wikimedia Commons

Ce 16 octobre, nous commémorons la mort de la reine Marie-Antoinette, exécutée à Paris en 1793. Victime de la Révolution, elle a affronté, aux côtés de son époux Louis XVI, la haine implacable des sans-culottes. Quelques mois après l'exécution de son mari, le 21 janvier 1793, Marie-Antoinette est à son tour traduite devant le Tribunal révolutionnaire. Là, elle doit affronter le jugement de ceux qui l'accusent non seulement en tant que souveraine, mais aussi en tant que mère et femme.

Un simulacre de procès

Captive à la prison du Temple, puis à la Conciergerie après la chute des Tuileries le 10 août 1792, Marie-Antoinette est présentée devant le Tribunal révolutionnaire le 14 octobre 1793. Ce dernier est alors dominé par le redoutable accusateur public Fouquier-Tinville, qui accuse « l'Autrichienne » d'avoir conspiré contre la France en informant les puissances étrangères, d'avoir corrompu le roi et d'avoir affamé le peuple. Mais cette parodie de justice n'est qu'un prétexte pour éliminer l'un des derniers symboles de la monarchie française. En effet, le verdict est déjà décidé et il ne reste qu'à mener un simulacre de procès en chargeant la future condamnée d’accusations parfois grossières et mensongères. Ainsi, on propage la rumeur que le jeune Louis XVII, fils de Marie-Antoinette, retiré à sa famille et élevé par le brutal citoyen Simon, aurait dénoncé des actes incestueux de sa mère et de sa tante, Madame Élisabeth, envers lui. Face à cette accusation abominable contre sa nature de femme et de mère, Marie-Antoinette, restée jusque-là silencieuse, se lève pour protester avec force : « Si je n’ai pas répondu, c’est que la nature elle-même refuse de répondre à une telle accusation faite à une mère ! J’en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ! » L'assemblée, notamment les femmes, jusque-là hostile, est bouleversée. Elles changent d'attitude, prenant pitié de cette mère, brisée par la séparation de ses enfants, à qui l'on inflige en plus l'horreur de l'accusation d'inceste. Saisi par cette réaction inattendue de l’assemblée, le tribunal suspend la séance. Beaucoup croient alors que l'on finira par exiler Marie-Antoinette, mais en réalité, son sort est scellé depuis longtemps.

Une dernière lettre

Marie-Antoinette est pleinement consciente de son destin et ne se fait guère d'illusions : à quel titre les bourreaux de son mari lui témoigneraient-ils davantage de respect, elle qui a toujours été perçue comme une étrangère ? Ainsi, le matin du 16 octobre, le jury rend son verdict : Marie-Antoinette d'Autriche, veuve de Louis Capet, est condamnée à mort pour haute trahison. Après l'annonce de la sentence, on lui laisse le temps d'écrire une dernière lettre à sa belle-sœur, Madame Élisabeth, et à ses enfants. Mais cet ultime adieu, confisqué par Robespierre, ne leur parviendra jamais. Marie-Antoinette y exprime son déchirement : « C'est à vous, ma sœur, que j'écris pour la dernière fois ; je viens d'être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l'est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère. Comme lui innocente, j'espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments. Je suis calme comme on l'est quand la conscience ne reproche rien. J'ai un profond regret d'abandonner mes pauvres enfants ; vous savez que je n'existais que pour eux […]. J'espère qu'un jour, lorsqu'ils seront plus grands, ils pourront se réunir avec vous, et jouir en entier de vos tendres soins. […] Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants ; mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours. Adieu, adieu ! » Après avoir rédigé ces adieux poignants, elle se prépare pour son dernier voyage vers la guillotine.

Digne face à la mort

Le bourreau de la Révolution, Charles-Henri Sanson, attache les mains de Marie-Antoinette dans son dos, lui retire sa coiffure et coupe ses cheveux autrefois magnifiques. Vêtue d'une simple chemise, elle monte dans une charrette à bestiaux, un cortège funèbre bien plus modeste que celui de Louis XVI qui, huit mois plus tôt, avait été conduit en carrosse dans un silence respectueux. Aujourd'hui, ce sont des cris de haine qui accompagnent la reine déchue, sous la garde de 30.000 soldats, en direction de la place de la Révolution. Vers midi, elle arrive devant l’échafaud. En en gravissant les escaliers, elle marche sur le pied de Sanson. Et s'en excuse alors dignement : « Monsieur, je vous demande pardon, je ne l'ai pas fait exprès ». Quelques instants plus tard, sans résister, Marie-Antoinette est guillotinée. Son corps est ensuite inhumé dans une fosse commune au cimetière de la Madeleine, aux côtés de Louis XVI.

Il faudra attendre la Restauration, en 1815, pour que Louis XVIII rende hommage à son frère et à Marie-Antoinette. Leurs restes sont alors retrouvés et transportés à la nécropole des rois de France : la basilique Saint-Denis. Une chapelle expiatoire est ensuite érigée sur le site de la fosse commune, ornée de sculptures représentant le couple royal, pour que la France honore à jamais ses souverains martyrs, et notamment Marie-Antoinette. Jusqu'à la fin, elle aura su conserver sa dignité et sa grandeur, malgré une destinée frappée par la fureur révolutionnaire. Ce régicide, teinté de féminicide, ensanglante à jamais la Révolution française, que certains continuent pourtant à glorifier. Une ironie cruelle, soulignée lors de l'ouverture des Jeux olympiques, où l'on osa encore ridiculiser cette pauvre reine.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Quels ne sont pas les crimes dont les révolutionnaires ont accusé le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette. Depuis, rien n’a changé. Ceux qui détiennent l’information manipulent les foules et ces dernières se laissent berner. A défaut de médias honnêtes le peuple se devrait d’être instruit pour exercer son sens critique. Nous n’avons ni l’un ni l’autre et encore veut on nous interdire d’écouter ou de lire ceux qui distillent encore la vérité. Merci à Boulevard-Voltaire de résister, vous êtes un bastion indispensable à l’éveil de la population.

  2. C’est un féminicide à 2 titres : d’abord parce que c’est l’assassinat d’une femme, ensuite parce que c’est l’abolition du rôle des femmes dans la politique, après la Pompadour et Marie-Antoinette (elle mettront plus d’un siècle à y revenir). On croirait même que la révolution n’a eu lieu que pour « virer » les femmes du pouvoir !!???!!

  3. Les français de l’époque ont été capables de ce flot de haine, il est nécessaire de s’en souvenir, vu l’époque actuelle. L’échafaud n’est plus en place publique, mais à chaque coin de rue ou du Bois de Boulogne ! Et la peine de mort existe toujours pour d’innocentes victimes, comme Lola, Lina, Philippine, Maurane et tant d’autres.

  4. Aujourd’hui il est de bon ton de réviser l’histoire pour qu’elle corresponde à une vision inclusive contemporaien de certains idéologues en faisant fi du contexte des époques concernées.
    Je serais partisan d’avoir une réflexion quant aux conséquences de tel ou tel fait historique ,mais refaire l’histoire pour la faire correspondre à une idéologie que l’on voudrait se voir réaliser aujourd’hui , tient plus de la manipulation . Comme dans le série tv sur le » roman français » qui voudrait que Clotilde , la femme de Clovis soit une syrienne alors qu’elle était burgonde , pour dire ensuite « vous voyez bien que nous n’avons rien inventé avec le mondialisme »? La France aurait été créée avec à sa tête un barbare de l’est et une femme du moyen orient ,tout cela sous l’égide de la religions catholique ! Laissez moi rire !
    Après réflexion , la décapitation de Marie Antoinette qui était mère de deux enfants à l’époque a été une cruauté que les protagonistes de la révolution auraient du éviter , tout comme celle du suzerain Louis XVI, qui, ironie de l’histoire avait pourtant été bien plus soucieux de son peuple que ceux des Louis qui l’avaient précédé.
    Je comprend pourquoi Mélenchon s’identifie à ces révolutionnaires, tels Robespierre ou Danton , ils étaient des bourgeois ambitieux , et bornés comme lui !

  5. Si à l’extrême limite, on pouvait trouver -non pas des justifications mais- quelques vagues raisons à la mort du Roi, il n’y en avait AUCUNE concernant Marie Antoinette de Lorraine d’Autriche. Cela a été un assassinat, un point c’est tout !

  6. C’est triste, mais par ailleurs si elle avait consacré plus de temps à soulager les miséreux plutôt qu’à l’organisation de 2 bals par mois à la Cour, de nouveaux modèles de robes avec Rose Bertin, le petit peuple l’aurait certainement épargnée…

  7. Il y a encore plus écœurant que l’assassinat des deux monarques, la mort lente infligée au dauphin, parce qu’à son âge, il était quand même difficile de le guillotiner ! Alors ils l’ont laissé pourrir aux mains d’un couple de sadiques, jusqu’à la mort par mauvais traitements…

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