19 écoles d’ingénieurs n’auront plus d’épreuve de français au concours d’entrée
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Le concours « Puissance Alpha », organisé sur Parcoursup, ouvre la possibilité d’accéder à dix-neuf écoles d’ingénieurs après le bac. On sait qu’en France, où le succès scientifique est structurellement mieux vu que les aptitudes littéraires, les concours pour devenir ingénieurs sont particulièrement relevés et comportent, en général, un large éventail d’épreuves, mélange de sciences « dures » et de culture générale. Mais cette année, il y a une surprise : l’épreuve de français sera supprimée du concours. La raison en est donnée sans ambages par les organisateurs du concours eux-mêmes : « Cette épreuve s’avère anxiogène pour les candidats qui ne se sentent pas toujours prêts à être évalués sur leurs acquis en français. Le résultat de l’épreuve, qu’il soit positif ou négatif, ne fait pas de différence majeure dans l’évaluation globale du profil. » Au moins, c’est clair.
On pourrait crier à la déculturation. On serait, cependant, encore un cran en dessous de la réalité, car l’épreuve de français qui vient d’être supprimée n’était pas une dissertation d’agrégatifs. Il s’agissait seulement d’un... questionnaire à choix multiples de « connaissances verbales et linguistiques », d’une durée de quarante-cinq minutes, destiné à vérifier les capacités des candidats en compréhension de textes, grammaire et orthographe. On se doute qu’en trois quarts d’heure, on n’a pas le temps de faire la preuve de son brio littéraire, et que ce QCM avait donc seulement pour but de vérifier que les futurs ingénieurs maîtrisaient les bases du français. Apparemment, c’était déjà trop.
Vers plus de crétinisme généralisé
Difficile de savoir si l’on va vers plus de spécialisation (des philosophes qui ne maîtrisent pas les divisions euclidiennes et des ingénieurs qui écrivent comme des pieds) ou, tout simplement et plus prosaïquement, vers plus de crétinisme généralisé. Cette suppression révèle à la fois l’hypersensibilité des élèves, qui « ne se sentent pas toujours prêts », et la démission des professeurs, qui retirent tout simplement du programme la maîtrise, par les candidats, de leur langue maternelle.
Si l’on prend un peu de recul historique, tout cela va à l’encontre de quatre ou cinq millénaires d’esprit occidental. Sur notre continent, dans notre aire civilisationnelle, un vrai érudit est un homme complet, en littérature comme en sciences. Blaise Pascal en est un exemple éclatant. Il disait d’ailleurs qu’« il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une seule chose ». Le principe était d’ailleurs le même dans la relation entre corps et esprit (« mens sana in corpore sano », selon la célèbre formule de Juvénal) : Pythagore fut champion olympique de boxe avant de se consacrer à la musique et aux mathématiques, entre mille autres choses. On pourrait même étendre la nécessité d’être complet à la forte récurrence d’écrivains géniaux qui, jadis, exercèrent d’importantes responsabilités politiques ou militaires : César, Cicéron, Monluc, La Rochefoucauld… jusqu’à Jünger. L’hyperspécialisation des êtres humains, qui par principe sont des êtres pensants aux multiples facettes, va bien au-delà de la chute du niveau scolaire. Ce n’est tout simplement pas une bonne nouvelle pour l’humanité. « La république n’a pas besoin de savants », disait le président Coffinhal à Lavoisier, en 1793. « Trop de science corromprait ma jeunesse », renchérissait Adolf Hitler. Un régime qui se méfie de la culture et de l’intelligence ne tire jamais la nature humaine vers le haut.
La maîtrise du français n’est pas une variable d’ajustement. Elle est un moyen de ne pas s’adresser à autrui avec une machette ou un marteau. Elle a sorti du ruisseau des génies qui seraient demeurés en bas de l’échelle sociale. Mais la République française n’a peut-être pas besoin de génies...
58 commentaires
On pourrait aussi supprimer la technologie, l’informatique, etc. … juste au cas où ces chérubins ne seraient pas à la hauteur. Et pourquoi ne pas leur donner un diplôme sans leur demander de venir en cours, cela permettrait de faire des économies substantielles ?
Ils s’exprimeront avec des émoticônes. Ce sera un grand progrès. Nos ancêtres s’exprimaient bien avec des dessins dans les grottes, ce qui nous a permis de découvrir la richesse de la pensée!
C’est pas grave ils partent tous après comme (Macron en son temps) aux E-U
Pas d’épreuve anxiogène ? Pourtant la vie est faite aussi de ce type d’épreuves : comment vont-ils les supprimer ? Quelle décadence !
Comme il est loin le temps où les forts en maths étaient aussi les forts en Français , en philo .J’en ai connu de brillantissimes méritant largement leur mention très bien au bac , je n’imagine pas un instant qu’ils soient responsables , de part des décisions prises au cours d’ une carrière professionnelle , de la débandade actuelle .
Bel article vigoureux ! Il faudra remplacer les organisateurs de ce concours, inaptes à leur fonction qui consiste à détecter les ingénieurs de demain. Car : 1/ Tous les concours sont anxiogènes – 2/ les ‘candidats ne se sentent pas toujours prêts à être évalués sur leurs acquis en français’ ? Comment peuvent-ils être alors de bons ingénieurs utiles s’ils ne savent pas exposer les résultats de leur recherche ? Et communiquer avec leurs collègues ? 3/ Quant à la phrase ‘ Le résultat de l’épreuve, qu’il soit positif ou négatif, ne fait pas de différence majeure dans l’évaluation globale du profil ‘ elle est évidement sidérante de stupidité. Espérons que parmi ces ‘ ingénieurs ‘ certains se hisseront au niveau de Blaise Pascal. Ce dernier avait parfaitement distingué ‘ l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse ‘ (Pascal brillait dans les deux). Mais l »esprit de finesse ‘ suppose une maîtrise du vocabulaire, de la sémantique, de la grammaire, de la syntaxe, de la logique dialectique, de la rhétorique…Certes ces carences intellectuelles, il faut le reconnaître, affectent aussi les économistes, les politiques, les juges et les politiciens …Car on a supprimé, depuis longtemps, l’enseignement des »outils de la pensée ‘ (Aristote, Thomas d’Aquin, Descartes, Spinoza, Stuart Mill etc. Et les maths ne sont pas suffisantes pour penser.
Le nivellement par la base dans toute sa slpendeur §
On peut craindre le pire pour le futur de nos industries lorsque ces pré analphabètes seront aux commandes , incapacité à raisonner et à s’exprimer clairement par oral et pas écrit , le dialogue de sourds va encore progresser et nous régresserons encore et encore .Ca fait peur .
Tout examen est anxiogène, et permet de tester la force de caractère en même temps que les connaissances et l’intelligence. La dégringolade continue.
Qui parle de « grand recrutement » ? ! … Et en même temps, regardez les « cadors » qui sont arrivés dans les ors de la république ! …
Les JO sont finis et la décadence va s’accélérer …
Je donnais, sous le mandat d’une association, des cours de maths, physique, chimie à des élèves de la 3° à la terminale qui avaient eu un accident et ne pouvaient pas aller à l’école pendant quelques semaines ou quelques mois. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai constaté que je passais plus de la moitié de mon temps à faire du français!… Car les chérubins ne comprenaient pas l’énoncé des problèmes… et n’étaient donc pas près de les résoudre.
Je pense à ce que me disait mon mari quand il est entré dans une école d’ingénieur au début des années 70 … nous étions tous très bons en maths après deux années de prépa scientifique ( c’était d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions été admis à faire une prépa scientifique) … aux concours d’entrée dans les grandes écoles, nous étions sélectionnés sur le français et sur les langues. 20 ou 30 ans plus tard, il était parfois effaré quand il lisait les rapports de certains jeunes ingénieurs.
Il y a plusieurs années , un fonctionnaire m’avait fait lire le rapport d’un ingénieur , il était rempli de fautes de français .
Lorsque je travaillais dans une grande entreprise d’informatique, à la suite d’un dénigrement général d’une exposition de sculptures dites modernes (en fait un assemblage hétéroclite de déchets, comme des bouts de ferraille, des canettes de coca plus ou moins écrasées, des roues de vélo, des peignes, , etc.), présentées comme des « œuvres » que chacun s’était amusé à modifier en y ajoutant son propre déchet : papiers froissés, emballages, mégots, paquet de cigarettes…), nous avons eu droit au coup de gueule d’un manager sur ces dégradations ! Ce fut un texte d’une dizaine de lignes traitant du respect pour l’auteur de ces « œuvres ». Ce magnifique texte avait sur chaque ligne 3 ou 4 fautes d’orthographe, de grammaire ou de français ! Inutile de dire l’impact négatif de ce coup de gueule qui a fait rire toute l’entreprise. Le texte non-corrigé avait même été rajouté à une « œuvre » tel un autre déchet…
Bientôt, on va traverser les ponts en tremblant et ne pas claquer la porte de sa maison de peur qu’elle ne s’écroule.
Et ingénieur chimiste ! On n’osera plus prendre des médicaments ! ni acheter des voitures à batteries électriques !
Déjà que l’on a des ingénieurs à Grenoble pas très performants.
Il serait intéressant de savoir si l’épreuve de français.
Et toujours d’actualité au concours de recrutement dans société comme air France.
Un de mes collègues pilote avait été éliminé a cause de la rédaction en français
Vont-ils rajouter une épreuve d’arabe à la place ?
Pas faux !