19 écoles d’ingénieurs n’auront plus d’épreuve de français au concours d’entrée

@Element5 Digital/Unsplash
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Le concours « Puissance Alpha », organisé sur Parcoursup, ouvre la possibilité d’accéder à dix-neuf écoles d’ingénieurs après le bac. On sait qu’en France, où le succès scientifique est structurellement mieux vu que les aptitudes littéraires, les concours pour devenir ingénieurs sont particulièrement relevés et comportent, en général, un large éventail d’épreuves, mélange de sciences « dures » et de culture générale. Mais cette année, il y a une surprise : l’épreuve de français sera supprimée du concours. La raison en est donnée sans ambages par les organisateurs du concours eux-mêmes : « Cette épreuve s’avère anxiogène pour les candidats qui ne se sentent pas toujours prêts à être évalués sur leurs acquis en français. Le résultat de l’épreuve, qu’il soit positif ou négatif, ne fait pas de différence majeure dans l’évaluation globale du profil. » Au moins, c’est clair.

On pourrait crier à la déculturation. On serait, cependant, encore un cran en dessous de la réalité, car l’épreuve de français qui vient d’être supprimée n’était pas une dissertation d’agrégatifs. Il s’agissait seulement d’un... questionnaire à choix multiples de « connaissances verbales et linguistiques », d’une durée de quarante-cinq minutes, destiné à vérifier les capacités des candidats en compréhension de textes, grammaire et orthographe. On se doute qu’en trois quarts d’heure, on n’a pas le temps de faire la preuve de son brio littéraire, et que ce QCM avait donc seulement pour but de vérifier que les futurs ingénieurs maîtrisaient les bases du français. Apparemment, c’était déjà trop.

Vers plus de crétinisme généralisé

Difficile de savoir si l’on va vers plus de spécialisation (des philosophes qui ne maîtrisent pas les divisions euclidiennes et des ingénieurs qui écrivent comme des pieds) ou, tout simplement et plus prosaïquement, vers plus de crétinisme généralisé. Cette suppression révèle à la fois l’hypersensibilité des élèves, qui « ne se sentent pas toujours prêts », et la démission des professeurs, qui retirent tout simplement du programme la maîtrise, par les candidats, de leur langue maternelle.

Si l’on prend un peu de recul historique, tout cela va à l’encontre de quatre ou cinq millénaires d’esprit occidental. Sur notre continent, dans notre aire civilisationnelle, un vrai érudit est un homme complet, en littérature comme en sciences. Blaise Pascal en est un exemple éclatant. Il disait d’ailleurs qu’« il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une seule chose ». Le principe était d’ailleurs le même dans la relation entre corps et esprit (« mens sana in corpore sano », selon la célèbre formule de Juvénal) : Pythagore fut champion olympique de boxe avant de se consacrer à la musique et aux mathématiques, entre mille autres choses. On pourrait même étendre la nécessité d’être complet à la forte récurrence d’écrivains géniaux qui, jadis, exercèrent d’importantes responsabilités politiques ou militaires : César, Cicéron, Monluc, La Rochefoucauld… jusqu’à Jünger. L’hyperspécialisation des êtres humains, qui par principe sont des êtres pensants aux multiples facettes, va bien au-delà de la chute du niveau scolaire. Ce n’est tout simplement pas une bonne nouvelle pour l’humanité. « La république n’a pas besoin de savants », disait le président Coffinhal à Lavoisier, en 1793. « Trop de science corromprait ma jeunesse », renchérissait Adolf Hitler. Un régime qui se méfie de la culture et de l’intelligence ne tire jamais la nature humaine vers le haut.

La maîtrise du français n’est pas une variable d’ajustement. Elle est un moyen de ne pas s’adresser à autrui avec une machette ou un marteau. Elle a sorti du ruisseau des génies qui seraient demeurés en bas de l’échelle sociale. Mais la République française n’a peut-être pas besoin de génies...

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

58 commentaires

  1. Ce que n’ont pas compris les directeurs d’écoles d’ingénieurs (qui n’ont jamais eu le moindre courage), c’est que la sélection sur le français se fera, avec ou sans eux. Et si elle ne se fait pas à l’entrée, pas de souci, elle se fera à la sortie. Ce sont les recruteurs et les DRH qui la feront. Ayant fait du recrutement d’ingénieurs pendant 30 ans de ma vie, j’ai vu la catastrophe arriver, au point que j’en ai été rendu, dans les dernières années, à faire écrire des textes aux candidats, en fin d’entretien. Des textes avec un stylo et une feuille de papier…
    Une fois de plus, l’école ne veut plus faire son boulot et demande aux entreprises de le faire. Nous le ferons, et plus dure sera la chute.

  2. Après, ils supprimeront l’épreuve de math et physique.
    Dans 5 ans, ils délivreront le diplôme sur demande .

  3. On aurait pu espérer qu’arrivés au baccalauréat, les élèves en capacité de se confronter à un concours aient une maîtrise à peu près correcte de la langue française. Depuis qu’ils sont scolarisés ces élèves ont pourtant connus nombre de ministres de l’éducation nationale. Curieux non?

  4. Quand on voit que la plupart des élèves de cours Qualité sont sous antidépresseurs …. Sans parler d’autres substances…..car sous pression
    Je vais peut être passer pour un vieux crétin mais autrefois….

  5. Souhaitons que les élèves soient également dispensés d’examens et d’inscription sur les listes du chômage. Ceci bien sûr, dans le but de leurs épargner toutes anxiétées.

  6. L’école des ânes…Ca ne vaut pas le baccalauréat de 1972 que j’ai passé avec succés et où l’on ne nous faisait pas de cadeaux !

  7. Ca ne suffira pas. Ceux qui ne parlent pas français sont défavorisés par rapport à ceux qui le parlent lors des épreuves scientifiques. Pour lire l’énoncé et rédiger la copie. Il faut des quotas, qui devraient vite apparaître.

  8. Dans le BTP, on a tendance à distinguer l’architecte, qui sait presque rien sur presque tout, de l’ingénieur qui, lui, sait presque tout sur presque rien.

  9. Quid des épreuves de mathématiques et sciences dans les « écoles littéraires « ?
    Ce serait peut être bien qu’il y en ait davantage pour que certains « philosophes  » gardent un peu de modestie et les pieds sur terre.

  10. h bon ! ! ! alors comment ces futurs ingénieurs écriront leurs rapports ? ? ? dans quelle langue ? ? ? Ah j’oubliais , il y a l’intelligence artificielle pour leur faire le travail . . . ! ! !

  11. Bien des gens vivent maintenant en France sans parler correctement le français ( voire pratiquement sans le parler du tout). Les publications d’audience internationale se font en anglais. Il est logique, dans le monde actuel, qu’un examen de français puisse apparaître obsolète même en France.
    On attachera peut être plus d’importance au niveau en anglais ?

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