1994 : l’Ukraine et la Russie signent le mémorandum de Budapest
3 minutes de lecture
C'est une des lois de l'Histoire : quand les empires s'effondrent, les fractures ne sont jamais nettes. Les causes d'effondrements sont diverses. Soit les défaites militaires : Allemagne, Autriche-Hongrie, Turquie, Japon (Dai Nippon Teikoku). Soit l'implosion interne : Empire romain, empire de Charlemagne, URSS. Les conséquences hasardeuses et dramatiques de ces chutes durent parfois pendant des siècles.
En effet, les partitions contestées, les frontières nouvelles, sont ressenties, par les peuples séparés, comme artificielles et injustes : les tracés des frontières scindent les peuples ou remettent en cause les frontières historiques des États. Quant aux tentatives diplomatiques et juridiques de stabiliser les situations, elles sont souvent inefficaces. Le cas de l'Ukraine relève, lui aussi, de contextes historiques post-impériaux. Et, comme souvent en pareil cas, les accords internationaux sont inefficaces. Les Français sont désormais familiarisés avec les accords de Minsk, qui apportaient de bonnes solutions mais n'ont pas été appliqués (notamment les clauses de retrait militaire de part et d'autre). Mais bien peu connaissent le mémorandum de Budapest, signé en 1994 par l'Ukraine, la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni. Alors que les accords de Minsk (2014) sont cosignés et garantis par l'Allemagne et la France.
Le mémorandum, signé par Boris Eltsine, a accru le ressentiment de Vladimir Poutine qui considère que la Russie a été affaiblie. Ce mémorandum se greffe sur le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et les signataires, Russie comprise, s'engagent à « respecter l'indépendance [de l'Ukraine] et sa souveraineté ainsi que ses frontières existantes ». Ces pays s'engageaient aussi à « s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine ». En contrepartie de l'adhésion de l'Ukraine au TNP et du transfert de son arsenal nucléaire à la Russie, les signataires, dont la Russie, s'engageaient aussi à « respecter l'indépendance et la souveraineté ukrainiennes dans ses frontières actuelles [...] à s'abstenir de toute menace ou usage de la force contre l'Ukraine [...] à s'abstenir d'utiliser la pression économique sur l'Ukraine en vue d'influencer sa politique, à s'abstenir d'utiliser des armes nucléaires contre l'Ukraine… » Ce mémorandum fut transmis à l'ONU et n'a pas jamais été dénoncé.
Toutefois, la remise en cause des frontières issues de la destruction des empires (tel l'ex-l'URSS) n'est pas forcément condamnable par la Cour internationale de justice (malgré le mémorandum). En effet, en droit international, si le principe majeur est bien l’intangibilité des frontières des États nouvellement indépendants (décision CIJ, aff. Burkina/Mali, 1983), la Cour admet des exceptions : après la chute de l’URSS, il a souvent été dérogé au principe d’intangibilité - ainsi d'une révision favorable à l’Ukraine du traité frontalier soviéto-roumain de 1946 (décision CIJ 2009). Mais, en 2008, la reconnaissance (discutable) par la CIJ de l’indépendance du Kosovo (province de Serbie) sera utilisée par la Russie comme argument pour reconnaître l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie (régions de Géorgie), puis la Transnistrie (territoire de Moldavie). La pratique s’est généralisée et Vladimir Poutine vient, le 21 février 2022, de reconnaître la souveraineté internationale des entités sécessionnistes de Louhansk et Donetsk (parties du Donbass).
Malheureusement, Emmanuel Macron, trop aligné sur Angela Merkel et donc sur les États-Unis, a été incapable de veiller à l'application des accords de Minsk et la Russie n'a pas respecté le mémorandum de Budapest.
Le venin des empires leur survit longtemps.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
12 commentaires
C’est souvent sur des considérations ethniques que se constituent des conflits et des Etats indépendants . Rien de tel en Ukraine qui partage ses gênes ( et son Histoire ) avec la Russie . Les Cosaques des deux frères ennemis sont mélangés de sang asiatique et de réfugiés sociaux de toutes les Russ . Leur influence est maigre mais violante par nature .
Qu’importe les mémorandum, les traités et autres accords. il se trouve toujours un moment où la machine se grippe et où un grain de sable vient tout remettre en question. Cette guerre d’Ukraine Russie est le résultat d’une sacrée poussière dans le carburateur : Les Base les armes et les hommes de l’OTAN aux frontières de la Russie. Quelle pays souverain accepterait cela sans broncher. Quelle pays autre que l’Amérique se le permettrait et penserait que cela se passerait sans encombre.
ah, enfin, on rappelle cet accord de 1994 par lequel la Russie s’engageait à respecter l’indépendance et les frontières de l’Ukraine et que poutine a allègrement violé!!
L’Ukraine a le droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sures. Des nationalistes peuvent comprendre ça, non?
Hormis la guerre de Sécession qui fut un conflit interne aux USA, les américains n’ont jamais connu et vécu de conflits armés sur leur territoire. Supprimez l’hégémonisme des dirigeants américains et vous aurez résolu plus de la moitié des problèmes internationaux. Pour commencer, refusons tout contrat commercial en US$ et soyons fous, que l’Euro monnaie ô combien factice, ne soit plus convertible en US$. Et là poum, l’économie américaine serait par terre.
Vous avez tout a fait raison. Les USA foutent la pagaille partout dans le monde loin de chez eux pour garder leurs avantages. Depuis trop longtemps le dollar fait la loi dans le monde
Un très utile rappel pour bien comprendre une situation complexe mais extrêmement dangereuse
« respecter l’indépendance [de l’Ukraine] et sa souveraineté ainsi que ses frontières existantes ».« s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine ».
Chiffon de papier dont personne ne parle ! ?
Cher intervenant, j’espère que l’encre n’était pas partiellement noyée dans la vodka!
Chaque accord est fragile car il s’appuie su un consensus et non un compromis qui fait référence à d’autres accords antérieur. Le législateur doit mesurer les conséquences des modifications que demandent les politiques et ces derniers se doivent de bien les mesurer. Or nous assistons depuis nombre d’années à des idéologues qui ont perdu le sens de la mesure et se croient au dessus de l’histoire des peuples.
Dés que ça sent le gaz ou le pétrole…! Regardez l’Irak et la Syrie avec l’oléoduc de l’Arabie, ça ressemble étrangement à l’Ukraine avec « Nordstream2 ». Une petite guerre avec comme tireur de ficelles les USA, toujours le même acteur ! Mais attention de ne pas trop affaiblir la Russie, car un autre acteur veille pour faire main basse sur la SIbérie et ses richesses naturelles: la Chine ! Lecteur, souvenez-vous de ce commentaire ! Seul un accord pays européens-Russie sauvera le monde !
Rien ne sauvera le monde si tant est qu’il soit à sauver. Mais le monde vivra, bien ou mal, selon la loi de la jungle. Toutes les espèces vivent en groupes et savent qui attaquer , ou non, pour se nourrir et survivre. Les dominants faibles disparaissent, ou sont remplacés, et le clan continue d’exister. La nation n’échappe pas à cette loi d’airain. La Russie s’en relève car elle a un chef incontesté et pour qui elle est tout.
J’ignore si cette prise de conscience sauvera le monde mais il est certain que ce désert richement doté est regardé avec envie par la Chine mais ignoré des Européens ignares. Raison de plus pour inclure la Russie dans l’Europe de demain.