1er mai : le dernier rempart plutôt que les Black Blocs

Cyr de La Chapelle

Sommes-nous forcés de consacrer nos colonnes au cortège de la CGT et aux Black Blocs qui, à coup sûr, vont, en ce 1er mai, éclore sur le bitume parisien et des grandes métropoles plus sûrement que le muguet ? Avons-nous le droit de célébrer, à notre façon, un autre 1er mai et une autre jeunesse que celle qui, en toute impunité ou presque, dévaste tout sur son passage ? 

Le 1er mai, c’est aussi la fête de saint Joseph artisan, patron des travailleurs. Figure patriarcale du labeur, il doit sans doute représenter l’archétype de l’homme à déconstruire pour la madone de la paresse qu’est Sandrine Rousseau, mais soyons honnête : ce n’est pas elle qui cherche à faire de la chapelle du même nom au Mans un tas de ruines. Il faut chercher la responsabilité du côté de la direction de l’école privée « catholique » Saint-Joseph qui veut agrandir ses locaux, évoquant « un projet avant tout centré sur le bien-être des élèves, la mise aux normes par rapport à l’accessibilité et à la restauration » (sic), et du diocèse qui n’aurait plus les moyens d’entretenir ladite. Rappelons qu’en 2021, une autre chapelle Saint-Joseph, à Lille, avait été détruite à l’initiative de l’Université catholique, écrasant à la pelleteuse par là même, de façon ô combien symbolique, l’humble travail de nombreux artisans, tailleurs de pierre, ébénistes, menuisiers, peintres, couvreurs, maîtres-verriers, etc. 

Précisons que même si elle fait partie de l’école, cette chapelle XIXe en pierre de taille vouée à la destruction concerne tous les Manceaux parce que sa façade donne sur la rue, à l’angle de deux artères très passantes, l’avenue du Général-Leclerc et la rue Gastelier, l’une d’entre elles menant du centre-ville à la gare TGV. L’architecte des Bâtiments de France aurait donné son accord. 

Même l’animateur de télé-réalité Steevy Boulay, originaire du Mans, avait réagi, il y a quelques mois, sur Facebook : « Les gens sont fous, détruire le plus beau bâtiment de l’avenue. » Il faut rappeler - les Manceaux les plus âgés en gardent un souvenir cuisant - que la ville, en 1966, a fait l’objet d’un plan d’urbanisation échevelé - dit « la percée centrale » - qui a mis à bas nombre de vieux bâtiments, et dont « l’inesthétisme », comme l’écrit pudiquement Ouest-France, plus de 50 ans après, revient encore régulièrement dans l’actualité. 

À la tête des farouches opposants à cette destruction, un jeune étudiant en droit de 18 ans, portant un nom prédestiné tiré d’un roman de Raspail ou d’un signe de piste : Cyr de La Chapelle.

L’idée que cette petite église, devant laquelle il passe régulièrement depuis qu’il est enfant, disparaisse le révolte. Outre les vitraux, les voûtes, les façades, les colonnes, les moulures, on y trouve des objets chargés de sens et frappants par leur nombre dans une chapelle de cette taille, précieux pour l’histoire de la ville, de l’école et de ses habitants, dont seul Cyr a relevé la présence, près de la statue de saint Joseph : les ex voto. Si les médias locaux n’en parlent pas, c’est peut-être parce qu’ils n’en connaissent pas la signification. Reconnaissances très anciennes ou plus récentes pour des guérisons obtenues, des examens réussis, des protections à la guerre exaucées, ou sobre « merci » sur une petite plaque de marbre pour un vœu resté secret. Un mur entier. Si la foule de ces anciens paroissiens dévots se relevait, ils rempliraient la chapelle. Vent debout contre son projet de destruction. Faut-il qu’en haut lieu on ne croie plus du tout dans l’au-delà pour ne pas vaguement redouter d’être tiré par les pieds dans son sommeil, n’est-ce pas ? 

Cyr de La Chapelle, c’est l’anti-Black Bloc. Quand le second brûle, brise, dégrade ou dévaste les commerces, le mobilier urbain, les universités, dans la rage de faire du passé - même très récent - table rase, l’autre met toute son énergie à conserver, protéger, honorer le patrimoine spirituel et culturel : une pétition, deux manifestations, une action devant la chapelle, une autre devant le diocèse et le siège de la direction de l’Enseignement catholique de la Sarthe, une troisième, enfin, devant le conseil municipal. Avec quelques amis de toutes générations, il vient de déposer les statuts de l'association Ultime Rempart, visant à défendre le patrimoine du Mans... et d'ailleurs en France. 

En attendant, Saint-Joseph est toujours debout. Pour Cyr de La Chapelle, la meilleure preuve qu’elle n’est pas délabrée est que l’on a toujours le droit d'y entrer. Les religieuses de l’école y organisent, du reste, régulièrement un chapelet. Lundi, on pourra donc si on le veut aller déposer un brin de muguet devant la statue de saint Joseph artisan. Une façon assez disruptive, comme on dit chez Renaissance, de célébrer le 1er mai. 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 01/05/2023 à 22:32.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

30 commentaires

  1. On finit par se demander si ce ne serait pas le Pape François, jésuite de formation, casuiste donc, qui ne serait pas aux ordres de Macron ; qu’il suffise de voir comment d’excellents prêtres ont été « dégagés » vitement , aussi violemment qu’un Général de Villiers, qu’un Carlos Ghosn etc..
    Dans un interview d’une radio britannique il y a 2 ans, de mémoire, Macron avait dit et répété plusieurs fois « la Bête arrive, la Bête arrive.. » avec des yeux de fou , avec ce même regard dont nous honore parfois le Pape François et qui fait peur.
    Dieu merci, l’ESPRIT SAINT nous habite et nous remonte le moral quand tout vacille.

  2. Bravo à ce jeune homme dont les convictions et la détermination redonnent de l ‘espoir !
    Merci de nous avoir fait connaitre cette pétition , souhaitons lui un succès bien mérité .

  3. superbe initiative; en lisant cet article, j’ai repensé à la superbe chapelle de mon école le Collège du Sacré Coeur de Tourcoing; cette chapelle qui accueillait tous les élèves du « Secondaire » chaque jeudi matin, chaque vendredi après-midi pour le « Salut », chaque dimanche matin pour la « Grand’messe » de 8h3 à 10h ,
    il y a 20 ans, j’ai assisté à une réunion des anciens élèves où j’ai pu revisiter mon collège; je voulais revoir ma chapelle dans laquelle j’avais fait ma communion solennelle dans la nuit de Pâques, elle était devenue, dans cette école « privée » une salle de sport !

  4. Il y a eu l’ère des constructeurs et maintenant nous sommes passés dans l’ère des « casseurs » !! Cela va plus vite

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