2022 : de plus en plus de jeunes actifs veulent voter Marine Le Pen

bardella le pen

Traditionnellement, les instituts de sondages livrent, quelques mois avant chaque élection présidentielle, une analyse du vote « jeune » : le plus difficile à discerner, le plus volatile, le plus abstentionniste aussi. Mais, au vu des récents sondages qui donnent le duel Macron-Le Pen à 48 %-52 %, c’est le vote, très courtisé, qui pourrait faire pencher la balance.

Ces jours-ci, selon les chiffres donnés par Ipsos et l’IFOP au journal Le Monde, le premier gagnant, chez les jeunes votants, sera le parti des abstentionnistes : seuls 58 % des 18-24 ans comptent voter, contre 80 % de l’ensemble de la population.

Mais l’analyse de cette étude révèle bien des surprises, pour le moins inattendues.

En 2017, les intentions de vote des 18-24 ans avaient été de 21 % en faveur de Marine Le Pen, 29 % pour Jean-Luc Mélenchon et 18 % pour Emmanuel Macron. Pour 2022, les prévisions Ipsos-IFOP sont autour de 20 % pour Marine Le Pen, 19 % pour La France insoumise et 29 % pour le Président sortant. « Réel effet Macron chez les jeunes », note Brice Teinturier, directeur général de l’Ipsos. Mais aussi vote transfuge de Mélenchon à Macron : la stratégie illisible et particulièrement bienveillante de La France insoumise vis-à-vis de l’islamo-gauchisme ne paie pas.

En revanche, le relatif engouement des primo-votants pour Emmanuel Macron est, à nos yeux, assez paradoxal. Comment l’expliquer alors que cette classe d’âge a particulièrement souffert, dans ses études comme dans le démarrage de sa vie professionnelle, à cause de la logique « enfermiste » et privative de libertés qui a marqué la gestion de la crise sanitaire ? Est-ce un effet de la stratégie communicative développée par le chef de l’État auprès des youtubeurs et autres influenceurs, grands prescripteurs d’opinions et de tendances chez des jeunes désabusés et sans illusions, au détriment du vrai débat politique ?

À cette tranche d’âge, Le Monde consacre, en parallèle, une enquête sur le votre RN qui montre que le plafond de verre craque. Les jeunes interrogés sont diplômés - cours Florent, IEP, master de gestion - mais sont également issus du monde rural. Surtout, ils expriment un vote qui n’est plus seulement de dégagisme – ce qu’avait été le vote Macron en 2017 – mais d’adhésion à tout ou une partie du programme du RN : fractures identitaires, insécurité culturelle, immigration, tandis que le viticulteur interrogé estime que c’est le parti « qui fait le plus écho aux réalités du monde agricole ».

Chez les 25-34 ans, la catégorie des jeunes actifs, la progression du vote RN au détriment du vote Macron est inversement proportionnelle : de 29 % en 2017 à 20 % pour 2022 d’intentions de vote pour Emmanuel Macron, de 23 % à 29 % en faveur de Marine Le Pen.

À cela, plusieurs raisons peuvent être invoquées : la carte jeunesse jouée par le RN en la personne de Jordan Bardella, mais aussi cette attention au monde rural, la réalité de l’immigration et de l’insécurité partout présente sur le territoire français. La gestion calamiteuse de la crise sanitaire avec la crise économique qui s’annonce redoutable a plongé cette tranche d’âge dans le bain amer de la réalité.

Pour les 25-34 ans, cette débandade à tous points de vue des pouvoirs en place fait délaisser les partis traditionnels déjà mis à l’agonie par le coup d’état macronien de 2017. « Ces jeunes […] sont à la recherche d’autre chose, de radicalités plus fortes », explique Brice Teinturier. Ils plaident surtout pour un retour du politique, éclipsé depuis 2017 par le pouvoir élitaire d’Emmanuel Macron et porté disparu depuis un an par la soumission au Conseil scientifique.

Alors quand, sur Public Sénat, on lit que Jean Hingray, sénateur centriste, explique que « le RN ne fait rien en réalité, il ramasse ce désespoir », on se dit que malgré son jeune âge – 35 ans -, il a gardé des grilles d’analyse dépassées, il a un monde de retard et essaie, sous une autre forme, de restaurer l’interdit moral du vote Le Pen.

Face à cela, charge à Marine Le Pen d’entendre l’appel que lui fait la jeunesse de France.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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