21 mars 1152, Aliénor d’Aquitaine divorce et crée la première Guerre de Cent Ans

Une séparation royale qui bouleversa l'Europe médiévale en initiant la rivalité séculaire franco-anglaise.
Crédit : ElanorGamgee — Travail personnel
Crédit : ElanorGamgee — Travail personnel

Le 21 mars 1152, en la bonne ville de Beaugency, une assemblée ecclésiastique peu ordinaire se réunit pour prononcer une sentence qui, sans le savoir, va bouleverser la géopolitique européenne : l’annulation du mariage entre le roi de France, Louis VII, et son épouse, Aliénor d’Aquitaine. En effet, après une quinzaine d'années d’une union tourmentée, les époux royaux se séparent officiellement. Cependant, cette annulation de mariage, bien que personnelle, cache en vérité des dissensions profondes et va avoir de très lourdes conséquences politiques pour les siècles à venir.

Un mariage voué à l’échec

Le 15 juillet 1137, Aliénor d’Aquitaine, alors âgée de quinze ans, épouse Louis VII. En tant que duchesse d'Aquitaine, elle apporte en dot un immense territoire s’étendant de la Loire aux Pyrénées. Mais très vite, cette union révèle son incompatibilité : Aliénor, vive, passionnée de poésie, de chevalerie et de politique, peine à supporter la rigueur de la cour capétienne. De son côté, Louis VII, homme pieux et austère, ne comprend ni son tempérament ni ses ambitions.

La fracture devient irrémédiable lors de la deuxième croisade en 1147 à laquelle participent les souverains français. En Orient, Aliénor est émerveillée par les trésors insoupçonnés de la Terre Sainte. Cependant, en tant que reine et duchesse, elle veut également jouer un rôle actif dans les décisions politiques et militaires malgré l’opposition farouche de son royal époux. Ces tensions s’aggravent lorsque Louis VII décide de s’attaquer à la ville de Damas pour renforcer le royaume de Jérusalem. Malheureusement, ce siège est un échec cuisant et précipite en 1149 le retour précipité d’Aliénor d’Aquitaine et de Louis VII en France. Ces derniers ne cessent alors de se blâmer mutuellement pour cet insuccès. Cependant, l’infortune et l’amertume ne sont pas les seules choses que les souverains ramènent avec eux en France. En effet, selon la légende, Aliénor aurait rapporté de succulents fruits sucrés et juteux : les prunes. Les européens, découvrant ces aliments et amer du fiasco de la croisade, auraient alors déclaré ironiquement que les soldats du Christ n’étaient allés en Terre Sainte « que pour des prunes » (c’est-à-dire pour rien), donnant ainsi naissance à cette curieuse expression populaire.

Une séparation aux conséquences immédiates

De retour en France, le couple royal ne partage vraiment plus rien, pas même un projet dynastique : Aliénor n’a donné à Louis VII et à la France que deux filles, Marie et Alix, alors que le royaume attend désespérément un héritier mâle. À ceci s'ajoute également les rumeurs répugnantes qui accusent la reine de France d'adultère en ayant invité dans sa tente et dans sa couche, lors de la croisade, maints barons et seigneurs. Pour Louis VII, la situation est intenable. Le 21 mars 1152, leur mariage est ainsi annulé sous prétexte d'une trop forte consanguinité entre les époux. Aliénor retrouve alors sa liberté et, forte de son titre de duchesse, sa chère Aquitaine. Cependant, elle comprend rapidement qu’en tant que femme seule, elle demeure vulnérable face aux ambitions des grands seigneurs.

Ainsi, le 18 mai 1152, à peine deux mois après son divorce, Aliénor épouse le jeune Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, duc de Normandie et futur roi d'Angleterre. Ce jouvenceau, ambitieux, puissant et charismatique, partage alors avec son épouse une vision d’expansion et de pouvoir. Par leur union, ils vont initier la naissance d’un empire Plantagenêt, s’étendant d'Albion jusqu’aux Pyrénées, en passant par la Normandie, l’Anjou et l’Aquitaine. Ce nouvel équilibre politique ébranle alors le royaume des Capétiens : la couronne anglaise possède désormais autant, sinon plus, de terres que le roi de France lui-même et sur son propre territoire. Cette situation inaugure alors une rivalité séculaire entre les deux royaumes, considéré par les historiens comme une première Guerre de Cent Ans et qu’achèvera Saint Louis en 1259.

Un divorce aux répercussions historiques

Ainsi, l’annulation du mariage entre Aliénor d’Aquitaine et Louis VII ne marque pas seulement la fin d’une union mal assortie ; elle redéfinit l’équilibre des puissances en Europe.  En moins d’un an, ce qui aurait pu rester une simple affaire conjugale devient une catastrophe politique pour la monarchie capétienne qui voit son territoire amputé de l’une de ses plus riches provinces, désormais aux mains d’un roi anglais. Sur le long terme, ce divorce jette également les bases d’une rivalité féroce entre la France et l’Angleterre. En effet, la montée en puissance et l'ambition des Plantagenêt, qui demeurent malgré tous les vassaux de la couronne de France, vont devenir une menace constante pour la dynastie capétienne. Cette dernière devra lutter sans cesse contre les rois d'Angleterre et à travers les siècles pour réaffirmer son autorité. Cette hostilité naissante sera également un terreau fertile sur lequel poussera aisément les graines belliqueuses de la Guerre de Cent Ans et contribuera, encore et toujours, à forger deux identités nationales bien distinctes.  Ainsi, loin d’être un simple fait divers médiéval, cette séparation rappelle que des guerres et maints conflits, pouvant embraser le monde, naissent parfois d’un détail ou d’une décision prise dans l’intimité du pouvoir. En reprenant son destin en main, Aliénor d’Aquitaine n’a alors pas seulement changé sa propre vie, elle a façonné le destin de l'Europe pour les siècles à venir.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

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