26 janvier 1763 : naissance de Bernadotte, futur révolutionnaire… et roi

BERNADOTTE

Certains destins à travers l’Histoire défient les conventions et s'imposent comme des modèles de paradoxe, mêlant idéaux républicains et ambitions monarchiques. Celui de Jean-Baptiste Bernadotte, né le 26 janvier 1763 à Pau, au cœur du Béarn, illustre parfaitement cette ambivalence. Issu d’une modeste famille bourgeoise, ce futur souverain de Suède aura réussi à prendre en main son histoire. Après avoir traversé les bouleversements de la Révolution française et servi les idéaux républicains puis impériaux, Bernadotte aura su s’élever au plus haut sommet en faisant sien le trône lointain d’un royaume scandinave.

Une ascension fulgurante sous la Révolution française

Né sous l’Ancien Régime dans une France encore figée dans ses hiérarchies sociales, Bernadotte débute modestement sa carrière comme soldat de l’armée royale en 1780. La Révolution, avec son vent de liberté et d’égalité, ouvre les portes à son ascension fulgurante. Ainsi, en 1794, il obtient le grade de général grâce à son charisme, son courage mais aussi par son adhésion aux idées nouvelles. Cependant, cet homme, « affichant des convictions ultra-républicaines »,comme le décrit Jean Tulard, ne tarde pas à se heurter à la figure montante de Napoléon Bonaparte, dont il rejette le coup d’État du 18 Brumaire, en 1799. Malgré ce refus initial, Bernadotte finit par accepter le régime consulaire puis impérial, convaincu que la République ne pourrait être restaurée et qu’un retour de la monarchie absolue serait encore plus dangereux pour la France. En 1804, Napoléon le fait maréchal de France puis, en 1806, prince de Pontecorvo, consolidant ainsi sa place au sein du nouvel ordre établi dans notre pays.

Une ambition personnelle en quête d’émancipation

Marié en 1798 à Désirée Clary, ancienne fiancée de Napoléon et sœur de l’épouse de Joseph Bonaparte, Bernadotte partage sa vie avec cette femme qui, bien que discrète, joue un rôle important dans son ascension. Leur union, bien qu’heureuse, n’est marquée malheureusement que par la naissance d’un seul enfant, Oscar, en 1799. Cependant, Bernadotte ne se satisfait pas de rester dans l’ombre de l’Empereur. Son ambition le pousse à chercher une indépendance politique qui lui permettrait de s’affranchir de la domination implacable de Napoléon.
En 1810, une occasion inespérée se présente : les États généraux suédois désignent Bernadotte comme héritier du roi Charles XIII, souverain sans descendance, qui adopte même très officiellement le futur roi. Une véritable ironie pour un homme dont la légende dit qu’il portait sur la poitrine le tatouage « Mort aux rois ! » Cependant, ce choix, motivé par la réputation de chef militaire béarnais, est le fruit d’un pragmatisme suédois qui souhaite être gouverné par un homme fort. De son côté, Napoléon, espérant faire de ce royaume de Scandinavie un nouvel allié stratégique, ne s’oppose pas à cette décision.

Prince héritier de Suède et traître à la France

Devenu officiellement prince héritier de Suède, Bernadotte se montre rapidement autonome dans ses choix politiques. Soucieux de garantir sa légitimité auprès des Suédois, il prend ses distances avec la France impériale. En 1813, il n’hésite pas à trahir son pays en faisant rejoindre la Suède au sein de la Sixième Coalition contre l’Empereur. Ce revirement contribue alors à la chute de l’Empire et à l’exil de Napoléon. Ce dernier, à Sainte-Hélène, n’a pas de mots assez cruels pour condamner ce traître : « C’est lui qui a donné à nos ennemis la clé de notre politique, la tactique de nos armées ; c’est lui qui a montré les chemins du sol sacré. Vainement dirait-il pour excuse qu’en acceptant le trône de Suède, il n’a plus dû qu’être suédois : excuse banale, bonne tout au plus pour la multitude et le vulgaire des ambitieux. Pour prendre femme, on ne renonce point à sa mère, encore moins est-on tenu à lui percer le sein et à lui déchirer les entrailles. »

Fondateur d’une dynastie royale

Couronné roi de Suède et de Norvège en 1818 sous le nom de Charles XIV Jean, Bernadotte s’emploie désormais à se faire aimer de ses sujets. Il modernise l’économie, encourage l’industrialisation et fait achever de grands projets d’infrastructure comme le canal Göta. Ce chantier, qui relie la mer Baltique à la mer du Nord, favorise alors le commerce et permet l’enrichissement du pays. Le souverain adopte également une politique de neutralité prudente, évitant de se mêler aux intrigues des grandes puissances européennes. Ce choix stratégique assure ainsi la stabilité de son royaume, éloignant le spectre d’une contestation de son trône. Une neutralité qui durera presque deux siècles et qui s'est achevée en 2024 avec l'entrée de la Suède dans l'OTAN.
Jean-Baptiste Bernadotte meurt en 1844, à l’âge vénérable de 81 ans, laissant à son fils unique, Oscar, un royaume stable, prospère et doté d’une monarchie constitutionnelle. Encore aujourd’hui, la dynastie des Bernadotte règne sur la Suède, à travers le roi Charles XVI Gustave. Ce dernier est d’ailleurs le plus ancien monarque d’Europe, depuis l’abdication de sa cousine, la reine Margrethe II de Danemark, en 2024. Sa fille, la princesse Victoria, lui succédera un jour. Cette continuité dynastique illustre ainsi la réussite d’un modèle monarchique, aux origines françaises, en phase avec les aspirations progressistes et démocratiques de la société suédoise à travers les siècles.

Maison natale de Bernadotte (photo GM)

 

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer, peut-être qu’un jour Mélenchon sera le roi de quoi au fait, peut-être des « bas du front », allez, ce n’était pas ma première idée, mais ce matin je suis gentil, c’est le jour du seigneur.

  2. C’était en effet un traître et un des moins bons généraux de l’Empire. Il n’est cependant pas mal vu à la différence de Talleyrand auquel nous devons au contraire beaucoup – dont en 1814, le sauvetage politique inespéré d’une France totalement battue par tous les pays européens.

  3. Il n’y a rien de surprenant, l’extrême gauche (ici, les révolutionnaires) retrouve l’extrême droite (ici, l’impérialisme) dans la dictature. Napoléon 1° en est un exemple flagrant. On pourrait citer aussi le Pacte germano-soviétique (les 3 grandes dictatures d’extrême gauche, avec le fascisme) qui s’allie au Japon, représentant la grande dictature monarchiste de l’époque. Ou le Prince Norodom Sihanouk s’alliant aux épouvantables Khmers rouges.
    L’opposition politique est plus démocrates-centristes extrémistes-totalitaires.

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