27 avril 1825 : Dominique Vivant Denon, l’œil de l’Empire

Malheureusement méconnu, Denon, artiste et pionnier des musées, fut un véritable passeur de civilisations .
vivant denon

À l’occasion du bicentenaire de la disparition de Dominique Vivant Denon, survenue le 27 avril 1825, il est temps de redécouvrir cette figure malheureusement méconnue et pourtant exceptionnelle, à la croisée des arts, de la diplomatie et de l’Histoire. Témoin des bouleversements de son temps, acteur discret mais essentiel du rayonnement culturel de la France napoléonienne, notamment avec le Louvre, Denon fut tour à tour écrivain, dessinateur, diplomate mais avant tout un infatigable curieux et un précurseur dans la valorisation de notre patrimoine.

Au service des rois de France

Né en 1747 à Chalon-sur-Saône, Dominique Vivant de Non se forme très tôt au dessin et à la littérature. Sa plume lui ouvre ainsi les salons parisiens et ses talents d’observation le conduisent à fréquenter la cour de Louis XV, puis celle de Louis XVI. Se mettant au service des rois de France, il commence sa carrière comme ambassadeur auprès de la grande Catherine de Russie, puis en Suisse et, enfin, à Naples, où il perfectionne son art tout en découvrant la richesse des antiquités classiques.

Lors de la Révolution, Denon s’exile prudemment à Venise, avant de revenir à Paris en 1793 pour éviter la confiscation de ses biens, étant alors considéré comme un émigré. Pour prouver sa loyauté au nouveau régime, il change son nom en supprimant sa particule, passant de « de Non » à « Denon ». Fort de ses expériences et de ses talents, il parvient à se faire une place dans la société nouvelle que la Révolution est en train de façonner. C’est alors à cette époque qu’il fait la rencontre de Joséphine de Beauharnais dont l’époux, le général Bonaparte, va bientôt l’entraîner dans son incroyable épopée.

Le précurseur de Champollion

En 1798, lorsque Napoléon Bonaparte lance sa grande expédition en Égypte, mêlant ambitions militaires et volonté de découvertes scientifiques, Vivant Denon est ainsi convié à participer à ce voyage hors du commun. À plus de cinquante ans, il traverse alors la Méditerranée et devient le témoin privilégié d’un passé oublié et millénaire. Éloigné des champs de bataille, il remonte le Nil en compagnie du général Desaix, carnets en main. Il dessine ainsi avec une précision remarquable tout ce qui attire son regard : chaque temple oublié, chaque hiéroglyphe encore indéchiffrable et chaque monument qu’il juge majestueux.

Son œuvre majeure, Voyage dans la Basse et la Haute Égypte, publiée en 1802 et présentant ses découvertes, rencontre un succès immédiat. Elle constitue alors la première grande entreprise de vulgarisation de l’art égyptien auprès du public européen. Denon révèle ainsi à l’Occident un patrimoine jusqu’alors méconnu, posant les bases, bien avant Champollion, de l’égyptomanie et de l’égyptologie moderne. Ce travail de terrain, mêlant art, science et érudition, fait de lui bien plus qu’un simple chroniqueur mais bien une passerelle entre son époque et celles des anciens pharaons : un véritable passeur de civilisations.

Le Louvre, le plus beau musée de l’Univers

L’ascension de Napoléon devient aussi celle de Vivant Denon. Le Premier consul lui confie ainsi, en 1802, la direction du Muséum central des arts, installé dans le palais du Louvre. Denon en devient alors le premier véritable directeur, posant les fondations du musée tel que nous le connaissons aujourd’hui. Infatigable collectionneur et fin connaisseur, celui qu’on finit par surnommer « l’œil de Napoléon » ambitionne de faire du Louvre « le plus beau musée de l’Univers ». Pour ce faire, il n’hésite pas à rassembler à Paris de nombreux chefs-d’œuvre venus d’Italie, des Flandres, d’Allemagne, et bien souvent issus des conquêtes napoléoniennes. Il veille alors à leur conservation et à leur mise en valeur, développant une muséographie novatrice. Il conçoit le musée non comme un simple entrepôt d’objets mais comme une école du regard et du goût.

Denon demeure à la tête du musée du Louvre jusqu’à la chute de Napoléon, en 1815. Il démissionne sous la Restauration, quittant la scène officielle sans amertume. Âgé de 68 ans, il estime alors que sa tâche est accomplie et que son œuvre perdurera, malgré la restitution forcée d’une partie des œuvres qu’il avait rassemblées au Louvre. Cependant, cette institution lui rendit hommage en baptisant l’une de ses ailes au nom de son auguste conservateur.

Un reliquaire comme testament

Retiré de la vie publique, Dominique Vivant Denon s’éteint paisiblement à Paris, le 27 avril 1825, et fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Parmi l’héritage qu’il laisse à la France figure un objet singulier : son célèbre reliquaire, aujourd’hui conservé au musée Bertrand, à Châteauroux. Ce petit coffret en bronze doré contient de nombreux fragments d’objets ou d’ossements ayant appartenu à des figures qu’il admirait, dont notamment une partie de la moustache d’Henri IV, un fragment du linceul de Turenne, quelques ossements de Molière et de La Fontaine, des cheveux du général Desaix, un morceau d’une dent de Voltaire ou encore la signature manuscrite de Napoléon. Denon a rassemblé ces vestiges dans ce qu’il considérait comme un autel laïc, témoignant de son admiration profonde pour ces grandes figures de l’Histoire. Denon se révèle comme un homme qui vénérait la pensée, le beau, l'art, la gloire, l’Histoire mais aussi le génie humain sous toutes ses formes.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

Un commentaire

  1. Quand Napoléon demande à ses généraux de ramener d’Espagne des toiles « dont Le Louvre manque », on peut penser que c’est Vivant Denon qui lui a suggéré ce genre de recommandations à faire passer à ses généraux.
    Et puis ce mot, quand il faudra rendre, en 1815, les toiles et autres sculptures aux Européens :  » Rendez-leur, rendez-leur, elles n’auront plus d’yeux pour les regarder « .

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