28 juin 1917 : vifs échanges sur le statut militaire des parlementaires

En ce 28 juin 1917, alors que le général Pershing et le général Étienne Pelletier accueillent à Saint-Nazaire la 1st Division Infantry (1re division d’infanterie américaine), surnommée The Big Red One en raison du grand chiffre "1" qui orne son insigne, les sénateurs français s’écharpent sur le statut militaire des membres du Parlement. La proposition de loi, présentée par le député du Gard Louis Mourier (1873-1960), est scrutée de près.

En effet, depuis le début de la guerre, les parlementaires mobilisés ont souvent profité du vide juridique qui leur était accordé pour privilégier le mandat parlementaire, au détriment des tranchées et des états-majors, nettement plus exposés. Le quotidien L’Écho de Paris, daté du 29 juin, relate les débats qui ont eu lieu la veille au palais du Luxembourg. Ceux-ci ont opposé, assez vivement, le sénateur de Haute-Savoie Émile Chautemps (1850-1918) et son homologue du Maine-et-Loire Fabien Cesbron (1862-1931). Ce dernier propose un amendement selon lequel "les membres du Parlement, à l’exception des membres du Gouvernement, soient strictement soumis aux obligations de la classe à laquelle ils appartiennent, cela sans aucun privilège". Pour le sénateur de droite du Maine-et-Loire, il est temps de régler la situation militaire des membres du Parlement car elle "crée un état de malaise auquel il convient de mettre un terme […] Les députés font ce qu’ils veulent. Ils vont au front ou n’y vont pas, à leur gré. Ils partent à l’armée et en reviennent au moment qui leur plait", dit-il.

Émile Chautemps, qui siège à gauche, soutient au contraire qu’une fois le "Parlement convoqué en session, la place des députés et des sénateurs [est] à leur banc. Et vous savez les services qu’ils ont rendus depuis le début de la guerre." "Je soutiens qu’il faut régler la question. Certains députés n’ont pas rempli leur devoir", lui rétorque Fabien Cesbron qui, repris une première fois par le président du Sénat, Antoine Dubost (1844-1921), ajoute : "Je dis que les électeurs auraient dû être consultés sur la question de savoir si les futurs élus devaient être mis au-dessus de la loi et être exonérés du devoir militaire en temps de guerre."

Antoine Dubost rappelle verbalement Fabien Cesbron à l’ordre : "Je [vous] prie de ne pas continuer sur ce terrain, sinon je serai obligé de consulter le Sénat." Autrement dit, d’en appeler au règlement intérieur et d’exclure temporairement le bouillant sénateur.

Sans doute les protagonistes ont-ils en mémoire le récent décès, au front, du jeune député du Tarn, René Reille-Soult, duc de Dalmatie. Lieutenant commandant la 45e section d’autocanons au 62e régiment d’artillerie de campagne, il est blessé, le 21 juin 1917, par un obus alors que son peloton stationne à Seraucourt-le-Grand (Aisne). Il continue néanmoins sa marche en avant et est touché mortellement par un second obus. Il n’a que 29 ans.

Finalement, c’est le sénateur Henry Chéron qui règle le problème en demandant le rejet de l’amendement. Il rappelle à tous l’article 2 de la loi du 2 mars 1905 : "Le service militaire est égal pour tous, hors le cas d’incapacité physique. Il ne comporte aucune dispense."

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