3 novembre 1793 : mort d’Olympe de Gouges, la féministe de la Révolution

CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

Le 3 novembre 1793, la Terreur emporta l'un des esprits les plus libres et audacieux de son époque. Femme de caractère et de conviction, Olympe de Gouges mena jusqu'à la fin de sa vie un combat unique : celui de la liberté pour tous, mais surtout pour les femmes. En contradiction avec les mœurs de son temps, elle doit faire preuve d'un talent et d'une détermination exceptionnelle pour faire entendre sa voix. Cependant, c'est ce même caractère impétueux et inflexible, comparable à une tempête, qui conduit cette féministe de la Révolution jusqu'à l'échafaud.

Une femme révoltée et engagée

Olympe de Gouges, née Marie Gouze en 1748 à Montauban, grandit dans une famille bourgeoise. À seulement 17 ans, elle est contrainte par ses parents de se marier avec un homme qu'elle ne connaît pas, une union imposée qui suscite chez elle un sentiment de révolte. Cependant, ce mariage malheureux prend fin rapidement avec le décès de son époux, lui offrant une liberté inattendue qu'elle décide de préserver. Refusant de se remarier, elle se rend à Paris en 1770 pour commencer une nouvelle vie. Dans la capitale, elle adopte un nouveau nom, Olympe de Gouges, et choisit la plume pour exprimer ses idées. Inspirée par le courant des Lumières, elle défend des motivations d'égalité et de justice sociale. Sa « renaissance » en tant qu'Olympe marque son engagement pour un monde meilleur. Elle fréquente ainsi les salons intellectuels de Paris, où elle exprime des idées audacieuses sur l'égalité et la condition féminine. Elle critique aussi vivement le rôle limité des femmes dans la société, qui les réduit généralement au simple statut de mères et d'épouses.

En 1788, elle s'attaque à un autre sujet brûlant : l'esclavage. Dans son ouvrage Réflexions sur l'homme nègre, elle plaide pour les droits des esclaves en dénonçant les abus du commerce triangulaire et s'attirant l'hostilité de ceux qui ont bâti leur fortune et leur pouvoir sur cet odieux négoce. Ce nouvel engagement renforce son image de femme engagée et rebelle, refusant de se conformer aux attentes de son époque.

Emportée par la tempête révolutionnaire

Lorsque la Révolution éclate, Olympe y voit un espoir de changement et peut-être le moyen d’établir cette égalité tant recherchée. Cependant, elle se rend vite compte que les femmes restent exclues de cette nouvelle société. Voyant l’absence des femmes en 1789 dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle rédige en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Olympe désire aussi plus de représentativité des femmes dans les organes du pouvoir, et notamment à l’Assemblée. Elle déclare ainsi que si « la femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». Ces revendications, radicales pour l'époque, provoquent l'indignation de nombreux révolutionnaires, qui y voient une menace pour l'ordre public et pour la nouvelle société qu'ils veulent établir.

En 1792, elle s'oppose aux excès de la Révolution, notamment aux massacres de Septembre, dénonçant ces violences en affirmant que « le sang même des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement la révolution ». Son opposition aux méthodes meurtrières la pousse à critiquer le Comité de salut public et les dirigeants révolutionnaires, dont Robespierre. Pour cela, Olympe n’hésite pas à prendre la plume pour accuser l’Incorruptible de vouloir instaurer une dictature. Ces prises de position, perçues par les autorités révolutionnaires comme trop modérées et hostiles aux intérêts de la République, lui valent d'être arrêtée le 20 juillet 1793.

Après plusieurs mois de détention, elle est traduite devant le Tribunal révolutionnaire, qui la condamne à mort. Le 3 novembre 1793, Olympe de Gouges est conduite à l'échafaud et déclare : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »

Olympe de Gouges disparaît ainsi, victime de la Terreur et de son refus de se plier aux dogmes de son temps. Elle laisse derrière elle une œuvre inestimable, qui rappelle l'importance de la liberté d'expression et de l'engagement pour la justice. En son temps, elle fut souvent incomprise, jugée tour à tour comme trop radicale ou trop modérée, mais elle reste aujourd'hui une figure emblématique de la lutte pour les droits des femmes et de la résistance face à l'injustice.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 04/11/2024 à 3:02.
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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

21 commentaires

  1. Lisez la biographie d’Olympe de Gouges, dans  » Le tribunal révolutionnaire  » d’Alexandre Wallon, fruit de vingt années de recherches historiques; hélas, elle a été guillotinée; mais pour le reste, elle n’a aucun mérite.

  2. la france socialiste depuis la évolution ( la gauche française ) égalitariste parait il , a été un des derniers pays a accorder le droit de vote aux femmes ….. et c’est pas si vieux que ça …

  3. Les descendants de la révolution sont tous bien d’extrème gauche car il faut le dire et redire les Robespierre les Fouqué-Tinville sont bien les descendants des LFI et NFP.

  4. Elle n’avait pas compris que la Révolution n’avait pour but que de re-viriliser la politique française après plusieurs décennies de Pompadour et de Marie-Antoinette qui avaient amené peuple à la famine.

  5. Déclarée fille de Pierre Gouze, boucher de son état et pas vraiment « bourgeois » et d’Anne Olympe Mouisset, notre Olympe adoptera, pour le théâtre, le nom « de Gouges ». Elle serait en fait, plus que probablement, la fille adultérine de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, académicien et littérateur, un peu « crucifié » par Voltaire…

  6. Rare de voir des articles consacrés à Olympe de Gouges.
    Merci pour cette synthèse.

    Une statue d’elle a fait partie de la cérémonie d’ouverture des JO….
    Marie Antoinette y est apparue également, guillotinée.
    Il eut été juste de montrer Olympes de Gouges guillotinée elle aussi pour illustrer l’obscurantisme de certaines sommitées
    révolutionnaires.
    Michel Collinet

  7. Nos féministes de pacotille, insincères, devraient prendre de la graine sur les convictions et l’oeuvre de cette femme remarquable, sincère dans son combat et portée par le vrai courage.

  8. Dire que les Mélenchon, et autre Alexis Corbières adulent le sanguinaire et « incorruptible Robespierre !!

  9. La logique implacable domine le monde, hélas trop souvent. La Révolution française à qui l’on peut attribuer la création de l’extrême gauche, dégénère en dictature, en ce que l’on appelle aujourd’hui le « fascisme ». Tel fût le communisme (pire régime politique actuel), le fascisme (réel, celui de B. Mussolini), le nazisme (qui ajouta l’horreur d’un racisme d’Etat) et, à l’origine, la Terreur. Tous mouvements d’extrême gauche.
    La dictature, notamment la dictature d’extrême gauche ( = fascisme), détruit ses opposants. Comme il y a 2 siècles en France, comme il y a 1 siècle en Italie, comme aujourd’hui dans le monde.

  10. Il reste encore beaucoup à faire pour l’égalité des sexes. Mais attention, qui dit égalité de droits dit aussi égalité de devoirs et la guerre à l’est de l’Europe pourrait un jour nous impliquer. Et je pense qu’hormis les volontaires, les femmes devraient continuer d’échapper à la conscription.

    • Je suis pour l’égalité dans le travail. Alors pourquoi ne pas enrôler et envoyer des femmes au combat ? Si elles sont capables de faire des « métiers d’homme » pourquoi pas au front ?
      N’en déplaise à certains, mais certains métiers nécessitent de la force physique dont la plupart des femmes sont dénuée. D’ailleurs, si cette différence n’existait pas, le Code du travail aurait abolie cette différence … Pour tous les autres métiers il est évident que les femmes peuvent faire aussi bien que les hommes.
      Enfin, pour rappel, cette soit-disante égalité à tout crin a plombé la galanterie et la beauté des femmes.

      • Nombre d’hommes sont opposés à la conscription et vous voudriez que les femmes soient embarquées dans cette galère ? La guerre, les armes, tuer, sont des horreurs absolues et il est déjà dramatique que les Israéliennes soient contraintes au service armée, à se battre comme des hommes ! L’égalité est un fantasme : la nature a voulu qu’il y ait des insectes et des lions ! Je revendique le droit de rester une femme, en préférant l’aiguille au fusil.

  11. Une révolutionnaire comme tous les autres, sanguinaire, idéologue, sans autre convictions que le remplacement d’une classe privilégiée par une autre.
    La terreur et le génocide vendéen le prouvent.
    Il a fallu bien peu de temps a laRepublique pour détruire ce que les rois avaient construit.
    Beau résultat.

    • La révolution a engendré la terreur, la République actuelle dégrade notre pays, certes ! Mais il faut cesser d’enscenser les rois qui auraient construit la France ! La construction vient des serviteurs de notre pays au fil des siècles, chacun à sa plus ou moins modeste place…

  12. Olympe de Gouges ainsi que Charlotte Corday pourraient entrer au Panthéon à la satisfaction d’un grand nombre. Mais qui connaît ces héroïnes parmi les moins de trente ans ?

  13. «Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort.». Voilà une féministe, une vraie, comme on n’en fait plus. Elle a fait preuve d’un courage hors normes et elle serait atterrée de voir ce qu’est devenu le féminisme au 21ème siècle — abstraction faite du collectif Nemesis, bien sûr. Chapeau bas à cette passionnée d’égalité hommes-femmes.

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