39 menhirs disparus à Carnac : le mille-feuille administratif en cause ?
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Cela pourrait être le prochain album d’Astérix : Obélix et les 40 menhirs. Mais ce n’est pas une fiction : 39 menhirs ont disparu à Carnac (Morbihan), dans la Z.A. de Montauban. Oh, pas de ces mégalithes qui font la réputation mondiale du site, pas des microlithes non plus : des pierres d’une cinquantaine de centimètres de haut. Elles sont parties dans des bennes de gravats et de terre lors des travaux de construction d’un magasin Mr Bricolage, ont peut-être été, depuis, concassées en gravier et on n’a pas le cœur à rire devant ce fiasco patrimonial qui vient d’être dénoncé sur www.sitesetmonuments.org, en date du 2 juin, par un Carnacois, Christian Obeltz, prospecteur-correspondant du Laboratoire de recherche archéologie et architecture de l’université de Nantes.
Jointe par nos soins, la mairie de Carnac se défend de toute erreur. Une première étude du site, classé ZPPA (Zone de présomption de prescription archéologique), avait été menée en 2015 suite à une demande de permis de construire pour un Super U. L’INRAP avait alors repéré des éléments qui posaient la question : « Une file de menhirs inédite à Carnac ? » Pour l’auteur de l’étude, Stéphan Hinguant, il s’agissait vraisemblablement « de la réutilisation probable de blocs issus de monuments mégalithiques plus anciens » (p. 43). Et d’ajouter : « Seules des observations complémentaires sur les monolithes, voire une fouille, permettrait de certifier l'origine néolithique de cet ensemble qui pourrait au final s'inscrire en bonne place dans la cartographie des monuments mégalithiques locaux » (p. 45). Mais, explique aujourd’hui la mairie, « aucune suite n’a été donnée par le maître d’ouvrage à la prescription de fouille émise par la DRAC, le permis de construire de ce supermarché ayant été refusé en raison de hauteur sous faîtage non réglementaire et de la présence d’une zone humide ». Fin du premier acte.
Puis un deuxième permis est demandé en 2022, pour Mr Bricolage, cette fois. Entre-temps, les réglementations ont évolué, explique la mairie : l’« alurisation » et la « grenellisation » des plans locaux d'urbanisme (PLU) (en référence à la loi ALUR et au Grenelle de l’Environnement) font que, désormais, la ZPPA est devenue une AVAP (une aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine) ! Le dossier, transmis à l’UDAP (Unité départementale de l'architecture et du patrimoine), revient avec un avis positif qui a valeur décisionnaire : le permis est accordé.
Je vous aurais bien fait grâce des sigles – encore n’ai-je pas mentionné la DDTM ni le SCOT… –, mais ils semblent être la clé du gâchis qui vient d’avoir lieu à Carnac. Christian Obeltz accuse le maire de Carnac, mais aussi le Centre des monuments nationaux pour d’autres « aménagements brutaux » (le CMN a la responsabilité des alignements de Carnac), de se dépêcher d’aménager Carnac et d’y construire avant le classement probable du site au patrimoine de l’UNESCO, qui le rendrait intouchable. C’est peut-être un élément du problème, mais le mille-feuille administratif et les réglementations tous azimuts censées protégées l’environnement (dans son sens le plus large, englobant aussi bien la faune et la flore que les pierres de nos ancêtres) pourraient bien être la cause d’une décision ubuesque aboutissant à l’inverse du but recherché. Pour la mairie, le permis accordé respecte toutes les normes en vigueur, « conformément aux documents d’urbanisme » et seule la fatalité expliquerait cette aberration bureaucratique… bien que « cet imbroglio de réglementations » puisse être incriminé.
Reste que, de l’aveu même du cabinet du maire, « le site est détruit » définitivement et nul ne sait où sont passées les pierres préhistoriques. Le maire de Carnac, Olivier Lepick, est aussi le président de l’association Paysages de mégalithes, qui porte le projet de l’inscription, à l’UNESCO, des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan. On a connu sans doute meilleur porte-drapeau.
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33 commentaires
Il y a quelques jours, c’était l’histoire de la vente à l’encan d’une église du XIIème siècle pour en faire un bistrot…là des menhirs concassés pour installer un magasin de bricolage : décidément la réindustrialisation du pays ne connaît plus de limite !
Détruite l’histoire, détruite le passé d’une nation, n’est-ce pas le meilleur outil pour accélérer la décivilisation de cette nation ?
De mieux en mieux
La perte des valeurs et de tout repere!! La capitalisme a gagné sur l.histoire. M bricolage a deconstruit des megalithes. J.en pleurerais si il ne fallait en rire….
Bon on ne va pas en faire toute une caisse pour une cinquantaine de gros cailloux.;
Ce maire vandale et destructeur doit être démis de ses fonctions ..impardonnable et en plus pour un magasin de bricolage ou autre .honte à vous monsieur .bretonne de souche je suis écœurée et scandalisée .
Cela rappelle « l’œuvre de Burren » exposée dans un musée, qui s’était décrochée et qui avait servi de torchon pendant plusieurs jours.
Histoire authentique.
Y aura-t-il une réaction, voire une action contre la France, de Her Highness Princess Haifa Al Mogrin, Patronne de l’Unesco, dont par chance le siège se trouve à Paris ?
Quand je pense qu’au même moment Macron alla nous faire un Gloubi-boulga de son cru sur le millénaire du Mont Saint-Michel… Manu, « Notre Phare de la France » s’extasiait sur les bâtisseurs de notre histoire.
Ça laisse rêveur, on démolit ce que nous a laissé la préhistoire, pour une boutique de bricolage !
Imaginez les britanniques bousiller « Stonedge » pour le remplacer par un atelier de sculpture, ou les autorités de l’île de Pâques jeter les sculptures Moaï à la mer, pour construire un hôtel 5 étoiles ?
Ubuesque comme souvent avec l’Administration française et ses centaines de milliers de lois et normes!
Responsabilité collective sans doute …
Démission de ce maire de l’association Paysages de mégalithes, c’est bien le moins qu’il puisse faire!
« Pour la mairie, le permis accordé respecte toutes les normes en vigueur »… Ca c’est tellement cocasse! Sur un argument aussi imparable de simple « dossier bien fait », ce pauvre maire ferait sauter en l’air la Tour Eiffel, le Louvre et la grotte de Lascaux. Ca c’est une belle réponse de politicien, du très grand art. Il lui faut une promotion, un ministère des Chefs d’Œuvres en Péril, tout de suite.
La débilité à l’état pur associée à la négation de notre culture celte ainsi que l’incompétence et sans doute de la corruption nous apportent ce genre de scandale.
« négation de notre culture celte ». Il est clair, si je puis dire, que ces mégalithes, fussent ils petits, auraient été mis en place par les ancêtres d’une culture moins claire à la mode aujourd’hui, cela n’aurait pas pu se faire, ou le scandale, au cas où, aurait été national, voire mondial!
Eh beh ! Beau gâchis ! Ca va s’arrêter ou et quand , la destruction de nos paysages ancestraux ? Et tout ça pour un supermarché de bricolos pour gueux incultes réfractaires au beau, aux choses importantes, et bien sûr à l’histoire de nos contrées…Ne parlons même plus des fonctionnaires et des sigles abscons : nous sommes entrés dans l’ère de l’irresponsabilité..
Tellement incultes, vos gueux, qu’ils n’ont pas vu le nom britannique de ce commerce : Mister Bricolage. Des Français auraient écrit M.Bricolage.
abs est de trop
1- A qui appartient le site où se construit le site de bricolage ?
2 – Qui a eu la responsabilité de cette autorisation de construire ?
3 – A qui profitte le crime ?
Dire que le site est détruit de doit pas être suffisant pour cautionner le maintien de ce bâtiment industriel près du site de CARNAC. Les « écolos-bobos » ont fait quoi ?
ALUR, AVAP, UDAP, UNESCO, CMN, DDTM, SCOT, ZPPA, … et j’ajouterais ONPSDR (On N’est Pas Sortis Des Ronces) CQFD !