4 décembre 2024 : le gouvernement Barnier tombe sous la censure

assemblée nationale

La droite de Marine Le Pen et d’Éric Ciotti a fait trembler, ce soir, les colonnes du palais Bourbon. L’Histoire retiendra peut-être cette mutinerie des députés contre un budget (PLFSS) de centre mou qui marquait des inflexions grâce à la présence du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau mais refusait de rompre avec la doxa qui a mené la France au désordre et à la ruine. Plusieurs orateurs le relèveront : « Pour la première fois depuis 62 ans, un gouvernement risque d'être renversé », dira Laurent Wauquiez, quelques minutes après que Marine Le Pen lui a vigoureusement passé le gant de crin. On ressent ce mercredi, dans le chaudron de velours rouge et de bois qui abrite la représentation nationale, le climat spécial des heures marquantes pour le pays.

« Ambitions personnelles et manœuvres de pouvoir »

Il est 17h04. La présidente du RN monte au perchoir, le visage grave, résolu. Jamais ce parti, durant sa longue existence, n'a eu l'occasion de renverser un gouvernement. Une partie des sympathisants du RN craint, du reste, les conséquences de cette décision et s'y oppose.

À leur intention peut-être, au pupitre, Marine Le Pen redit ce qui a guidé la décision de mettre fin à « un gouvernement éphémère » : elle exigeait la maîtrise des dépenses, le souci de ses onze millions d'électeurs, la prise en compte des souffrances du pays. Mais c'est la dernière préoccupation, explique-t-elle, de ce « socle commun miné par les ambitions personnelles et les manœuvres de pouvoir qui le rongent ». Elle accuse sans ménagement le gouvernement Barnier de « sectarisme ». Pour Marine Le Pen, c'est simple : prolonger Barnier, c'est « prolonger l'hiver technocratique attaché au pouvoir d'Emmanuel Macron » et ses « faillites » migratoire, sécuritaire, fiscale et européenne.

À ce stade, la fille de Jean-Marie Le Pen cherche à montrer qu’elle n’est pas l’étatiste aveugle décrite par ses adversaires politiques de la droite et du centre. Le RN réclamait une rupture, rappelle-t-elle : le budget proposé s'inscrit dans la continuité des cinquante dernières années, celles du déficit abyssal. Dans la ligne libérale digne de Le Pen père, la présidente des députés RN rappelle la première de ses cinq priorités : « dégraisser l'État » et le recentrer sur ses missions régaliennes. Ce que promet Trump et ce que fait le libertarien Xavier Milei en Argentine. Barnier n’a pas tranché : « l'impôt, l'impôt, toujours l’impôt », attaque Le Pen, répondant ainsi à ceux qui la mettent avec le NFP dans le sac des étatistes irresponsables. Elle évoque les retraites et balaye « un budget technocratique sans cap ni vision, qui ne fait que dévaler la pente ».

Macron, Président destructeur

Contredisant la version d’un Barnier, Marine Le Pen n'a constaté que « de petits pas timidement et tardivement tentés qui ne sont pas des concessions mais des miettes ». Conclusion : « La politique du pire, c'est de ne pas censurer un tel gouvernement, un tel effondrement », exécute Le Pen, qui tourne soudain ses flèches vers Emmanuel Macron, stigmatisant ce Président « qui s'est ingénié sans discontinuer à déconstruire tout ce qu'il pouvait » : la préfectorale, le corps diplomatique...

Marine Le Pen n'appelle pas formellement à la destitution, « je laisse cela aux cheguevaristes de carnaval qui sans nul doute se reconnaîtront », lance-t-elle à l'intention de la gauche. Mais si Macron décide de rester à l’Élysée, il devra se résoudre « au respect de l'Assemblée nationale, des élus, des citoyens, de la logique démocratique », menace-t-elle. Les oreilles de l’hôte de l’Élysée, invité à se faire petit, ont dû siffler. Joindre ses voix à celles des élus NFP, c'est pour elle un simple outil pour éviter l'application d'un « budget toxique », explique-t-elle. « Nous ne les considérerons jamais comme des alliés », prévient Marine Le Pen, avant de voter pour un texte qui ne la ménage pas... Elle rappelle, au passage, que ceux qui lui font la leçon ont eu moins d'états d'âme face aux désistements LFI-LR-macronistes, lors des dernières législatives.

Marine Le Pen retrouve un souffle épique pour dire sa volonté de « renouer avec le sursaut et la grandeur avant que se profile la grande alternance. Ce jour viendra bientôt. Ce sera là le choc d'espérance qu'attend la France. » La droite se lève et applaudit longuement, debout.

« Seule la censure peut protéger les Français »

Ce n'est pas fini. Après les propos de Wauquiez et Vallaud, Ciotti reprend la sulfateuse et remet le couvert. Il dénonce « un budget socialiste », considère que les lignes rouges fixées il y a six mois, lorsqu'il présidait les LR, ont été franchies et revient sur « l'accord de la honte » au second tour des législatives. Lui aussi dénonce un budget récessif et un pouvoir incapable de faire des économies, soutenu par une « pseudo-droite » qui s'est reniée et sombre dans une taxation aveugle des Français qui travaillent. Wauquiez subit...

Pour Ciotti, « seule la censure peut protéger les Français de votre budget récessif », lance-t-il à Michel Barnier, et il remarque avec perfidie, toujours à l'intention de la droite, que, ce mercredi, les marchés financiers ont été davantage rassurés par l'hypothèse de la fin du gouvernement Barnier que par la perspective de la censure. À 20h28, le résultat tombe : les députés censurent le gouvernement Barnier par 331 voix - il en fallait 288. Le 4 décembre restera peut-être comme une étape dans la rupture d'une partie des représentants du peuple avec ce centre mou tout-puissant en France depuis de Gaulle et Pompidou. Mais, quoi qu'en dise le RN, la censure du gouvernement Barnier ouvre une période d'incertitude pour la France. Le visage attentif et réjoui de Mélenchon, présent dans les tribunes de l'Assemblée pendant les débats, rappelle que la menace d'un gouvernement avec l'extrême gauche n'est pas écartée.

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

175 commentaires

  1. Marine en à que faire des NFP elle veut sauver le peuple de France et le discourt à été parfait rien à dire de plus et les Français ont aplaudis (les vrais français)pas LFI et leurs suiveurs macronistes,anciens LR vive Marine et eric Ciotti.

  2. Wauquiez …triste Sire à n’en point douter. Ses leçons d’éthique ou de morale sont absolument édifiantes, lui qui aurait voté avec LFI aux législatives il y a quelques semaines à peine et qui se permet de donner des leçons au 11 millions d’électeurs Patriotes . Il rejoins sans vergogne des DeVillepin , Sarko ou autres Lemaire et Darmanin

  3. Je me réveille ce matin rassuré…aux dires des macronistes et LR ,la Seine aurait dû charrier du sang,les criquets seraient en train de manger toutes nos réserves, le premier né de chaque famille moribond,les crapeaux dans nos maisons,la famine decimant la population…rien de tout ça il fait gris,mais bon la météo nous n’y pouvons pas grand chose…quoique,il nous ont quand même aussi balance le  » changement climatique »..

  4. Vous êtes formidables chez BV, en ce jour historique de la chute du gouvernement, juste un tout petit article sur le sujet alors que toutes les chaînes d’info traite cet événement à longueur de journée….

  5. Un grand coup de chapeau à M Le Pen! Il n’y a bien sûr aucune alliance avec le NFP. Maintenant, vu ce que nous font subir ces politicards faillis de le droite courbe depuis si longtemps, j’avoue sincèrement que j’ai beaucoup moins d’estime pour celle-ci que pour les troupes de Mélenchon.

  6. Excellent résumé de la situation. Ajoutons la pensée pernicieuse d’Attal  » Le RN allié de NFP  » . Une élucubration de son cru. Sa perfidie « Le RN incapable du moindre compromis » . Peut-il nous rappeler qui a été à l’origine du « barrage républicain  » ? Il appelle certainement cela un compromis . Attal nous a fait un discours de condamné à mort, aucun souffle en direction de l’avenir. Quant à Barnier, il se réfugie derrière le peu de temps pour préparer son budget, le mettre en forme, 15 jours. Mais ils ont eu 7 ans pour y réfléchir et il nous a proposé du socialo assaisonné à la sauce macroniste. Marine Lepen tient Macron.

  7. Le RN avec ses 11 millions d’électeurs à été mis systématiquement de côté donc rien d’étonnant à cette censure. Hier Attal qui n’a rien compris à continué dans cette voie lors de son passage à la tribune. Le dauphin de Macron à l’identique qui parle beaucoup pour ne rien dire. La coalition honteuse du mois de juillet est un boomerang qui est revenu hier en pleine figure comme il se doit. La dette abyssale n’ est pas le fait du RN mais de deux présidents « républicains » Hollande et Macron en pire. Et ils veulent faire payer les français ?

  8. Pitoyable cette clique qui méprise et exclut des électeurs puis les supplie de veauter comme elle pour sauver la France. L’affaire presse alors que plusieurs semaines ont été perdues par le caprice de Macron. Aucun honneur.
    Ces gens sont imbus de fatuité, d’orgueil comme leur meneur.
    Voulant sauver leur gamelle, ils ont brouillé le scrutin.
    Enfin, MLP a rappelé aux électeurs que les promesses devaient être tenues Quel rappel!

  9. Après une dissolution délirante, des élections législatives où une partie de la droite appelait à voter nfp pour faire barrages à la « dictature » et la constitution d’un gouvernement retardée pour cause … de jeux olympiques (que voulez-vous, il y a des priorités à respecter), il ne fallait pas s’attendre à des étincelles. Le gouvernement Barnier n’était qu’un château de cartes construit dans la tempête. L’inconnu nous attend, quelle va être la réaction du président de la République ? Il faut s’attendre à tout, y compris au pire auquel il nous a si souvent habitués.

  10. Et maintenant, demain nous n’avons plus de conviction pour voter, nous reste peut être Reconquête et encore avec les spectacles que l’on vois le mieux encore c’est d’aller à la pêche ce jour là, en plus çà les arrangera.

  11. Présenter un budget qui s’inscrit dans la continuité des cinquante dernières années, fatalement çà ne peux pas passer sauf pour ceux qui y ont intérêt et si en plus vous avez faite barrage a un parti, exemple significatif Attal, et après vous lui solliciter son aide alors que son vote est décisif, faut pas s’étonner du résultat. On a la plus méprisable classe politique, de l’extrême gauche jusqu’à la macronie.

  12. Voter une Motion de censure qui insulte ses électeurs : PITOYABLE. Après avoir dénoncé, à juste titre, le front républicain lors des législatives, MLP se livre à une tambouille politicarde. Le RN est vraiment devenu un parti comme les autres …

    • Le RN ne voulait pas éliminer le PM mais Retailleau , qui voguait dans les sondages en appliquant le programme du RN.

    • Si elle ne votait pas la censure, Marine Le Pen apportait sa caution aux 40 milliards de taxes supplémentaires de Barnier (600€ / Français !). C’est ça que vous auriez voulu ? La censure était le seul outil constitutionnel dont elle disposait pour protéger les Français suite aux magouilles des législatives : ce n’était pas une alliance avec Mélenchon, elle n’a fait que se servir de lui ! De plus, la censure ne crée pas le chaos : on y est déjà depuis la dissolution par Macron. Et on y allait d’ailleurs tout droit depuis 40 ans…

    • Le FN du menhir était vraiment de droite.Ca ne plaisait pas à MLP qui en a chassé son père,a débaptisé le mouvement pour l’ancrer au Centre Gauche,tant au plan sociétal que civilisationnel.Mais ça plait aux moutons puisqu’elle a plus que jamais le vent en poupe !

  13. la voix du peuple exprimée aux dernières législatives a pu de nouveau se faire connaitre ; la gouvernance par la peur n’a pas pu s’imposer .

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