70 ans après la signature du projet de traité de Communauté européenne de défense, l’Histoire bégaie

cedf939_24800-1m5iv50.3yhfh1714i

Le 27 mai 1952 était signé, à Paris, le projet de traité instituant une Communauté européenne de défense (CED). En décembre dernier, à la veille de prendre la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron avait énoncé ses objectifs. Le premier d’entre eux était « une Europe plus souveraine » et d’affirmer « une Europe plus souveraine, c’est une Europe de la défense ». L’Histoire semble ainsi bégayer.

Chacun sait ce qu’il advint du projet de CED concocté par Jean Monnet. Le traité fut rejeté par l’Assemblée nationale française, le 30 août 1954. La première conséquence de ce rejet fut la démission de Jean Monnet de la présidence de la Haute Autorité de la CECA [Communauté européenne du charbon et de l'acier, NDLR]. Il considéra ce vote comme un désaveu de son projet d’Europe fédérale. En effet, le traité rejeté ne se limitait pas aux seuls aspects militaires mais prévoyait la création d’institutions de type étatique : un Conseil des ministres, un Commissariat, une Assemblée consultative et une Cour de justice.

Pour Monnet, derrière le projet militaire se profilait un autre projet : la fondation d’un État européen. L’article 38 du projet de traité confiait à l’Assemblée consultative le soin de proposer, dans les six mois suivants la ratification, une « organisation de caractère définitif » « conçue de manière à pouvoir constituer un des éléments d’une structure fédérale ou confédérale ultérieure ». Rédaction alambiquée mais projet clair.

Sur le plan militaire, il ne s’agissait pas de créer une défense européenne indépendante. Cette force européenne aurait été placée sous l’autorité du commandant suprême de l’OTAN, c'est-à-dire des États-Unis. Dès juin 1952, le général de Gaulle s’opposa au projet en s’interrogeant en ces termes : « En acceptant ainsi d’être une espèce de protectorat, serons-nous du moins protégés ? » Dans une lettre au général Béthouart, il avait qualifié le projet de « fumisterie » et d'« abdication nationale ». Le 26 août 1954, il avait encore précisé les enjeux : « faire prendre au Pacte atlantique le caractère d’une bonne alliance, non d’un mauvais protectorat ». Propos d’une surprenante actualité.

La situation géopolitique actuelle est évidemment très différente de celle prévalant dans les années cinquante face à la menace totalitaire marxiste. Mais, après l’effondrement de l’URSS, trente années d’efforts américains et de leurs supplétifs européens ont réussi à recréer un ennemi russe et à le repousser vers des alliances asiatiques dont on peine à discerner l’intérêt pour le Vieux Continent. La guerre en Ukraine sert de prétexte à la résurrection d’une CED nouvelle manière.

Derrière l’insistance « macronienne » sur la nécessité d’une défense européenne se dissimule mal un projet d’une autre nature. Car, comme il y a soixante-dix ans, il ne s’agit nullement de constituer une armée européenne indépendante mais une force militaire supplétive sous commandement américain.

Sur le site de l’Élysée figure une citation du président de la République surmontant le symbole étoilé de l’Union européenne : « L’Europe seule peut assurer une souveraineté réelle… Il y a une souveraineté européenne à construire et il y a nécessité de la construire. » La France serait donc incapable d’assurer une souveraineté « réelle ». Évidemment, puisqu’elle a été bradée par les gouvernements successifs de la République. Plus de souveraineté monétaire, une liberté budgétaire sous contrôle, pas de souveraineté en matière de commerce international pas plus qu’en matière de concurrence, plus de souveraineté militaire depuis le retour dans le commandement intégré de l’OTAN…

« On ne peut servir deux maîtres à la fois », dit l'Évangile. La notion de souveraineté partagée est une « fumisterie », aurait dit le général de Gaulle. Mais pourquoi et au profit de qui ? D’un système « d’eurocrature » insatiable qui sans cesse veut étendre ses pouvoirs et prétend dicter aux peuples ce qu’il est bon de choisir comme politique et ce qu'il n’est pas bon de choisir.

Macron/Monnet, même combat. Expert en « ambiguïté constructive », la taqîya européenne, le Président n’a qu’un objectif : dissoudre la France dans un ensemble technocratique européen, lui-même succursale d’un « gouvernement mondial » dont les centres nerveux se situent aux États-Unis. La défense, qui touche au cœur de la souveraineté étatique, est le moyen idéal de passer d’une souveraineté à l’autre. La France n’est que le marchepied des ambitions européennes de Macron. Les cinq ans à venir seront ceux d’un combat incessant contre sa volonté de défaire la France, tant sur le plan de la civilisation que sur celui de la souveraineté. Saurons-nous le mener ?

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

35 commentaires

  1. La seule ambition de ce président est l’Europe, le reste il s’en moque.
    Il ne sent même pas arriver le vent de la colère française qui sifflera prochainement sur nos terres.
    C’est ce qu’on nomme l’amateurisme.

  2. La France Marche pied de Macron je dirais plutôt le tapis ou la serpillière Il serait temps que la droite unie lance un nouvel appel le 18 juin pour la Reconquête de sa liberté

  3. Et oui le but est vraiment de dissoudre la France je suis bien d’accord avec les autres commentateurs … Comment se fait il que les Français ne s’en rendent pas compte ,soient à ce point naïfs ??
    Ou bien ils le savent et s’en moquent ce qui est pire !!!

    • « Ou bien ils le savent et s’en moquent ce qui est pire !!! »
      Les Français qui votent Macron, le savent et sont d’accord. L’Europe, l’Europe… comme disait le général De Gaulle.

  4. L' »Evangile  » sans doute mais les dindons d’Européens avec doute important !

  5. Fumisterie ou non, tout ce qui se concocte se heurtera à la Russie comme à la Turquie qui ont d’autres projets l’un et l’autre antagonistes évidemment !

  6. S’il n’y avait que l’histoire, mais c’est la destruction de toute l’UE qui est recherchée par tout ces petits mer-deux qui se sont fait payer de grosses campagnes électorales par les US et Cie. Il y a eu Sarko, puis le gros fainéant et maintenant Macon 1 et 2, résultat du « vote utile » prôné par la majorité des médias tous complices de ces magouilles destructrices pour sauver les US qui de toute façon arrivent en fin de vie avec l’Eurasie qu’ils ont provoqué par leur pillage systématique.

  7. Et à force de voter pour n’importe qui pour n’importe quel projet, les Français se réveilleront, un matin, en apprenant qu’ils n’habitent plus un pays, une nation souveraine de son avenir, mais un territoire dirigé par des « non-Français », des Commissaires politiques inconnus et non élus. Merci les abstentionnistes !

    • C’est une constante chez nous de  » voter Pétain ». Manque de courage et illusion de sauvegarder leurs avoirs : La majorité des Français a applaudi à la perte de sa liberté et de son honneur. Presque personne autour du Général mais la majorité des députés (de Gauche) a voté les pleins pouvoirs puis les Américains n’ont cessé de lui savonner la planche. Donc rien de nouveau dans les péripéties politiques actuelles. Quant au petit Sarko, désolé. Il a essayé mais contre tous c’était trop dur…

  8. Tout le monde sait et Éric Zemmour n’a eu de cesse de le répéter, que Jean Monnet était un agent des États unis et de la CIA. Et si l’UE est à ce point inféodé aux USA notamment par le biais de l’OTAN cela tient pour beaucoup de l’œuvre de Monnet d’aider à l’infiltration américaine en Europe.

  9. Les électeurs de Macron sont tous des toutous couards. La dé-responsabilisation et le désengagement citoyen pour La défense de la souveraineté française est leur choix d’irresponsables.
    Sarkozy a trahi les Français en invalidant le non à Maastricht au référendum de 2005.
    Macron continue en osant faire disparaître le drapeau français de l’Arc de Triomphe.
    Son ambition est : devenir le 1er président de la future confédération européenne que les citoyens responsables doivent interdire de naître

  10. Le projet de Macron de dissoudre la France dans un ensemble technocratique européen, va se heurter à une crise monétaire sans précédent, à laquelle la France affaiblie, dépouillée de toutes ses forces (Alstom, énergie nucléaire…) aura bien du mal à résister (déjà 23° rang au PIB). Macron aurait pu réussir son coup avec une France forte industriellement, unifiée, mais il a commis l’erreur de la diviser, de l’affaiblir.
    Ce n’est pas avec une armée désorganisée, sans âme qu’on gagne une guerre

    • Et si Macron voulait justement une France affaiblie pour mieux en donner les clés aux USA pour finir de la dépouiller une sorte de plan Marshall bis

      • C’est fortement probable, en ce cas, il serait plus américain que Français. Il n’en demeure pas moins que l’américano de substitution va être malmené par la crise économique et qu’il risque de perdre sa présidence européenne.
        Les autres démocraties européennes ne vont pas le suivre comme des moutons ; elles ne sont pas habituées à un régime présidentiel dictatorial.

      • Et n’oublions pas que la véritable capitale de l’Europe se situe à Berlin (sous les ordres de Washington, quand même). Tout dépendra de l’avis de Berlin, et surtout de ses intérêts.

      • C’est exactement ce que je pense, une France affaiblie et divisée, beaucoup plus facile à anéantir en tant que nation. Nous ne serons plus que des consommateurs dociles, recevant chaque mois le « salaire universel » et abrutis par les émissions débiles de télé.

  11. Excusez moi, mais c’est en premier Sarkozy qui nous a livré à l’ OTAN
    Nous étions un allié de l’ OTAN nous sommes devenu une roue du corbillard des USA.
    Macron n’ est que le larbin des banques et des lobbyistes des grands groupes.
    Hollande a été un idiot utile qui a apporté sa pierre socialiste à la ruine du pays.
    Regardez ce gouvernement en qui voyez- vous la moindre possibilité d’ utilité pour le pays?

  12. Défense européenne ? Mais déjà , il faudrait standardiser les matériels ! Les pays de l’UE achètent Américain , il ne faut pas mécontenter l’oncle Sam et son parapluie . Exemple avec le F35 , le Rafale est tout aussi compétitif. Seule la France possède une armée digne de ce nom , et encore faudrait il la renforcer sérieusement. Nous sommes incapables de soutenir un conflit de forte intensité. Moitié moins de matériel et d’hommes qu’il y’a 40 ans. S’en remettre aux américains est une folie .

    • Les quelques confrontations d’exercice entre F35 et Rafale ont toutes tourné à l’avantage de ce dernier (mas pas le moindre !). Par surcroît le prix de l’heure de vol du F35 est d’environ 1,6 fois plus élevé que pour son concurrent. Les acheteurs vont assez vite voir la différence : les Européens achètent made-in-US par obligation de vassal à suzerain et non en fonction de leurs intérêts.

    • ne pas oublier que le budget de la défense vient d’être amputé de plusieurs centaines de millions pour « aider » l’Ukraine. le president avait dit « sanctuarisé » ce budget, encore un mensonge mais qui en parle??? et nos personnels manque de matériel adapté aux nouvelles missions.

  13. « le Président n’a qu’un objectif : dissoudre la France dans un ensemble technocratique européen ».
    Merci aux électeurs ayant approuvé la réélection de Macron.
    Le conflit ukrainien montre l’impuissance de l’UE mais met en évidence la volonté d’une Nation.
    Macron, les instances technocratiques européennes, l’OTAN et surtout les USA sont carrément à côté de la plaque.
    C’est une confédération de Nations que nous avons besoin et non pas un état européen assujetti aux USA.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois